Je suis agente de pastorale à Lac-Mégantic dans l’archidiocèse de Sherbrooke. Lac-Mégantic est-ce que ça « sonne une cloche » pour vous?
Pour nous, aucune cloche, ni sifflet n’a retenti dans la nuit du 6 juillet 2013, lors de la tragédie ferroviaire.
Résultat : 47 personnes ont perdu la vie et ces pertes de vie ont laissé un trou béant dans le cœur des familles et ami(e)s de ces victimes.
Quelle désolation!
Que faire?
La première action posée, dès que ce fut possible, fut d’ouvrir les portes de l’église, laquelle est vite devenue un lieu de réconfort.
Les familles des victimes se sont, en quelque sorte, approprié l’endroit pour en faire un sanctuaire en hommage à leurs êtres chers. Photos, mots d’amour, objets significatifs ornaient la balustrade à l’avant de l’église.
Rapidement un comité de bénévoles a été mis sur pied afin d’assurer une présence constante auprès des personnes qui venaient pleurer, chercher du réconfort, se recueillir, se déposer.
Telle fut notre première action!
Vint ensuite, après l’identification des victimes, la préparation des funérailles.
À ce moment, travaillant déjà depuis 9 ans à l’accompagnement des personnes en deuil, mon rôle fut d’aider notre curé, Steve Lemay, à recevoir les familles pour les guider dans ces préparatifs.
J’ai donc accompagné plusieurs familles dans ce voyage qu’on ne voudrait jamais avoir commencé.
Chaque famille avait des demandes particulières qui reflétaient l’essence de leur être cher. Même en le sachant déjà, j’ai vite réalisé que chaque personne vit son deuil de façon unique et personnelle.
Et comme le dit le pape François : « Qui suis-je pour juger? » telle ou telle réaction face à ce drame sans nom.
Avec le recul, je puis dire que je me suis sentie privilégiée de vivre ce cœur à cœur souffrant avec ces personnes. Un privilège qui m’a donné d’ ÊTRE plutôt que de faire; d’écouter plutôt que de parler.
Mon impuissance face à toute cette souffrance s’est traduite par un silence habité d’un regard de compassion, de tendresse, espérant apporter aux cœurs asphyxiés un peu de souffle, un peu de ce Souffle Divin.
Alors que peut-on faire dans pareilles circonstances?
Je poserais plutôt la question autrement : Comment peut-on ÊTRE?
Dan Bigras a dit, un jour, cette phrase magnifique : « On a tous un trou dans le cœur, il suffit de s’en
servir pour faire passer la lumière. »
Après 5 ans, la blessure au cœur n’est certainement pas
entièrement cicatrisée.
Mais chaque personne touchée par cette épreuve deviendra-t-elle
porteuse de lumière dans notre monde lui aussi meurtri par tant de
drames?
Louise Bergeron
Lac Mégantic, le 10 juillet 2018
- Ma présence au coeur d’une tragédie - 13 juillet 2018