Moi je connais des femmes qui sont probablement les dernières de leur espèce : des femmes salariées qui travaillent en Église. Elles sont dans l’achèvement d’un temps où il était possible de croire qu’une Église nouvelle, universelle, pourrait naître. Oui, au beau milieu des années 1980, nombre de ces femmes alors bénévoles impliquées en paroisse sont devenues agentes. La plupart se retrouvant en pastorale scolaire. Ainsi commençait l’âge d’or pour les générations de femme nées entre 1940 et 1960, car la possibilité d’être reconnues officiellement en Église s’ouvraient à elles.
Et le souffle de Vatican II semblait planer au-dessus du diocèse Saint-Jean-Longueuil car ces femmes laïques engagées en paroisse, soutenues par Mgr Bernard Hubert, ont eu une reconnaissance jamais égalée dans l’histoire de l’Église du Québec. Son désir qu’une répondante à la condition des femmes soit désignée dans toutes les régions pastorales, sa promotion du partage des tâches ministérielles entre les hommes et les femmes, sa volonté de ne pas ordonner de diacres dans le diocèse Saint-Jean-Longueuil jusqu’à ce que les femmes puissent accéder au diaconat, sa participation à la marche du pain et des roses en 1995; voilà quelques unes de ses actions qui témoignent bien de cette promotion et de cette reconnaissance des femmes laïques en Église.
Mais il aura fallu une trentaine d’années pour nous retrouver en fin de temps, à bout de temps. Car, telles les feuilles des arbres en automne, les agentes de pastorale se raréfient. Celles qui partent à la retraite ne sont pas remplacées. Celles qui restent doivent cumuler des dossiers supplémentaires ou voient leurs heures de travail diminuer. Moi je connais de ces femmes qui acceptent ces charges supplémentaires. Elles ont appris à servir et à dire oui. Elles ont appris à confondre vocation, passion et profession. Ayant en partage le silence et la culpabilité, elles donnent sans compter. La ligne est si mince lorsqu’on nous fait croire que le salaire est dans la gratuité.
Oui, c’est un autre temps pour les agentes. Un temps incertain où 30% du personnel a moins de 55 ans. Quelle place pour les plus jeunes dans un modèle d’Église qui ne s’est pas renouvelé? Quel avenir les attend dans une Église aux finances précaires? Dans quel domaine travailler avec une formation en théologie? Pour les plus âgées, quel genre de retraite se dessine? Qui prendra soin de celles qui sont seules, sans revenus décent? Je connais des femmes qui cherchent ailleurs avant qu’il ne soit trop tard. D’autres qui préfèrent rester même si elles sont déjà parties, car l’heure de la retraite approche. J’en connais aussi qui retardent le moment du départ, car elles n’ont pas les moyens de partir, même si leur santé ne leur permet plus de rester. De toute façon, où aller lorsqu’on a investi toute sa vie et tout son être dans l’idéal d’une famille paroissiale?
Parmi celles qui restent, j’en connais qui sont aux prises avec des malaises de toutes sortes : douleurs au dos, fatigue parfois chronique, maux de tête, états dépressifs, insatisfactions inexplicables, stress, craintes… Elles attendent leurs vacances avec impatience pour oublier ces « petits » maux qu’elles n’osent pas relier à leur environnement de travail ou le font en silence, car la condition des femmes en Église est un sujet tabou. Pourtant, il est des réalités qui ne doivent plus rester sous le boisseau, par respect pour celles qui portent l’Église à bout de bras et à bout de souffle; mes sœurs dans la foi qui ont comme moi pour mission d’annoncer cette Bonne Nouvelle qui libère….
Saint-Jean sur Richelieu (Québec),
le 29 juin 2015
Blogue de Christiane Lafaille : http://www.dsjl.org/blogue/category/articles-christiane-lafaille/#sthash.rFG59v9w.dpbs
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Il y a de cela si longtemps… J’ai cru au service des femmes à l’intérieur de l’Église institutionnelle. À ce rêve, j’ai investi temps et énergie soit à l’Office des religieux et religieuses, soit comme représentante des responsables de la J.E.C. soit sur d’autres comités occasionnels… Puis j’ai lâché prise me reconnaissant davantage dans des groupes plus éveillés et radicaux pour sonner les cloches et inviter l’institution, par une compréhension plus adéquate de l’Écriture, à accorder aux femmes un rôle égalitaire indispensable à la pleine vie et vitalité de l’Église. Peine perdue, j’en suis arrivée à croire que seule une sérieuse grève des femmes finira par sonner le réveil de l’institution. Option finale peut-être! Infiniment triste!
Madame Martin, nos routes se croisent virtuellement depuis quelques temps. À chaque fois vos propos me touchent et résonnent en moi. Dans vos commentaires, j’ai l’impression de retrouver mes propres pensées. Je souhaite qu’un jour nos routes se croisent réellement.
Madame, je suis bien d’accord avec vous. Je crois qu’il ne faut pas perdre son temps dans l’institution. Aujourd’hui des chemins s’ouvrent dans la Galilée de nos paroisses et comme le christianisme est partie de la Galilée, c’est de là que partira le renouveau de l’Église. Ex. Une pastorale de la famille et non seulement du sacrement, une pastorale des famille endeuillée et non seulement du rite funéraire à l’église, etc … Des chemins nouveaux s’ouvrent, une vie nouvelle est en train de naitre, vous serez sans doute Marie à Nazareth….