Le diocèse de Joliette, sous la conduite de son évêque Gilles Lussier, débutait vers le milieu des années 90 les séances de l’Assemblée du peuple de Dieu. Je me souviens avoir participé aux réunions de consultation paroissiales et aux assemblées diocésaines. En 2004, l’Église de Joliette publiait un carnet d’appropriation de son Projet ecclésial. Le projet tenait compte de cette large consultation des baptisés du diocèse. Par exemple à la page 10, le défi no 9 proposait de »rechercher activement les possibilités d’accès au ministère ordonné pour les femmes et les hommes, mariés(ées) ou célibataires ». Il saute aux yeux que le souhait des baptisés s’écartait de la fin de non-recevoir du pape Jean-Paul II, mais la question était posée, exprimée, faisait partie d’un large consensus et à nos yeux permettait encore le cheminement.
Tous les espoirs étaient permis, mais la lourdeur de l’Église institutionnelle et l’âge de plus en plus avancé des bénévoles ont quelque peu refroidi les ardeurs, y compris les miennes. Néanmoins, les réflexions individuelles ou de groupes se poursuivaient, par exemple celles du Réseau des Forums André-Naud. Des années avant la sortie du Projet ecclésial du diocèse de Joliette, le groupe Femmes et ministères a certainement été un phare dans cette recherche et le combat pour la reconnaissance d’une place égale pour les femmes sur la question de l’ordination sacerdotale.
Halte et questionnement
J’ai récemment posé la question à Pauline Jacob, l’une des têtes de file de Femmes et ministères, si l’accession des femmes au sacerdoce était encore un objectif valable et sa réponse fut affirmative. Elle m’a référé à un article paru dans L’Autre Parole no 43, septembre 1989, et toujours actuel, 25 ans plus tard. Sa lecture m’a amené à faire le point dans ma position.
L’égalité des femmes dans l’Église sur la question de l’ordination est un enjeu capital. Comment les chefs de l’Église pouvaient-ils et pourraient-ils encore s’attendre à ce que les femmes et les hommes baptisés écoutent leurs messages sur Jésus Christ quand ils se sont montrés, comme corps organisé, incapables de dialoguer avec le monde actuel et surtout quand ils refusent encore aujourd’hui de discerner dans la vie de nos communautés chrétiennes l’action de l’Esprit. Ce qui a découragé nombre de baptisés de l’ère de Vatican II et ce qui en a éloigné plusieurs du message de Jésus Christ, c’est une théologie sclérosée sur le sacerdoce et la mainmise de la papauté, celle-là même que le théologien André Naud avait critiquée.
L’Esprit de Jésus est supposé faire toutes choses nouvelles, avons-nous appris; or nos évêques ont refusé de se mettre en marche ou ont toléré que le pape et son entourage musèlent les plus progressistes. Il n’y a pas cinquante-six solutions: la démission ou la disparition de ces évêques et leur remplacement par des évêques ouverts à la nouveauté, comme l’exige une lecture actuelle de l’Évangile.
L’Église à un tournant
C’est le ménage, il me semble, qu’a entrepris le pape François. D’abord, l’assainissement des finances du Vatican, ensuite l’aveu et la tolérance zéro de la pédophilie, et l’utilisation des possessions de l’Église pour son unique mission: annoncer la venue du Royaume aux pauvres, aux aveugles et aux opprimés. Et le menage s’impose d’abord dans notre propre maison: commencer par ôter la poutre dans ton œil avant d’essayer d’enlever la paille dans l’œil de ton prochain.
La prochaine conversion de notre Église devrait être de quitter sa position de dispensatrice de vérités éternelles – héritées du passé – pour aller vers une attitude d’accompagnement des femmes et des hommes de notre temps. Elle a déjà commencé chez nombre de théologiens et de pasteurs, autant laïcs que religieux.
Quand cette conversion renouvellera-elle notre regard sur la question de l’ordination des femmes? Un indice que ce temps approche: hier, je participais à une session dans ma paroisse sous le titre »Faire route ensemble vers une culture partenariale en Église ». Il s’agit bien du partenariat hommes et femmes en Église, peut-on lire dans le cahier de bord remis aux participants. Une image – approchant la facture d’une icône – sur la page couverture du cahier, montre une femme et un homme discutant et faisant route avec le personnage central qui est le Seigneur. Autrefois, on aurait spontanément vu deux compagnons masculins, comme on a toujours imaginé la rencontre des disciples d’Emmaüs avec le Ressuscité dans l’Évangile de Luc (24,13-35). On y fait donc la relecture d’un récit évangélique avec des yeux de croyants du XXIe siècle. Peut-on espérer que cette lecture aille jusqu’à faire cesser la discrimination dans l’ordination des femmes? Ma foi en Dieu, en Jésus et en l’Esprit saint me dit OUI, car le pape François a l’expérience du discernement selon l’Esprit et non toutes sortes de considérations humaines – trop humaines! L’avenir de l’Église, non, l’avenir de la foi, ici et maintenant, passe par ce chemin de discernement.
Toujours dans une vision « partenariale », une autre exigence de notre temps que les évêques ne peuvent plus ignorer sans tomber dans l’in-signifiance, est que l’annonce de l’Évangile a besoin de considérer les femmes comme des vis-à-vis des hommes, de véritables partenaires, et non pas comme des assistantes, des exécutantes, ou encore en les réduisant à leur unique fonction de mère. Être des vis-à-vis, c’est être pleinement égaux. Les femmes sont mères comme les hommes sont pères. Femmes et hommes sont aussi frères et sœurs en Jésus et aimés du même Père : c’est ce qu’on m’a toujours enseigné. Faisons le pas suivant et reconnaissons que des femmes sont habilitées autant que des hommes pour être prêtres, prophètes et pasteurs. AUJOURD’HUI, on ne peut plus être témoins crédibles de Jésus Christ en se privant du regard, des mains et de la parole des femmes. Que tous les évêques le reconnaissent, comme un grand nombre de baptisés l’ont déjà fait! Qu’ils le disent haut et fort! Et qu’ils l’écrivent pour les générations futures!
Michel Bourgault
bénévole en pastorale paroissiale
11 janvier 2015
Ce texte a été publié le 11 janvier 2015 sur le site eau du rocher et est reproduit avec la permission de l’auteur.
- Oui à l’ordination des femmes - 12 janvier 2015
- Femmes et honorées du Nobel de paix - 8 octobre 2011
Ça me fait du bien de lire cette confession de foi de la part d’un frère dans la foi. Merci, monsieur Bougault. C’est la conviction que j’ai essayé d’exprimer dans « Homme et Femme à la lumière de l’Evangile de Luc ».
Comment aller plus loin en Église tant que d’autres hommes, croyants comme vous, et qui sont dans les lieux où ils prennent seuls les décisions, même en ce qui concerne notre identité et notre vie de femmes, ne partageront pas cette réflexion pourtant simple et qu’ils n’oseront pas l’affirmer si jamais ils la partagent? Il s’agit en effet de la vérité de notre identification au Christ mort et ressuscité par le même baptême. Que pouvons-nous faire seules tant que les femmes sont exclues des lieux officiels de décision, d’élaboration de la pensée, de représentation et de prise de parole dans le cadre liturgique et au nom de notre Mère la Sainte Église? Je ne peux m’empêcher de voir une discrimination mais surtout un appauvrissement de toute l’Église, une carence pour l’évangélisation. Il y a longtemps qu’il est question de ce signe des temps, me semble-t-il…
Trouverons-nous une solution sans oser revoir complètement la théologie catholique du sacerdoce qui identifie le prêtre au Jésus historique avec tout ce que cela suppose et justifie? Faut-il que meure ce modèle de prêtre? Et de diacre aussi?
Un cardinal de Rome dit qu’ils ne sont pas misogynes … Le pape ose dire qu’ils sont peut-être machistes! Et si c’était vrai! Que faire pour toucher à ces mentalités bien ancrées? Quoi attendre si on en forme d’autres ainsi?
Je demeure de plus en plus dans la paix avec toutes ces questions mais je ne peux m’empêcher de les avoir et d’y penser… et d’espérer l’Heure de Dieu qui sera la bonne si c’est la sienne!
Et moi, à 85 ans en 2015, j’ai mis un cran d’arrêt sur mon espérance que tous ces hommes de sacerdoce entre hommes même en robes dans les moments de passage de nos vies n’auront pas compris avant je meure. Ainsi chantait John Littleton, il y a déjà si longtemps. Et si le bon Pape François nous rend visite au 375e de Montréal, j’aimerais lui serrer la main, lui en robe, moi en pantalons. Quelle inversion dans le vêtement qui parle haut et fort.