Le 12 juin 2011, ce sera la fête liturgique de la Pentecôte. Je considère cette fête, non pas seulement comme un événement du passé ou dépassé, mais un événement d’une très grande actualité. Les propos du prophète Joël sont toujours vrais : « Il se fera dans les derniers jours, dit le Seigneur, que je répandrai de mon Esprit sur toute chair. Alors leurs fils et leurs filles prophétiseront, les jeunes gens auront des visions et les vieillards des songes. Et moi, sur mes serviteurs et sur mes servantes, je répandrai de mon Esprit. » (Joël 3, 1-5) Ce ne sont pas des paroles en l’air : nous pouvons en vérifier l’authenticité et la vérité.
Devenir des « sourciers »
Comme les sourciers qui sont capables de détecter les nappes d’eau malgré l’épaisseur des sols, l’évangéliste Luc détecte la présence de l’Esprit dans les êtres qu’il rencontre et dans la jeune Église. Presque chaque chapitre qu’il écrit dans son Évangile et dans les Actes des Apôtres, se réfère à l’Esprit Saint, autant chez les hommes que chez les femmes, autant chez Zacharie et Élizabeth que chez Marie et Jean-Baptiste. Ce n’est pas toujours la grande théophanie avec tonnerre et éclairs. Bien souvent c’est un murmure ténu, une vision, un frêle vent, un songe.
Au cours d’une session pastorale animée par Madame Sylvie Latreille du Collège dominicain de Montréal, nous avions identifié plus de cinquante événements marquants et récents de l’Église d’Edmundston : c’est un exercice qu’il nous faudrait faire périodiquement. Savoir détecter la présence de l’Esprit au cœur de nos propres vies, au cœur de notre Église, au cœur de notre société. J’envie saint Luc qui a été capable de détecter l’Esprit Saint chez ses contemporains et dans les événements d’alors. Il avait cette capacité de traverser les sols les plus épais, les préjugés les plus tenaces, les stéréotypes les plus ancrés, les idées les plus fermées, les convictions les plus immuables pour y reconnaître la force invincible de l’Esprit sous les aspects les plus inédits.
Le sourcier Luc a décrit merveilleusement le récit de la Pentecôte qu’il nous faut relire attentivement : c’est un point tournant dans toute l’histoire de l’humanité, Mais tous les autres chapitres aussi sont vraiment importants. Le salut est offert à toute l’humanité. Le bonheur est pour tout le monde : il ne peut être restreint à un peuple. Le pauvre saint Pierre l’a vitement appris! L’Esprit rendait possible ce que l’on croyait impossible. Il fallait aller plus loin que le visible, aller plus loin que ce que l’on croyait possible, aller plus loin que nos entendements. Comme de bons sourciers, il nous faut aujourd’hui détecter dans notre monde, dans notre Église, les sources inconnues ou non encore identifiées, mais réellement présentes. L’Esprit Saint est à l’œuvre aujourd’hui dans les recherches des hommes et des femmes qui désirent répondre aux besoins du monde et de l’Église dans notre culture, dans notre temps. L’Esprit Saint qui éclaire, qui crée de l’ouverture, pousse en avant. Il aide à faire des choses nouvelles, à trouver des sources neuves pour aujourd’hui. Les dons de l’Esprit sont offerts à tous.
Pentecôtes chez nous
Je crois que ce serait une pentecôte 2011 extraordinaire et inoubliable si nous pouvions détecter ce que l’Esprit Saint fait en chacun et chacune d’entre nous. En aucune manière, je ne voudrais minimiser ce que l’Esprit accomplit chez les jeunes et les moins jeunes : si la pluie ou la neige ne retournent aux cieux qu’après avoir fécondé la terre, chaque personne, quel que soit son âge ou sa condition, est touchée par l’Esprit au cours de sa vie, j’en ai la ferme conviction.
Continuons de regarder autour de nous, continuons à détecter l’Esprit à l’œuvre… chez cette militante, Claudine, qui travaille à la défense des plus appauvris, chez cette enseignante Gisèle, soucieuse des personnes exclues, chez cette bénévole Bernadette, préoccupée des sans-logis, chez cette veille religieuse Amélie, jamais retraitée qui œuvre auprès des migrants, chez cette autre leader Monique, toujours disponible et attentive auprès des plus mal-pris… Entendez ce jaillissement de l’Esprit… Il invite à faire du neuf, à veiller dans la foi et l’espérance.
Justice et foi
Il s’est passé un grand événement dans l’Église de Québec qu’il ne faudrait jamais oublier: la tenue de la Commission d’étude sur l’engagement des groupes dans la justice sociale et la transmission de la foi. Mandatée le 20 août 1983, la Commission a reçu 1370 mémoires au cours de treize audiences régionales et six rencontres diocésaines et elle a publié son rapport intitulé « Justice et Foi dans notre milieu ». Parmi les 100 recommandations faites par la Commission, j’en relève 15 relatives à la situation des femmes. Même après 25 ans, elles me paraissent un cri toujours actuel… Susciter des rapports d’égalité entre hommes et femmes, réagir à la pauvreté et à la non-reconnaissance des femmes, enrayer la violence faite aux femmes, proclamer en paroles et en actes l’égalité des fils et des filles de Dieu. » Voilà ce que disait l’Esprit à notre Église par la bouche des croyants et croyantes rencontrés et qu’il nous redit encore aujourd’hui.
Pentecôtes mondiales
Au matin du monde, l’Esprit sur les eaux éveillait la vie. A l’aube du salut, l’Esprit en Marie, formait le Messie. Au jour de la Pentecôte, l’Esprit parlait par les Apôtres. Au matin de cette journée, l’Esprit travaille en nous, habite notre prière et féconde nos efforts. (Liturgie des heures). Oui, à travers les temps et les espaces, l’Esprit est toujours à l’œuvre. Et nul doute qu’à travers le grand signe des temps de la promotion et de la dignité de la femme, l’Esprit est particulièrement présent. Après avoir redécouvert en chacun et chacune d’entre nous la présence toujours agissante de l’Esprit, il nous est possible de voir l’Esprit à l’œuvre dans tout l’univers: il renouvelle constamment la face de la terre.
Le pape Jean XXIII en avait surpris plus d’un lorsqu’en 1963 il avait proclamé que le mouvement des femmes constituait l’un des signes des temps. « Une constatation s’impose à tout observateur: l’entrée de la femme dans la vie publique, plus rapide peut-être dans les peuples de civilisation chrétienne, plus lente mais de façon toujours ample, au sein des autres traditions ou cultures. De plus en plus consciente de sa dignité humaine, la femme n’admet plus d’être considérée comme un instrument; elle exige qu’on la traite comme une personne aussi bien au foyer que dans la vie publique, »(Pacem in terris) Que dirait-il aujourd’hui devant ce signe des temps toujours nouveau, devant la ténacité des femmes et leur affirmation toujours plus manifeste ? Il s’émerveillerait et souhaiterait que justice, vérité, liberté et amour soient à nouveau les fondements de la paix dans toute l’Église et la société. Il y verrait l’œuvre inestimable et discrète de l’Esprit. Il redirait que la mission de l’Église, c’est de répandre partout la nouvelle de son amour dans la justice, la liberté et la sainteté. Il rappellerait l’extrême ténacité des femmes d’hier et d’aujourd’hui, ce sont principalement elles qui ont permis à l’humanité de faire de grands pas : Jeanne Mance, Marie Guyard, Marguerite Bourgeoys en sont quelques exemples de force, de détermination et de créativité. Attentives aux besoins de la population, elles ont tenu le coup et fait tomber les murailles. En toute discrétion et fermeté, laissons « jaillir l’Esprit! »
François Thibodeau,
évêque émérite d’Edmundston
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