Avant d’écrire ce texte qui m’habite depuis un certain nombre d’années, je désire mentionner que j’offre mes réflexions aux personnes qui ont été témoins de mon parcours spirituel.
Je dédie tout d’abord ce texte à mes parents qui m’ont transmis une foi bien vivante et intégrée au quotidien par le souci des autres et l’entraide ; ils ont toujours été pour moi de vrais témoins de la présence de Dieu sur terre. Je remercie toutes les personnes rencontrées au cours des vingt dernières années, dans mes différents engagements, qui ont éveillé en moi le désir de servir l’Église par le diaconat.
Je ferai connaître ce texte à l’organisme Femmes et ministère, à Madame Pauline Jacob qui vient de terminer une thèse de doctorat sur le discernement spirituel de 15 femmes québécoises.
Je ferai connaître mon texte à ces femmes qui ont ressenti comme moi l’appel de l’Esprit à servir l’Église dans le diaconat ou la prêtrise.
Je ferai connaître ce texte aux personnes qui m’ont dit que j’avais le charisme pour servir l’Église, au couple qui dernièrement m’a demandé de les unir civilement, parce qu’ils savaient que je ne pouvais bénir leur mariage dans l’Église catholique. Je donnerai ce texte aux parents de la mariée avec qui j’ai animé des cours de préparation au mariage et qui ont toujours été présents dans mon parcours spirituel.
Je ferai connaître ce texte au prêtre qui nous a marié, Réjean Poirier, qui fut responsable de la formation des prêtres au diocèse de St-Jean-Longueuil, et à qui je me suis si souvent confié au niveau de mon parcours spirituel.
Je ferai connaître ce texte à ma meilleure amie Josée qui me connaît depuis l’adolescence.
Je ferai connaître ce texte à trois prêtres avec qui j’ai travaillé de très près dans une paroisse de ma ville. Ils ont tous été témoins de mes demandes répétées à travailler avec eux en collégialité, comme une membre à part entière de l’Église.
Je ferai connaître ce texte à trois hommes mariés diacres, Pierre, François et Guy. J’ai été témoin de l’ordination au diaconat de chacun d’entre eux dans le diocèse de St-Hyacinthe.
Je donnerai également mon texte à l’évêque de ce même diocèse, Mgr François Lapierre.
Je ferai lire enfin mon texte à l’homme que j’aime. Depuis l’âge de 14 ans, Rémy fait partie de ma vie, il connaît tout de mon histoire, de ma foi, de mes engagements, et a bien sûr été témoin de ma demande de diaconat. Il m’a toujours soutenu dans mes démarches et mon cheminement.
Depuis mon enfance, j’ai toujours vu mes parents s’impliquer auprès de la petite communauté paroissiale d’Immaculée-Conception à St-Hubert. Je les ai vu aider des familles dans le besoin par le biais de l’organisme St-Vincent de Paul. Par la suite, ils ont aidé à l’intégration d’un bon nombre d’immigrants (es) ayant quitté leur pays en raison de la guerre. Ils leur ont trouvé logis, vêtements, nourriture et travail sans jamais rien demander en retour. Cet exemple de chrétiens engagés m’a toujours fasciné et inconsciemment influencé dans ma vie d’adulte.
À l’âge de 14 ans, un futur prêtre Réjean Poirier, arrive dans notre paroisse. Il organise avec les jeunes de la paroisse des rencontres de réflexion de type Gospel ; à ses yeux, nous sommes importants comme jeunes, il est vraiment à notre écoute. Lorsqu’il nous propose de participer à une fin de semaine de réflexion nommée le Shalom, nous acceptons avec plaisir. Je n’oublierai jamais cette expérience et je trouve dommage que les jeunes d’aujourd’hui, en raison du travail de fin de semaine, ne puissent avoir la chance de vivre un temps d’arrêt, un temps de réflexion pendant leur adolescence ou au début de leur vie adulte.
Pendant ce camp, j’ai réalisé que Dieu m’aimait, qu’Il m’a choisi pour agir en son nom sur terre, par mes actions et mes paroles. Après cet événement, j’ai fait grandir ma foi lors de rencontres de prières et de réflexion pendant de nombreuses années, puis j’ai animé avec mon copain et futur mari, les fins de semaine de Shalom jusqu’à mon mariage en 1980. J’ai tellement reçu en donnant de mon temps dans ses fins de semaine, à écouter les jeunes et leurs souffrances. J’ai grandi intérieurement.
Ma foi m’a donné le goût d’en connaître davantage sur la Bible, sur l’histoire de l’Église et c’est ainsi que j’ai décidé d’entreprendre mon baccalauréat en théologie. J’ai vraiment apprécié mes études qui m’ont apporté des réponses à des questions fondamentales, mais qui m’ont aussi aidé à comprendre mon rôle dans l’Église, comme membre du peuple de Dieu.
Mes études et l’expérience du Shalom m’ont amené à m’impliquer avec mon conjoint, dans l’animation de cours de préparation au mariage. Cet engagement s’est vécu dans le diocèse de St-Jean-Longueuil et par la suite celui de St-Hyacinthe. Pendant près de 20 ans, nous avons accompagné des couples. Ce fut fort enrichissant pour nous deux, nous avons communié à leur projet, à leur espoir de vouloir demeurer ensemble toute leur vie.
Lors des fins de semaine, l’équipe d’animation me demandait souvent d’animer l’aspect spirituel et liturgique de la célébration du mariage. Après avoir accompagné ces couples pendant toute une fin de semaine, les avoir écouté, avoir partagé leurs confidences, il arrivait fréquemment que des couples m’avouent qu’ils auraient aimé que je célèbre leur mariage…si j’avais pu. À plusieurs reprises, je leur ai dit que j’aurais aussi aimé les accompagner jusqu’à la célébration.
Dans la même période, j’ai animé avec une équipe extraordinaire l’éveil religieux des petits dans ma paroisse. J’ai exercé cet engagement pendant près de 12 ans. Comme j’enseignais à ce moment-là l’enseignement religieux dans les écoles primaires, il m’arrivait souvent de revoir à l’église le dimanche, les enfants à qui j’enseignais à l’école. Le lien communauté-paroisse était si intéressant. Mon travail et mon engagement étaient ainsi interreliés. À cette époque, j’étais aussi catéchète pour les enfants dans tous les sacrements. À la fin des préparations catéchétiques, les enfants me disaient la même chose que les couples de fiancés; ils souhaitaient que ce soit moi qui fasse la célébration du pardon, de l’eucharistie ou de leur confirmation. Ils me disaient tous la même chose avec tant de sincérité, de spontanéité : « toi Claire, tu nous connaîs bien, tu nous as préparé aux sacrements, pourquoi ce n’est pas toi qui fait la célébration, tu es capable, on le sait. » Ces paroles m’allaient droit au cœur. Ils s’adressaient à moi en suppliant, et je devais leur répondre que je ne pouvais pas parce que je n’étais pas prêtre. Il m’arrivait parfois, lors des dimanches d’intégration, de faire l’homélie. À la fin des célébrations, les parents venaient à leur tour me dire combien ma réflexion les avait rejoint et enrichi parce qu’ils se reconnaissaient en raison de mon expérience de mère. Des enfants plus vieux m’ont déjà dit : « Pourquoi Pierre Horan peut faire des célébrations ? » Pierre était alors un enseignant marié, comme moi, exerçant son diaconat dans notre paroisse. J’étais souvent bouche bée, je ne savais pas quoi leur répondre.
Un jour, j’ai répondu que Pierre était diacre et que c’est la raison pour laquelle il pouvait aider le prêtre de la paroisse. La réplique n’a pas tardée : « Pourquoi tu n’es pas diacre toi aussi ?
Et c’est là que l’Esprit m’a rejointe à travers ces enfants. Oui, pourquoi je ne suis pas diacre ? J’ai une formation en théologie, je travaille avec les enfants à l’école, à l’église, avec les jeunes couples dont je pourrais éventuellement baptiser leur enfant.
Je connaissais très bien la position de l’Église catholique concernant le rôle que l’on attribue aux femmes. Je savais que je ne pouvais être diacre. Pourtant, je me sentais appelée du plusprofond de mon être. Mon service à l’Église devait maintenant aller au-delà de mes engagements ecclésiaux. Je me sentais appelée par l’Esprit au diaconat.
En 1998, après en avoir discuté avec mon mari, j’ai fait une demande officielle au diocèse de St-Hyacinthe. Je m’en souviens très bien ; mon coeur débattait au moment de poster ma demande.
Dans les semaines suivantes, un couple dont le mari était diacre, et le prêtre responsable du diaconat sont venus nous rencontrer. Ils m’ont avoué avoir été surpris de cette première demande officielle faite par une femme pour l’accession au diaconat. Ils m’ont demandé si j’étais informée des règles de l’Église catholique concernant les femmes. J’en étais bien sûr très consciente, mais cela ne changeait rien au fait que j’ai ressenti l’appel de l’Esprit à servir autrement que dans des engagements paroissiaux. Je me souviens très bien que je me suis absentée pendant 5 minutes pour aller border mon enfant au lit. Pendant ce temps, ils ont demandé à mon mari s’il ne voulait pas poser sa candidature à ma place! Mon mari fut vraiment étonné de cette offre et a répondu qu’il était prêt à m’accompagner dans mes démarches, mais qu’il n’avait nullement l’intention d’être lui-même diacre. Je l’ai entendu dire : « C’est ma femme qui a ressenti cet appel, pas moi ! »
Avant que la rencontre ne se termine, je leur ai demandé de me dire à voix haute la véritable raison du refus de ma candidature. Ils ne savaient pas quoi dire. Évidemment, ils devaient me dire que c’était parce que les femmes n’étaient pas appelées à remplir cette fonction dans l’Église catholique.
Dans les semaines qui ont suivi, j’ai ressenti une profonde tristesse, j’étais blessée. Aucune raison théologique ne justifiait ce refus de l’Église à mon avis.
Pourquoi l’Esprit Saint ne peut choisir des femmes formées en théologie et solidement impliquées dans leur Église pour servir dans le diaconat?
Mes dernières tentatives de travail de collaboration se sont faites dans la paroisse voisine de celle où j’avais toujours exercé mes engagements. J’enseignais maintenant au secondaire l’enseignement religieux. Je savais que les adolescents trouvent rarement leur place au sein des communautés paroissiales. C’est la raison pour laquelle tout en m’impliquant dans le Comité de pastorale paroissial, j’ai créé des soirées de réflexion et de prière avec des adolescents pendant un an. Pour les célébrations dominicales, j’ai offert au prêtre de la paroisse ma collaboration afin de faire en sorte que celles-ci soient significatives pour les jeunes. Je lui ai écrit une lettre dans laquelle je lui expliquais mon cheminement et l’appel à servir que j’avais ressenti. Je lui ai proposé de prendre la parole en faisant parfois l’homélie. J’ai obtenu comme réponse qu’il est de la responsabilité du pasteur de la paroisse de prêcher.
Je suis pourtant convaincue que lui et moi aurions pu nous compléter, faire équipe au service de la communauté paroissiale. Quelle magnifique expérience j’aurais pu vivre sans nécessairement être diacre, puisque ce rôle m’était refusé ! Mais je n’ai pas senti d’ouverture possible.
Dans les années qui ont suivi, j’ai délaissé tout engagement paroissial. Ma pratique dominicale s’est espacée. Je prie, je communie à Dieu par le plein air, je fais parfois des retraites ou des 24 heures de silence. Je voudrais tant faire des célébrations dominicales différentes de celles auxquelles j’assiste présentement. Chaque fois que j’y vais, je suis triste, j’ai mal, je souffre intérieurement de ne pas être au service de l’Église dans laquelle j’ai été baptisée, selon l’appel que j’ai ressenti.
Pour éviter de souffrir, j’ai décidé de me consacrer totalement aux élèves à qui j’enseigne. Ma pratique pastorale se fait auprès des jeunes qui me sont confiés. Depuis trois ans, j’expérimente le cours d’Éthique et de culture religieuse qui remplace l’enseignement religieux catholique au niveau du secondaire 4. J’apprécie beaucoup mon travail. Il me permet d’aborder des sujets de réflexion très connexes avec mon expérience vécue comme femme en Église. J’enseigne la Charte des droits qui préconise l’égalité entre les humains peu importe le sexe, la race, la religion. Nous analysons les droits de l’Homme dans le monde, et constatons que la femme est bafouée dans presque tous les pays, y compris ceux qui ont signé la Charte. J’enseigne les cinq grandes religions. Nous constatons que la femme ne peut jouer les fonctions auxquelles elle aspire, parce que les responsables de toutes les Églises, souvent masculins, décident des rôles qu’elles doivent assumer au sein de l’institution ecclésiale. Ces décisions sont souvent appuyées de textes sciemment choisis pour les justifier.
Le 7 octobre 2006, un jeune couple m’a cependant offert l’opportunité de célébrer leur mariage. Un mariage civil à caractère religieux puisque ce couple est très croyant. La mariée Renée, est la fille du couple avec qui nous avons animé des cours de préparation au mariage pendant près de 15 ans. Ils reconnaissaient en moi la compétence pour célébrer leur mariage et je ne crois pas les avoir déçue. J’étais même profondément émue du respect à mon égard et de l’occasion unique qu’il m’offrait de célébrer, comme j’aurais aimé le faire dans l’Église.
En terminant, je souhaite ardemment être témoin avant de mourir de la reconnaissance réelle des femmes en Église. Je vois de plus en plus des animatrices paroissiales remettre en question leur travail ou se réorienter car elles voudraient faire plus pour cette Église qu’elles aiment, mais qui les abandonnent, alors que la pénurie de prêtres est de plus en plus problématique. Acceptons avec humilité de nous tourner vers l’expérience des Églises anglicanes pour voir si les femmes prêtres dans cette confession n’offrent pas la réponse à la problématique actuelle vécue dans notre Église.
Pour ma part, chaque dimanche des vocations, je prie l’Esprit pour qu’Il éclaire notre pape et ses évêques.
En attendant, j’essaie de répandre la Parole de Dieu en paroles et en actions auprès de ma famille, de mes amis et des élèves qui me sont confiés.
Chrétiennement vôtre,
Claire Bergeron
26 février 2007
J’entends bien votre expérience. Faut-il qu’ils tiennent à leur structure patriarcale pour ne pas changer et continuer à faire travailler les femmes sans reconnaissance ni écoute de l’Esprit. C’est une structure de péché; contre l’Esprit.
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