Il y a quelques mois, étant de retour au service des communications dans le diocèse de Nicolet, j’ai reçu des mains de mon évêque, Mgr André Gazaille, un mandat pastoral. Chez nous, cela se déroule dans le cadre d’une célébration liturgique intime où sont conviés les agentes et agents de pastorale laïques qui reçoivent un premier mandat ou qui le renouvellent. Parmi mes amis Facebook, les photos de cette cérémonie ont suscité quelques réactions, dont plusieurs vœux de félicitations. Quant à moi: « Je prends ce mandat comme une marque de confiance en ma mission et celle de mes collègues. Heureuse de le vivre ainsi dans l’Église de Nicolet! », ai-je commenté à mon tour.
Dans mon parcours de communicatrice, j’ai souvent cru que ma juste place était ailleurs, plus en périphérie de l’Église « officielle », là où le fait religieux est souvent traité avec peu de nuances, croit-on. Et j’y suis allée voir. Si bien que cette rentrée pastorale me voyait revenir au poste, dans la même fonction diocésaine, pour la deuxième fois après autant de départs. Avant de me rasseoir sur la chaise d’où je m’étais levée l’année précédente, je me devais de clarifier mes motivations. Je le devais aussi à l’équipe qui me réintégrait. Après tout, j’avais à ma portée un lectorat frôlant les 30 000 abonnés en étant à la barre d’un magazine respecté, la revue Notre-Dame-du-Cap; n’était-ce pas le rêve d’une journaliste qui s’était taillé un profil presque sur mesure pour cela? Il y avait de quoi, avec cette décision, susciter la circonspection.
Cela fait un peu plus de 15 ans que je considère mon parcours professionnel comme intimement lié à ma « mission » en tant que baptisée à l’œuvre en Église, dans le secteur des communications. Tout a commencé en août 1997, lorsque j’ai été amenée par les détours de la vie à quitter un poste de journaliste dans un quotidien de l’Atlantique pour me joindre à l’équipe diocésaine de Trois-Rivières. Depuis ce temps, j’ai vécu quelques allers-retours entre la fonction de responsable de communication et celle de journaliste exerçant à divers titres, le plus souvent au sein de publications religieuses. Je me suis aussi spécialisée avec l’acquisition d’une maîtrise en théologie, dont le mémoire avait pour sujet le traitement du religieux dans les magazines grand public.
Comment donc en suis-je venue à accepter un nouveau mandat pastoral à titre de communicatrice dans l’Église catholique? S’agirait-il d’un retour en arrière? « Une journaliste comme toi! », s’est déjà exclamé un prêtre diocésain, ébahi de me voir revenir. J’ai trouvé mes réponses en deux « mouvements » ou « dynamiques » que je savais être à l’œuvre dans l’Église de Nicolet. Ma première motivation tient à la dynamique de collaboration en équipe et de responsabilités partagées dans la manière d’y vivre la mission. Et cela ne s’exerce pas que dans l’exécution des projets. Il règne dans cette équipe diocésaine une conscience profonde de la coresponsabilité.
C’est une réalité manifeste, par exemple, dans l’élaboration de nos priorités pastorales et la manière avec laquelle nos différents milieux y sont mobilisés. Le lancement diocésain nous en donne l’exemple le plus frappant, alors que les priorités et le thème proposés à l’ensemble du diocèse sont développés sous l’impulsion de toute l’équipe. Une réflexion collective, à ce sujet, est reprise d’une année à l’autre en s’étendant, chaque fois, sur plusieurs mois. Le tout, dans un esprit de grande collégialité entre tous les membres des services diocésains et avec l’évêque.
L’autre trait qui me rappelle vers cette Église diocésaine est en quelque sorte le résultat de cette dynamique. Depuis l’année 2001, alors que j’en étais à mes débuts au service des communications, l’Église de Nicolet a développé une approche particulière de ce que nous appelions alors l’« Orientation diocésaine sur l’évangélisation ». Nous étions encore loin du synode des évêques sur la nouvelle évangélisation de 2012. Mais l’expertise et l’expérience pastorale locales, dans la dynamique collégiale que nous vivions, avaient déjà donné naissance à cette vision originale qui reconnaissait la culture contemporaine comme «un terreau pour l’Évangile». On doit souligner, dans l’élaboration de cette vision, le travail et la recherche théologique de Marthe Lamothe, sœur de l’Assomption-de-la-Sainte-Vierge et membre de notre équipe.
Depuis, toutes les approches mises de l’avant en pastorale diocésaine découlent de cette vision. Plusieurs des personnes qui étaient là en 2001 ne font plus partie de notre équipe. Mais l’esprit qui habite la mission d’évangélisation a survécu aux retraites, aux décès et autres causes de rotation de personnel… même à la nomination d’un nouvel évêque! Après son arrivée comme pasteur de notre Église diocésaine, Mgr André Gazaille a su, selon moi, apprécier les fruits de cette dynamique et de l’Esprit à l’œuvre dans notre Église. Lui-même s’est laissé transformer en entrant, avec nous, dans cette mouvance. Et l’approfondissement de ce que je pourrais qualifier de « spiritualité pastorale » se poursuit toujours, avec les ressources aujourd’hui engagées à cette mission.
Si j’ai décidé de revenir à ma fonction de communicatrice dans cette Église diocésaine, ce n’est donc pas avec le regret de faire un pas en arrière. Au contraire! Il me faut néanmoins reconnaître une chose: en tant que femme, je me demande parfois si j’avais les qualités requises pour me tailler une position satisfaisante dans le milieu journalistique. Parmi celles qui me manquent cruellement : l’esprit de compétition! Je ne suis pas faite pour un environnement professionnel où il faut jouer du coude pour faire valoir la pertinence de ses idées et l’originalité de sa plume. Ce qui m’amène à constater que, dans la culture actuelle, il peut encore être très difficile pour une femme – du moins une femme comme moi – d’intégrer certains milieux qu’on perçoit, a priori, égalitaires pour toutes et tous. Quand la compétition et les discours tranchants qui font autorité l’emportent sur les nuances, la collaboration et le travail d’équipe, je ne suis pas tout simplement pas au rendez-vous…
Alors qu’on peut légitimement revendiquer une véritable accessibilité des femmes à toutes les fonctions ecclésiales, y compris les fonctions de leadership pastoral qui engagent la vocation presbytérale, mon expérience me révèle un certain goût de « déjà-là »… malgré, bien sûr, un triste « pas encore »!
Le « déjà-là », je le perçois dans l’esprit qui anime l’exercice pratique du leadership, au sein de l’Église où j’ai les pieds. Peut-être n’est-ce pas le cas de tous les milieux pastoraux, mais il y a quelque chose, ici, qui valorise sans équivoque la coresponsabilité interministérielle. À commencer par une volonté de « chercher ensemble » les voies d’avenir pour l’évangélisation, dans le respect des charismes des personnes, plutôt que de se reposer sur des thèmes convenus et des positions d’autorité. C’est là un premier pas, me semble-t-il, vers la pleine et entière égalité des appels ministériels des hommes et des femmes dans notre Église.
Ne serait-ce que pour ces quelques raisons, j’ai accepté mon récent mandat pastoral avec, au cœur, « la joie de l’évangile ». Et cela me procure le sentiment profond de faire un véritable bond en avant, bien plus qu’un retour sur mes pas.
- Un certain goût de « déjà-là »… - 28 octobre 2014
Quel dynamisme ! Nous n’en sommes pas encore là en France, malgré de formidables charismes chez un un grand nombre de femmes, tant laïques que religieuses. Mais, Dieu, que de murs à abattre, à escalader ou à contourner ! Sans exclure bien entendu aucun homme, il s’avère qu’aujourd’hui le prophétisme est féminin.