Présentation faite au colloque ayant pour thème Visage féminin de l’Église! dans le cadre des célébrations du150e anniversaire de la fondation de l’archidiocèse de Rimouski.
Il y a encore tant à faire! Nous sommes appelés à innover pour construire un nouveau modèle de gouvernance de l’Église où la femme aura sa place à part entière. Je suis encore la seule femme présente à la table du Bureau de l’archevêque, haut lieu de décisions, au comité de nominations des prêtres, au conseil exécutif de la pastorale et à d’autres comités. L’enjeu de la complémentarité est essentiel!
Bonjour à vous tous et toutes
Permettez-moi avant d’aller plus loin, de saluer Mgr Blanchet d’une manière particulière car c’est à cause de lui si je suis ici ce matin. Monseigneur, merci de votre confiance à mon égard, j’ai grandement apprécié le bout de chemin que nous avons fait ensemble et j’ai grandement appris en votre présence.
Je me présente à vous. Je suis Wendy Paradis, enfant d’une famille de six filles et un garçon, mariée depuis 38 ans et mère de trois enfants, un garçon et deux filles et maintenant grand-mère de quatre petites filles. Vous comprendrez que la figure féminine est très présente dans ma vie.
Quelques mots sur mon parcours
Ma première formation est en administration au Cégep de Rimouski. J’ai souvent dit que c’était une erreur de jeunesse car c’est en Travail social que j’aurais aimé étudier et travailler mais il n’en fut pas ainsi. Finalement, ma formation m’a servi toute ma vie. Le Cégep terminé, je me mariais un an plus tard puis, ont suivi les enfants, une présence plus grande à la maison et une disponibilité pour différents engagements bénévoles : (catéchète, chorale, préparation au mariage)…
Ces engagements ont conduit à un discernement et ont creusé en moi un désir d’approfondir le sens de mes engagements, de mettre des mots pour dire Dieu ou encore de mieux comprendre les mots de la foi. Vous savez comment notre langage peut être compliqué parfois pour dire simplement que Dieu nous aime et qu’il veut notre bonheur. Mon parcours n’est pas étranger à celui des femmes qui sont majoritairement engagées en Église. Il suffit de les écouter.
Voilà, entre1991 et 1995 et à l’aube de la quarantaine un discernement se présente à moi.
Au terme du discernement, ce qui m’apparait clair c’est un retour aux études – un bac en théologie devient évident. En vue de quoi, je ne peux répondre à l’instant.
Par contre, je savais que je devrais concilier travail, étude et famille. J’ai donc mis 7 ans pour l’obtention de mon bacc.
Par la suite, pour donner davantage de goût à ce je fais mais surtout pour éviter de m’assécher avec toutes ces questions administratives que le travail de direction demande de répondre, j’entreprends des études en accompagnement spirituel au Centre de spiritualité Manrèse de Québec. Je voyage donc pendant 4 ans Rimouski – Québec. Encore une fois, j’ai eu à concilier travail, étude et famille.
Depuis, je suis accompagnatrice spirituelle et collaboratrice du Centre Manrèse.
En résumé :
En 1995, j’entre à temps partiel aux Services diocésains comme responsable de la préparation au mariage suite à l’invitation de Jacqueline Morin. En 1997 je reçois la responsabilité de la pastorale familiale, puis en 2001, j’assume la direction de la Pastorale d’ensemble jusqu’en 2014. Depuis, je suis responsable de l’accompagnement des communautés chrétiennes et des équipes pastorales.
Répondre à un appel comme femme laïque
J’aime bien regarder mon engagement en pastorale à partir de trois composantes. Les composantes vocationnelle, ministérielle et professionnelle. Ces trois dernières font le ministère d’agent et d’agente de pastorale.
Je suis responsable diocésaine des agentes de pastorale, oui je dis bien agentes puisqu’aucun homme occupe ce poste dans les paroisses de notre diocèse. Actuellement, nous avons 12 agentes de pastorale paroissiale sur le grand territoire de notre diocèse. C’est très peu me direz-vous, j’en conviens. Il y a de grandes questions à se poser pour assurer l’avenir de ce ministère. On doit penser sérieusement à la relève et surtout à la capacité de payer ces personnes. Ce sont des femmes extraordinaires pour qui j’ai beaucoup d’admiration, des femmes généreuses qui donnent leur vie pour la cause de l’Évangile.
C’est surtout avec elles que je regarde les 3 composantes de notre être de baptisé engagé en Église. C’est aussi avec elles que je leur rappelle le rôle important qu’elles jouent en Église car elles exercent une fonction reliée à la présidence de la communauté chrétienne et elles collaborent à l’exercice de la charge pastorale par des tâches de direction, d’animation ou de coordination.
Je suis très sensible à la cause de ces personnes et de ce ministère.
Composante vocationnelle
On n’arrive jamais en pastorale par hasard. On y arrive par ce qu’on a été appelé d’une manière particulière à donner sa vie à l’annonce de l’Évangile. Au cours d’une vie les appels sont multiples, il suffit de la relire pour y voir l’insistance de Dieu. Il est très patient.
Ma première vocation est le mariage puis l’autre, dont j’ai le bonheur de vivre depuis 22 ans, est celle d’une femme laïque engagée en Église dans les structures mêmes de notre Église diocésaine.
La dimension vocationnelle est au centre de notre engagement mais elle suppose d’être à l’écoute pour mieux entendre la volonté de Dieu car il arrive que de nouveaux appels se fassent entendre.
C’est pourquoi en 2014, j’ai demandé à Mgr Pierre-André Fournier de quitter la direction de la Pastorale d’ensemble pour être davantage sur le terrain afin d’accompagner les communautés chrétiennes et les équipes pastorales.
C’est aussi pour répondre à un appel que je quitterai en juin prochain mon travail au diocèse pour m’investir davantage en accompagnement spirituel car j’entends là aussi de grands besoins.
Ma vocation est enracinée entre autres dans l’expérience de foi de mes grands-parents et parents, mais aussi dans la rencontre de personnes exceptionnelles et signifiantes qui ont nourri mon goût de Dieu.
Composante ministérielle
On parle du ministère du prêtre, du ministère du diacre mais très peu du ministère des agents et agentes de pastorale, un ministère qui est propre aux laïques. Ici on ne parle pas d’un ministère de substitution ou de remplacement mais d’un ministère réel où la complémentarité et le partenariat homme-femme a tout son sens et où peut s’exercer le leadership partagé. Actuellement, l’Église du Québec, entre autres, reconnait l’importance de ce ministère et reconnait par le fait même l’importance de la place des femmes puisque ce ministère est composé majoritairement de femmes. Attention ici, tout n’est pas gagné nécessairement sur le terrain.
Il faut comprendre que les baptisés engagés en Église, que ce soit au service du diocèse ou de la paroisse, sont un don de l’Esprit Saint fait à l’Église. Ces personnes sont, avec les prêtres, au service du Peuple de Dieu et de la mission.
Ici, je prends quelques secondes pour rendre grâce.
Ce que nous appelons aujourd’hui la pauvreté de l’Église par le manque de prêtre, j’aime à y voir là une grande chance pour notre Église. Je continue de croire que le Seigneur n’est pas distrait. L’absence d’ordination presbytérale me laisse croire qu’il y a de l’espace pour innover, créer du neuf avec les femmes et tous les baptisés.
Gardons en tête et dans notre cœur le souffle de notre bon pape François qui ne cesse de dire l’importance de la femme dans la gouvernance de l’Église. Allons de l’avant.
Composante professionnelle
Vous aurez compris que pour travailler à la gouvernance de l’Église il faut se donner de la formation adéquate, tant au plan spirituel, intellectuel et administratif.
C’est pourquoi il est important que des femmes et des hommes puissent se former encore aujourd’hui en théologie afin d’avoir un discours de foi articulé et de développer un esprit critique. D’autres formations sont aussi nécessaires pour développer des habilités en animation, en organisation, en communication et si possible, en accompagnement spirituel.
Parler de composante professionnelle, c’est aussi parler de salaire. Pouvons-nous faire en sorte que les personnes formées, qui sont majoritairement des femmes, puissent recevoir un salaire décent, un salaire qui contribue aux besoins de la famille. Un salaire qui reconnait la formation de la personne. Un salaire qui dit réellement, que chaque ouvrier mérite son juste salaire. Un salaire qui ne vient pas une fois que nous ayons payé le chauffage des églises, réparé les toits et les perrons. Un salaire qui reconnait des personnes formées pour répondre aux besoins de l’Église, de l’évangélisation et de la pastorale. Travailler en Église, c’est déjà accepter de recevoir moins que d’autres professions. Il y a déjà là une grande part de don, il ne faudrait pas abuser davantage.
Déjà, il y a des exigences en termes de disponibilités. On demande aux personnes d’être disponibles le jour, le soir et les fins de semaine, les temps forts, etc. Cela devient vite exigeant pour les femmes qui ont de jeunes enfants. Prenons soin de notre monde. Prenons soin de ces femmes.
Voilà c’était les composantes vocationnelle, ministérielle et professionnelle de notre être de baptisé engagé en Église que je souhaitais partager avec vous.
Les femmes en Église
Je reviens à mon expérience personnelle. Être nommée à la Pastorale d’ensemble en 2001 était tout à fait nouveau dans la tradition de notre Église diocésaine. Je succédais alors à mon ami Jacques Ferland premier laïc. Lui-même avait relevé les défis d’un laïc engagé dans la gouvernance de notre Église. Il m’a ouvert le chemin.
C’est en mai 2001 lors d’un grand rassemblement que Mgr Blanchet m’interpelle pour devenir la directrice de la Pastorale d’ensemble. Aujourd’hui nous parlons de coordination de la Pastorale d’ensemble.
Surprise de la demande, c’est une semaine plus tard que je le rencontre pour lui donner ma réponse. Suite à un discernement, je me présente à lui et voilà que j’évoque deux conditions à mon « oui » qui montent spontanément en moi.
La première est: lorsque je ne pourrai plus rire je quitterai. Je trouvais l’Église tellement sérieuse, j’avais peur de m’éteindre et l’autre de lui dire : Monseigneur, j’ai eu 3 enfants, je les ai portés, allaités et sevrés et je ne veux pas jouer la mère de personne.
Je crois, qu’à ce moment précis, je demandais haut et fort ma pleine autonomie. Je lui disais qui j’étais comme femme, debout avec les autres peu importe qu’ils soient hommes, femmes, prêtres, diacres, laïcs. Finalement, en ces mots je nommais mon désir d’égalité, de respect et de justice.
Ma manière d’accueillir ce nouveau ministère m’a permis de mieux l’assumer, de prendre ma part de responsabilité et de laisser de l’espace à ce Dieu qui appelle.
Je sais que ma venue a dérangé quelques personnes, une femme au sein de l’organisation pouvait-elle être menaçante… Assurément, qu’ils ne pouvaient le savoir puisque c’était une première et surtout parce qu’ils ne connaissaient pas vraiment Wendy Paradis.
Avec la grâce qui m’a été donnée pour accomplir ce ministère je me suis satisfaite, avec beaucoup de compassion, en me disant que c’était leur problème et non le mien. J’ai dû à quelques reprises affirmer auprès de certains que je n’ai pas couru après ce poste mais bien répondu à un appel pour un ministère particulier. J’avais aussi confiance au temps qui ferait son œuvre.
À la table du bureau de l’archevêque, lieu de décisions importantes, au comité des nominations des prêtres, au conseil exécutif de la pastorale et d’autres comités, je suis encore la seule femme présente. Mon expérience à ces différents lieux de décisions me confirme plus que jamais l’importance de la présence de la femme. La manière d’aborder les défis, de comprendre les personnes de voir le réel, influence bien souvent les décisions. L’enjeu de la complémentarité demeure pour moi essentiel dans ces différentes sphères de décisions.
La place des femmes en Église n’est pas encore gagnée. Il a tant à faire encore. Nous sommes appelés à se solidariser, à innover afin de construire ce nouveau modèle de gouvernance d’Église où la femme sera accueillie à part entière.
Il est bon de vous dire que j’ai été très heureuse dans mon ministère particulier et que je ris encore beaucoup malgré les nombreux défis auxquels nous sommes confrontés quotidiennement. J’ai reçu un excellent accueil. J’ai su tout simplement prendre mon temps afin de mieux connaître les personnes, les milieux pour les aimer davantage. Cela a porté des fruits au cours des années. Il est bon de respecter les lenteurs et les résistances qui viennent avec le changement.
Wendy Paradis
Rimouski, le 8 mars 2017