Marie Gérin-Lajoie, femme visionnaire et audacieuse, a consacré sa vie à la promotion des droits des femmes, droits civils et politiques tout particulièrement, et droits à l’éducation. Née à Montréal en 1867, elle est la fille aînée d’Alexandre Lacoste avocat, et de Marie-Louise Lacoste née Globensky, des figures marquantes de la petite bourgeoisie contemporaine.
En 1887, Marie Lacoste épouse l’avocat Henri Gérin-Lajoie (1859-1936), un homme ouvert, qui la soutiendra dans toutes ses luttes pour la cause des femmes. Ce dernier est le fils d’Antoine Gérin-Lajoie, célèbre auteur de Un Canadien errant et de Jean Rivard, et petit-fils du journaliste Étienne Parent. Quatre enfants sont issus de ce mariage: Marie (1890) fondatrice de l’Institut Notre-Dame du Bon-Conseil de Montréal; Henri (1892) avocat, C.R.; Alexandre, (1893) également avocat, C.R. et professeur à l’Université de Montréal; et Léon (1895), médecin, professeur et vice-doyen à la même université.
Marie Lacoste (1867-1945), après des études secondaires au Couvent d’Hochelaga de Montréal chez les sœurs des Saints-Noms de Jésus et de Marie, s’intéresse à la « chose publique » et elle veut acquérir une plus grande formation intellectuelle et sociale. Comme les femmes de son temps n’ont pas accès aux études universitaires, c’est à même la bibliothèque de son père Alexandre et guidé par lui qu’elle se mettra à l’étude du droit. Marie oriente ses premières recherches sur la condition juridique des femmes.
Après son mariage, elle poursuit plus systématiquement ses études en ce domaine. Son mari, Henri Gérin-Lajoie, est alors un conseiller précieux. Elle rédige un Traité de droit usuel, publié en 1902. Cet ouvrage a pour but de vulgariser le droit à l’intention de la jeunesse des écoles secondaires et des femmes. Il connaîtra trois éditions en français et une en anglais. Voilà donc les premiers pas de Marie vers l’action d’envergure qu’elle va mener pour l’amélioration de la condition juridique des femmes du Québec.
Marie Gérin-Lajoie militait déjà dans des groupements féminins du milieu anglophone: le National Council of Women of Canada (NCWC), fondé par Lady Aberdeen et le Montreal Local Council of Women (MLCW) fondés en 1893. Elle constate que les francophones ne peuvent pleinement s’épanouir dans ces luttes tant qu’elles œuvreront parmi leurs consœurs anglophones, majoritairement protestantes. De là, l’idée de mettre sur pied une association propre aux Canadiennes françaises.
En mai 1907, Marie Gérin-Lajoie en collaboration avec Caroline Béïque va donc fonder la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste (FNSJB) à Montréal. D’abord membre active de la FNSJB, madame Gérin-Lajoie en devient présidente en 1913, poste qu’elle occupera jusqu’en 1933.
La FNSJB a choisi comme devise « Vers la justice par la Charité « . Elle se veut un centre d’action sociale féminine où l’on s’attache à trouver une solution aux problèmes sociaux qui affectent la condition féminine et le cadre familial. La santé, l’éducation, la participation au monde du travail, la lutte pour les droits civils et politiques, tels sont les principaux champs d’activité qui retiennent l’attention des premières féministes au Québec.
Pour atteindre ses objectifs multiples et afin de joindre un nombre élevé de femmes, la Fédération fonde des associations professionnelles et des sections paroissiales et elle s’affilie à des œuvres sociales, de charité et de santé telles : les Écoles ménagères provinciales, l’Hôpital Sainte-Justine, les Cercles des fermières, etc. En 1913, elle décuplera son action en se dotant d’un journal mensuel, La Bonne Parole, publié à près de 2000 exemplaires.
La FNSJB est la voie privilégiée de madame Gérin-Lajoie pour dénoncer et combattre l’état d’infériorité juridique et politique dans lequel sont confinées les femmes du Québec. La fermeté de ses convictions, sa ténacité à l’action n’ont pas failli, qu’il s’agisse de travailler à la réforme du code civil, à l’éducation civique de la femme, à l’éducation de l’opinion publique, ou qu’il s’agisse de lutter auprès des autorités municipales (1902) et provinciales (1922) pour obtenir le suffrage féminin et défendre ses positions à ce sujet devant les autorités ecclésiastiques.
Marie Gérin-Lajoie encourage aussi les femmes à s’instruire. Il devient évident pour elle, que l’infériorité de la femme dans la société est liée au fait que celle-ci n’a pas accès à l’instruction supérieure, donc qu’elle ne possède pas la science lui permettant de réclamer ses droits.
Au cours de l’année 1908, avec un groupe de dames, elle mène une action énergique en vue d’obtenir qu’une institution catholique et française offre le programme du baccalauréat aux jeunes filles. Grâce aux pressions et aux démarches faites auprès de diverses autorités, et à la compétence des sœurs de la Congrégation Notre-Dame, le premier collège féminin connu sous le nom d’École d’Enseignement supérieur – plus tard le Collège Marguerite Bourgeoys – obtient la reconnaissance officielle de l’Université. La fille de Marie Gérin-Lajoie, Marie J. Gérin-Lajoie en est la première bachelière (1911).
Dans le domaine de l’éducation, Marie Gérin-Lajoie ne se contente pas de travailler pour la classe bourgeoise. Au sein de la FNSJB, elle multiplie les initiatives en faveur de l’éducation populaire : conférences publiques, cours gratuits d’hygiène, de puériculture, d’alimentation, cours post-scolaires d’enseignement technique et professionnel, notions élémentaires de français, d’anglais, de mathématiques. Elle veut atteindre tous les milieux.
Qu’est-ce qui peut bien motiver Marie Gérin-Lajoie, cette dame de la petite bourgeoisie, à se dévouer ainsi au service de la promotion de la dignité des femmes? Écoutons-la elle-même en faire part dans l’éditorial de La Bonne Parole de juillet 1916 :
Nous avons un rôle social à jouer, celui de préparer l’avènement de la justice: « Rendre droits les sentiers! » Jamais autant qu’à notre époque peut-être le rôle de la femme n’est apparu avec cette saisissante et suprême importance, et jamais on n’a si bien compris que le salut universel est conditionné par la réhabilitation de la femme elle-même. [….] Nous savons que les systèmes les plus divers ont été proposés pour faire la conquête de cette justice, […] depuis le libéralisme intransigeant jusqu’au socialisme humanitaire; mais pour nous qui sommes les enfants de la foi, c’est dans l’Évangile seul que nous cherchons les paroles de vérité et voilà pourquoi nous faisons de la charité, la règle de notre conduite; Charité qui comporte toute la loi morale, charité dans le sens large et complet du mot. Charité qui fait que l’on se donne vraiment au prochain dans la réalité des faits, […] charité qui laisse circuler des grands aux petits, l’amour fraternel avec son intelligente compréhension de la solidarité humaine et de l’entraide qu’elle impose…. »
Marcienne Proulx, sbc
novembre 2009
*Dans cet article, il s’agit de Marie Gérin-Lajoie, née Lacoste. Lorsqu’il s’agit de sa fille, nous utilisons Marie-J. Gérin-Lajoie 1891-1923, puis Marie Gérin-Lajoie, SBC, 1923-1971.
Pour en savoir plus, voir:
Sicotte, Anne-Marie, MARIE GÉRIN-LAJOIE Conquérante de la liberté, les éditions du remue-ménage, 2005
Site Web de BANQ, section Parcours thématique
- Marie Gérin-Lajoie, femme de vision et femme d’action (1890-1971) - 13 novembre 2009
- Marie Gérin-Lajoie née Lacoste (1867-1945)* - 1 novembre 2009