Dans le contexte du cinquantième anniversaire de l’ouverture du concile Vatican II, la revue Présence (février 2012) a publié ce texte inédit, rédigé en… 1963!
Nous le reproduisons avec les permissions requises.
Un jour dans un journal, un entrefilet inséré entre une photo de John Diefenbaker et la rubrique nécrologique, faisait état de la récente déclaration d’un évêque des États-Unis – dont je n’ai pas retenu le nom – qui s’étonnait qu’aucune femme n’était présente au concile Vatican II en qualité de membre actif, avec droit de parole et même de vote. Il soulignait notamment la présence de nombreux laïcs – tel le philosophe Jean Guitton – qui, par leurs interventions, montraient que l’Église est une grande famille prête à accueillir toutes les âmes du monde, qu’elles soient dans un corps d’homme ou de femme, d’animiste ou de communiste.
C’est de la sorte que l’idée de la femme prêtre m’est venue. Je me suis alors empressé d’en faire part autour de moi. Les réactions ont été fort variées dans leur expression mais unanimes quant à leur fond: d’un haussement d’épaules à un fou-rire, toutes traduisaient clairement que ladite idée était pour le moins saugrenue.
Du simple bon sens?
J’étais perplexe : qu’y avait-il là de si terrible? Une femme prêtre, pourquoi pas? Est-ce que j’allais à l’encontre des bonnes mœurs, de la canonique catholique, de la pastorale chrétienne? Du simple bon sens? Était-ce méconnaître la femme que de la vouloir participante à part entière à ce que le petit catéchisme de mon enfance appelait l’Église militante?
Pourquoi, m’a-t-on objecté, Jésus de Nazareth n’a-t-il pas lui-même choisi des femmes pour être des apôtres, c’est-à-dire ses représentants les plus directs pour assurer la propagation de sa Parole? Pourquoi ne pas avoir retenu Marie-Madeleine, Marie-Salomé par exemple? Le contexte social, historique et religieux des Juifs de l’époque fournit des réponses: voici deux mille ans, il n’était pas question pour les femmes de quitter maris et logis afin de se transformer en apôtres d’une cause, quelle qu’elle fût. En venant sur Terre dans la peau d’un homme, Dieu dérangeait déjà un bon nombre de traditions religieuses et de consciences… il n’avait nul besoin en sus de bouleverser un régime social.
Il était important de respecter les mœurs du peuple élu: Jésus a vécu comme les gens de son temps. En Palestine, la femme se devait de tenir un rôle social effacé, réservé, ce qui l’excluait de toutes les fonctions publiques. Le Pentateuque, Le Livre des proverbes, pour ne citer qu’eux, témoignent avec éloquence de la méfiance que la pensée juive entretenait à l’endroit de la femme. Si parfois elle se distinguait – pensons à Ruth, à Esther -, c’était sous l’impulsion immédiate de Dieu. Il en est de même pour Marie que Dieu a choisie pour être la mère du Christ, donc sa mère, la faisant participer de manière très intime à son sacrifice rédempteur. Dieu a voulu s’incarner dans le ventre d’une femme.
Dieu n’a pas oublié la femme dans son dessein de sauver les hommes, de fonder son Église. La preuve, à la Pentecôte, l’Esprit est descendu et sur les apôtres et sur Marie. Par ce geste, Il reconnaissait que Marie n’était pas exclusivement et uniquement la mère de Dieu, mais qu’elle était et demeurait un être humain – une femme – à qui il accordait sa confiance: il en faisait, tout autant que Pierre et les autres, l’un de ses ministres au sens premier et plénier du terme. L’un de ses prêtres, par conséquent.
Les mœurs ont changé
Depuis vingt siècles, les mœurs ont changé. Dans beaucoup de sociétés, la femme n’est plus considérée comme un être inférieur, soumise à la volonté du mâle. Tout n’est pas accompli mais de grands pas ont été faits; l’Église, pour sa part, a accompagné et nourri l’évolution en particulier de la civilisation occidentale. Chez nous, il y a eu les suffragettes qui ont lutté pour faire reconnaître les droits civiques des femmes. Autour de nous, il y a tout cet élan qu’on qualifie de féministe qui – avec des moyens souvent plus radicaux – brasse la cage, entendons la quiétude des représentants du sexe masculin. Et, pendant ce temps, en des pays qui n’appartiennent pas à la sphère occidentale (au Ceylan, par exemple), des femmes accèdent à des hauts postes politiques et même au rang de premier ministre.
D’où la question: est-ce que l’Église refuse le sacerdoce à la femme parce que justement elle est femme? De nos jours, en ce début des années 1960, les femmes, surtout des religieuses, remplissent toutes les fonctions d’un prêtre, sauf célébrer la messe et administrer les sacrements. C’est un non-sens. Dans beaucoup de pays, des communautés chrétiennes restent de longues périodes sans recevoir la visite d’un prêtre alors que des religieuses pourraient assumer ces fonctions. Bien sûr, l’important, c’est la charité mais encore faut-il la soutenir, cette charité, par la grâce accordée au nom de Dieu via le prêtre.
La thèse de son infériorité
Refuser à la femme la prêtrise, c’est soutenir la thèse de son infériorité. Quelles sont les bases d’un tel refus? Intellectuelles, physiques, morales, métaphysiques, théologiques? Pourtant, le ciel n’a jamais été refusé à une femme parce qu’elle était une femme. La sainteté n’est pas incompatible avec la nature féminine. La prêtrise demande au postulant une volonté et une capacité d’élévation spirituelle et morale pour remplir adéquatement et dignement son ministère. Seul le mâle en serait capable?
Dieu a choisi de s’incarner dans le genre humain. Pour ce, aucun facteur d’ordre social, historique, philosophique ou même physique ne peut s’opposer à ce que des femmes deviennent un jour des ministres à part entière de l’Église, à savoir des prêtres. Ce n’est pas une question de sexe, mais de respect, de dignité.
* En 1963, Normand Cazelais était journaliste, écrivain et rhétoricien.
- Pourquoi ne pas laisser la femme accéder à la prêtrise? - 15 février 2012