En octobre 1983, plus de 200 évêques du monde entier se rendent à Rome pour un synode sur « La réconciliation et la pénitence dans la mission de l’Église ». Mgr Louis-Albert Vachon, primat de l’Église canadienne, archevêque de Québec et membre de la délégation canadienne fera porter son intervention sur « La réconciliation hommes et femmes dans l’Église ».
L’Instrumentant laboris, au no 41, propose que « certains dialogues progressent au-dedans de l’Église d’abord. avant qu’ils soient établis ensuite avec le monde ». On voit dès lors l’importance et l’urgence de promouvoir le dialogue hommes-femmes dans l’Église comme un lieu essentiel de reconnaissance mutuelle et de réconciliation.
Problématique
Tout comme elle influence la vie en société, l’évolution de la condition des femmes influence et influencera inévitablement la vie et l’avenir de l’Église.
La Convention de l’O.N.U. sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes montre bien le progrès des sociétés civiles par rapport à cette question; progrès, inégaux selon les milieux, mais réels et encouragés par l’Église elle-même.
En effet, depuis Jean XXIII dans Pacem in terris, et depuis Vatican II dans Gaudium et Spes, différents épiscopats n’ont cessé de sensibiliser l’opinion publique à la situation culturelle difficile, voire opprimée de la femme.
Mais ces appels de l’Église au monde pour la promotion du statut des femmes n’auront bientôt plus d’impact, si ne se réalise parallèlement à l’intérieur de l’Église la reconnaissance effective des femmes comme membres à part entière.
Perspective théologique
Le thème même de ce Synode nous invite, hommes et femmes de l’Église, à entreprendre ensemble une démarche de réconciliation au nom de notre baptême en Jésus Christ, car « c’est lui qui est notre paix : de ce qui était divisé, il a fait une unité. Dans sa chair, il a détruit le mur de la séparation : la haine (Ep 2, 14-15) ». « Ainsi il n’y a plus ni Juif, ni Grec; il n’y a plus ni esclave, ni homme libre; il n’y a plus l’homme et la femme; car tous vous n’êtes qu’un en Jésus Christ » (Go 3, 28). Une humanité nouvelle se réalise en Jésus Christ, en laquelle sont abolis les conflits internes d’origine raciale, sociale et sexuelle. Une humanité nouvelle à faire advenir historiquement et culturellement, humanité dans laquelle l’homme et la femme apparaissent et se comprennent sur la base d’une égalité d’origine et de destin, d’une égalité de mission et d’engagement.
Contexte historique et actuel de la réconciliation
Les femmes de notre pays nous invitent à faire avec elles certaines prises de conscience fondamentales et à mettre en place des structures de dialogue efficaces à l’intérieur de nos Églises respectives.
Une première étape dans notre démarche vers la réconciliation hommes et femmes consiste à nous écouter mutuellement.
Au Canada, des femmes de plus en plus nombreuses prennent la parole et expriment leurs sentiments. La vision dualiste « chair-esprit » et les préjugés sexistes qui s’y attachent ont beaucoup marqué leur passé et continuent à marquer leur présent, les identifiant à « l’occasion de péché ». Elles ont expérimenté et expérimentent encore, et de multiples façons, l’aliénation, la marginalisation, l’exclusion. D’autres femmes ont pris le parti de se taire. Paroles ou silences expriment leurs souffrances et leur désir d’être entendues, reconnues et prises au sérieux pour ce qu’elles sont fondamentalement. Des expériences existent déjà, ici et là, qui manifestent la richesse d’un partenariat égalitaire entre hommes et femmes pour l’avènement du royaume et la croissance de l’humanité.
De notre côté, reconnaissons les ravages du sexisme et notre appropriation masculine des institutions ecclésiales et de tant de réalités de la vie chrétienne. Des femmes ont souligné, à titre d’exemple, le langage masculin des textes officiels et même liturgiques.
Dans notre société et dans notre Église, l’homme en est venu à se croire l’unique détenteur de la rationalité, du commandement et de la présence active, reléguant la femme au secteur privé et aux tâches de dépendance. La reconnaissance en Église de notre propre déformation culturelle nous permettra de dépasser les concepts archaïques de la femme tels qu’ils nous furent inculqués pendant des siècles.
Déjà l’histoire de notre pays et de notre Église a su apprécier la créativité ingénieuse des femmes ainsi que leur participation originale aux projets collectifs. Aujourd’hui, elles sont de plus en plus nombreuses, en beaucoup de domaines de la vie publique et sociale. Elles réussissent une ascension qualitative remarquable qui laisse entrevoir un changement notable dans la façon de concevoir l’humanité. Tous ces faits devraient nous encourager à vivre avec elles, en Église, des relations d’égalité qu’exigent notre identité fondamentale de personnes et notre vie de fils et de filles de Dieu.
Démarche de réconciliation à la lumière de l’Évangile
Une deuxième étape de notre démarche de réconciliation consiste à nous laisser interpeller, hommes et femmes, par l’Esprit de Dieu. Ensemble, nous avons besoin que nos attitudes et nos comportements individuels et communautaires soient éclairés par l’Évangile. Au coeur de l’Évangile, les Béatitudes nous aideront à identifier aussi les dimensions parfois injustes et dévalorisantes de nos structures; de même qu’elles nous permettront de découvrir ce qu’il faut changer pour que le statut de membres à part entière soit reconnu aux femmes comme aux hommes.
Recommandation
La recommandation des évêques canadiens à la suite de cette intervention concerne toutes les communautés ecclésiales, familiales, professionnelles, régionales, diocésaines ou autres : qu’elles mettent en place des structures de dialogue qui soient des lieux de reconnaissance mutuelle et de mise en oeuvre effective de nouveaux rapports d’égalité « hommes et femmes » dans l’Église.
- La réconciliation hommes et femmes dans l’Église - 30 octobre 1983