Recension de: MACY, G., DITEWIG, William T., ZAGANO, Phyllis. LES FEMMES DIACRES, Hier, aujourd’hui, demain, Montréal, Éditions Novalis Inc., 2018, 175 pages.
par Rita Amabili
Après une intéressante préface de Mgr Paul-André Durocher qui ouvre son écrit en précisant qu’il est reconnu comme l’évêque qui a soulevé la question de l’accès des femmes au diaconat permanent et un avant-propos tout aussi pertinent de madame Susan A. Ross de l’Université Loyola de Chicago qui souligne avec pertinence l’engagement si considérable des femmes dans l’Église que cette dernière s’effondrerait sans leurs nombreuses responsabilités, le lecteur ou la lectrice se retrouve sans surprise devant l’introduction. « L’Église catholique est souffrante » peut-on lire dans le premier paragraphe. Et voilà, la table est mise pour les trois essais qui suivront.
Le thème des femmes diacres est souvent revenu dans l’histoire de l’Église. Tout au long du petit livre, les trois auteurs se posent une question « historique » existant aujourd’hui bien au-delà des murs de l’Institution : le diaconat comme rite d’ordination peut-il s’étendre aux femmes? Au cours des siècles, l’existence des femmes diacres ne peut être mise en doute et l’auteur du premier essai nous donne de nombreux exemples de l’authenticité de ces personnes ordonnées.
Je connais Gary Macy l’historien, depuis plus d’une dizaine d’années. Plusieurs de ses titres se retrouvent dans mes bibliographies de travaux universitaires ou de romans. J’apprécie ses explications claires, concrètes et ses questionnements cherchant à nous guider dans nos réflexions subséquentes. Le contexte historique employé par monsieur Macy lors de ses explications nous donne une assise stable et vérifiable par sa propre bibliographie.
Dès les premières pages, Monsieur Macy cite des auteurs du IVe siècle jusqu’à Abélard au XIIe, abondant dans le sens de Paul de Tarse et faisant référence aux femmes « en service » donc appelées diacres. Dès les premiers temps du christianisme, affirme-t-il, et durant plus de la moitié de l’histoire chrétienne, des femmes diacres étaient présentes dans l’Église d’Orient. Il est probable qu’en Occident, les femmes diacres aient été appelées « veuves ». Les pères du Concile cependant s’efforcent de les faire disparaître à cause prétendent-ils, de leur fragilité. À leur avis, il était métaphysiquement impossible d’ordonner des femmes.
Monsieur Ditewig entreprend de répondre à la question du point de vue théologique, assurant qu’en Occident, après Vatican II, le diaconat renouvelé est ouvert tant aux hommes mariés qu’aux célibataires. Le diaconat est alors vu comme un ordre distinct et permanent et non comme un « ordre avant le sacerdoce » : il est un ministère ordonné.
En 1976, sous Paul VI, la Congrégation pour la doctrine de la foi publie la Déclaration Inter Insigniores sur la question de l’admission des femmes au sacerdoce ministériel. En 2010, il y a promulgation par la même Congrégation des normes substantielles sur les délits les plus graves : la « tentative d’ordination sacrée d’une femme » y est incluse.
Avec les besoins actuels, l’auteur du second essai conclut que comme Vatican II a ouvert le diaconat aux hommes mariés, il est cohérent que l’Église contemporaine puisse faire de même en ordonnant des femmes à ce même ordre.
Le passé et le présent peuvent-ils être garants d’un avenir concret pour les femmes diacres dans l’Église catholique, demande Madame Zagano dans les premières pages du troisième essai? La réponse nous laisse perplexe : les femmes s’acquittent des devoirs inhérents au diaconat, mais toutefois sans en recevoir l’ordination.
Les diacres sont ordonnés pour servir dans et par la Parole, la liturgie et la charité. Plus d’une fois, Benoit XVI a appelé à ce qu’il y ait inclusion des femmes à la gouvernance et au ministère, mais il n’a pas ramené comme il aurait pu le faire, la tradition des femmes diacres. De même, le pape François : s’il a l’intérêt à ce qu’il y ait des femmes à certains postes d’autorité, il verrait un problème à l’existence de femmes diacres ordonnées. Les obstacles, spécifie l’auteure, sont au nombre de deux : que les femmes soit ordonnées au diaconat peut présager qu’elles le soient à la prêtrise et alors dans un second temps, ces femmes feraient partie du clergé.
La sous-question demeure entière : une femme peut-elle par l’identité diaconale être définie comme étant in persona Christi servi?
Madame Zagano qualifie de superstition historique le fait que selon la compréhension que l’Église a du prêtre, les femmes souilleraient le sacré en période de menstruations.
Je termine mon analyse du troisième essai en citant Madame Zagano, page 149 : « La longue liste de ce qu’on appelle « les questions touchant les femmes » obscurcit les besoins criants du Peuple de Dieu en matière de ministères féminins ».
Le sujet passionnant des femmes diacres est développé avec brio par les trois auteurs du livre « Des femmes diacres ». Leurs explications claires ouvrent une voie explorée depuis des siècles sans toutefois être empruntée.
Ce livre écrit en trois essais, souligne le travail passé en ce qui concerne la possibilité et la plausibilité d’un diaconat féminin, tout en se tournant vers l’avenir : renouveler un jour la dimension missionnaire et chrismale de l’Église? Tant de bras sont prêts à travailler la pâte d’une mission dépassant largement les cycles physiques pour s’ouvrir naturellement au Souffle Saint.
L’Esprit de Dieu souffle sur notre monde. La question qui me vient au cœur après la lecture de ce livre si actuel, est celle de savoir quelles portes demeureront à jamais fermées.
Rita Amabili,
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Je viens de terminer ce volume qui m’a été offert en cadeau par un diacre permanent de ma paroisse.
J’ai beaucoup, d’une part apprécié son geste, signe de la reconnaissance qu’il considère cette option importante de la part de l’Église, d’autre part il reconnaît que je porte en moi cet appel. Je compte près de 40 ans de service en Église comme agente de pastorale.
Merci pour cette recension, elle m’aide à faire un pas de plus dans ma compréhension de ce volume.J’ose espérer que l’Esprit saint soufflera assez fort que des portes s’ouvriront un jour…….