Version originale : « The Taliban within » Blogue « In al things »,
Jesuits in Ireland
Texte publié avec l’autorisation de l’auteur
La lettre suivante de la docteure [en théologie] Anne Inman de New Ash Green dans le Kent a été publiée dans The Tablet le 11 septembre 2021 :
Que pense l’Église catholique de l’annonce faite par les talibans selon laquelle les femmes peuvent travailler pour le gouvernement, puisque près de la moitié des travailleurs sont des femmes, « mais aux postes les plus élevés… il ne peut y avoir de femmes »? (entrevue en pachtoune sur la BBC, 1er septembre)
Ma première réaction a été de me rappeler la question posée par Myroslaw Tataryn dans son excellente lettre au pape François sur ce blogue (27 août 2021) : « Alors cher frère, pourquoi avons-nous peur de dire que ça suffit la mascarade d’un sacerdoce exclusivement masculin? »
Il se trouve qu’à l’époque j’étais en train de lire le Diary of Jesus Christ [Journal de Jésus-Christ] du dramaturge jésuite new-yorkais Bill Cain. Dans l’une de ses pièces, un riff imaginatif sur le choix des 12, (Il monta sur la montagne et appela à lui ceux qu’il voulait, et ils vinrent à lui – Marc 3, 13), il place Jésus en consultation avec Marie-Madeleine avant de faire son choix. Après l’annonce publique des 12, il lui dit qu’il pense que ça s’est bien passé et qu’il est satisfait. Elle semble froide et répond « bien, tant mieux pour toi », et s’en va. Jésus ne comprend pas et dit : « Faisons la fête ce soir. Faisons une fête. » Elle dit : « Très bien. Qui va cuisiner? » Finalement, conscient que les choses ont mal tourné entre eux, Jésus dit : « Tu es en colère contre moi… Es-tu en colère contre moi parce que je ne t’ai pas choisie? » Madeleine répond : « Je suis fâchée que cela ne t’ait pas traversé l’esprit. Et, pour être honnête, je suis en colère que cela ne m’ait pas traversé l’esprit… quand tous les noms ont été appelés, tu as dit que c’étaient ceux-là que je voulais. En voyant la joie, le ravissement, le plaisir de ceux qui étaient appelés, j’ai soudain ressenti quelque chose que je n’avais alors jamais ressenti envers toi. Une non choisie. Une oubliée. Une pas considérée. » Jésus dit : « Mais tu m’es plus chère qu’aucun d’eux. C’est vers toi que je me tourne pour les choisir »; mais tous les deux savent que quelque chose n’a pas été résolu. « Nous nous sommes tus. Il n’y avait plus rien à ajouter. »
Comme pour le juif et le gentil, pour le maître et l’esclave, et maintenant pour l’homme et la femme (Gal 3, 28), toutes les implications du message évangélique – pour Jésus lui-même, et a fortiori pour nous – nécessitent un développement historique. L’évolution de la sensibilité morale, les preuves scientifiques et tout ce qui constitue « les signes des temps » concourent à jeter un nouvel éclairage sur les anciennes vérités. Nous sommes rendus à un tel moment en ce qui concerne le rôle des femmes et des hommes dans l’Église. Il est bien sûr beaucoup trop simpliste de faire correspondre directement la position de l’Église et celle des talibans. Mais alors que les femmes de l’Église catholique sont devenues à ce point conscientes de ne pas avoir été prises au sérieux pendant si longtemps, que leurs sentiments et leurs pensées n’ont pas la même valeur, nous pouvons affirmer que nous vivons une véritable crise et un temps de « discernement ». Et même si l’on reconnaît les dangers du cléricalisme et la nécessité de le réformer, il est tout simplement malhonnête de refuser l’ordination aux femmes sous prétexte que l’Église ne veut pas « cléricaliser » les femmes – si le cléricalisme est intrinsèquement mauvais, pourquoi continuer à ordonner des hommes?
Il semble parfois que les autorités de l’Église, tout en reconnaissant que quelque chose ne va pas, ne s’engagent pas de manière suffisamment urgente dans ce que beaucoup semblent considérer comme une préoccupation relativement mineure provenant en grande partie d’intérêts particuliers des pays développés. Peut-être que certains des discours sur « l’idéologie », « les consciences individuelles », « les élites » trouvent leur origine dans cette perception? Je rappelle encore sur ce blogue la 34e Congrégation générale des jésuites en 1995, quand il y eut, de la part de certains jésuites, une résistance à attirer l’attention sur le statut inégal des femmes dans l’Église pour la raison qu’il s’agissait d’un programme occidental qui ne respectait pas l’autonomie culturelle régionale. Heureusement, certains de nos membres ont eu accès à un haut fonctionnaire philippin de l’ONU travaillant dans le domaine des droits humains qui nous a assurés – je paraphrase – qu’il y avait davantage de péchés commis contre les femmes partout dans le monde au nom de l’autonomie culturelle que pour toute autre raison.
Le pape François a ouvert un espace de discernement et de débat franc et honnête dans l’Église. Je pense qu’il faut continuer à avoir foi en ce processus synodal avec courage (parrhesia) et constance (hypomene). Ce faisant, nous ne pouvons pas nous dérober à l’écoute et à l’engagement mutuels entre ceux et celles qui comprennent que l’interdiction de l’ordination des femmes est basée sur des fondements scripturaires douteux et une tradition théologique peu convaincante, et ceux et celles qui s’opposent sincèrement à ce qu’ils perçoivent comme une trahison de la tradition au profit d’un accommodement éphémère à la modernité. Ce « ne pas se dérober » peut être ennuyeux : la plupart d’entre nous n’aiment pas les conflits et cela peut ressembler à du harcèlement, surtout lorsque les gardiens épiscopaux du statu quo actuel sont souvent des hommes manifestement honnêtes et gentils. Mais, comme le pape François l’a lui-même fait remarquer de manière inimitable dans une entrevue récente sur les enjeux complexes qui se posent à nous tous et toutes dans le discernement (La Croix International, COPE, 1er septembre 2021), « Le diable court partout, mais j’ai surtout peur des diables polis, ceux qui sonnent à votre porte et demandent la permission d’entrer chez vous… ce sont les pires et on se fait duper ».
La paix est un don chrétien, mais la sainte lamentation également, de même que le souvenir subversif de Jésus qui trouble constamment notre paix.
Gerry O’Hanlon, sj
Le 28 septembre 2021
Ce billet a d’abord été publié sur Go, Rebuild my House, un blogue hébergé par Sacred Heart University, Fairfield, Connecticut.
Traduit par Pauline Jacob et Michel Goudreau à l’aide des traducteurs gratuits Chrome et Deepl
- Des talibans chez nous - 16 septembre 2022
À quoi bon et pourtant!
Nos écrits sont possiblement lus. Toutefois, sont-ils accueillis et reconnus par la reconnaissance des personnes qui ont données leurs vies, suite à l’Appel reçu. Ne sont-ils pas davantage accordés à d’autres personnes. Dans ce texte, Marie-Madeleine choisit les apôtres et elle reste sur le banc, indifférent à la foi profonde qui l’habite, telles Marthe et la Samaritaine attestant Jésus comme Christ. Au 6e siècle de notre ère, le saint patriarche latin Modeste dont le tombeau repose en la basilique du Pater Noster de Jerusalem authentifiait son rôle. Encore et une fois de plus, le fondateur de l’Ecole biblique de Jérusalem, le père Marie -Joseph n’avait-il pas reçu à saint Maximin, sa vocation à la prêtrise de sainte Marie-Madeleine? Le Synaxaire de la tradition latine et orthodoxe n’affirme-t-il pas tel saint Modeste de Jérusalem, Sainte Marie-Madeleine l’apôtre-égale-aux apôtres (+de 13 fois, le Synaxaire l’évoque). Et, que penser de la préface liturgique du 22 juillet où Marie-Madeleine est reconnue comme Apôtre des apôtres. Pour ma part, je retiens la tradition du christianisme des origines: Marie-Madeleine l’apôtre-égale-aux apôtres. La porte est grande ouverte, aux dirigeants de nous accueillir, ne croyez-vous pas?
Espérant contre toute espérance!