Quelle conception a le Christ de l’autorité?

Dans le cadre du Synode sur la synodalité,
une série de réflexions sur l’autorité dans l’Église,
réflexions que 
John Wijngaards nous invite à poursuivre.

1- L’autorité? Oui mais… 2 – Le pouvoir d’annoncer le royaume de Dieu 3 – Le pouvoir des clés 4 – Le pouvoir de lier ou de délier   5 – Le pouvoir de pardonner les péchés 6 – Le pouvoir de sauver des vies 7 – Le pouvoir de chasser les démons intérieurs 8 – Le pouvoir de libération 9 – Pas de domination masculine 10 – L’autorité des enseignants 11 – L’autorité des prophètes 12 – L’autorité spirituelle latente partagée par tous 13 – L’autorité de la communauté 14 – L’autorité du « sens de la foi » catholique 15 – Une dignité commune 16 – Pas d’immunité contre le droit civil 17 – Le ministère dans les temps à venir 18 – Les femmes ordonnées diacres 19 – Le service sans faste19 – Le service sans faste19 – Le service sans faste 20 – Pas de ce monde! 21 – Les sermons 22 – Réforme de l’autorité – discussion avec les opposants 23 – Réforme de l’autorité – pas à pas 24 – Réforme de l’autorité – permettre une plus grande diversité au niveau régional 25 – Réforme de l’autorité – peut-on éviter un schisme?  26 – La réforme de l’autorité – elle se fera! 27 – Le ministère n’est pas une question d’administration

28 – Pas de contrôle institutionnel sans imputabilité

« Or, quand il revint après s’être fait investir de la royauté, il fit appeler devant lui ces serviteurs à qui il avait distribué l’argent, pour savoir quelles affaires chacun avait faites ». (Luc 1915)_TOB




 Comment diable puis-je cacher cela à mon conseil paroissial? »

Lors d’une de mes tournées de conférences en Asie, je logeais dans des locaux universitaires non loin d’une église qui était – et est toujours – un centre de pèlerinage catholique très fréquenté. La nuit, je ne pouvais pas dormir longtemps. Des fêtes bruyantes se déroulaient dans les rues en dessous de ma chambre jusqu’à tard dans la matinée.

Au petit déjeuner, j’ai demandé à Robert, le gardien du collège et mon hôte, en quoi consistait ce pèlerinage.

« C’est une longue histoire m’a-t-il répondu. Mais je vais être bref. Comme vous le savez, nous célébrons l’Assomption de Notre-Dame dans deux jours. Il y a environ quatre-vingts ans, une vieille femme, que l’on croyait être une sainte, se rendait à l’église ce jour-là. Elle a affirmé avoir eu une vision de la Vierge, les bras tendus, planant au-dessus de sa statue située à droite de l’autel ».

« De telles déclarations ont été faites ailleurs aussi », ai-je dit.

« En effet, a-t-il répondu. Mais d’autres choses se sont produites. Une jeune mère qui portait son bébé malade s’est avancée et a touché la statue avec son bébé. L’enfant fut immédiatement guéri. Depuis lors, chaque année, le jour de l’Assomption, des familles viennent de loin pour confier leur nouveau-né à Marie. Les mères font la queue devant la statue. Lorsqu’elles arrivent devant, elles s’agenouillent en tenant leur bébé et en le faisant toucher la statue. Elles croient que cela guérit leur bébé des maladies et assure leur santé future. »

« Cela semble également être une bonne affaire pour la paroisse », ai-je fait remarquer.

« Bien sûr, c’est le cas! Notre curé est un bon homme d’affaires. Les gens aiment les bougies partout dans l’église. Ils déposent des cadeaux devant l’autel. Ils mettent de l’argent dans les troncs tirelires. Notre paroisse est la plus riche du diocèse ».

«Parfait! », me suis-je exclamé.

« J’aimerais que ce soit vrai, dit Robert en soupirant. Cela pourrait être parfait, mais ce n’est pas le cas. Notre curé utilise les revenus pour développer l’entreprise. Il dépense beaucoup d’argent pour redécorer l’église. Il a agrandi le stationnement à l’extérieur du bâtiment. Il a acheté un terrain pour construire un complexe de chambres d’hôtes pour les pèlerins… »

« Qu’est-ce qui ne va pas? », ai-je demandé.

« Nous avons des centaines de familles catholiques pauvres dans la paroisse, a répondu Robert. Elles ont chacune de six à huit enfants. Les parents sont régulièrement au chômage. Les enfants souffrent alors de la faim. De plus, il n’y a pas d’aide pour leur éducation. Pas d’argent pour payer les vêtements et les manuels nécessaires à l’école primaire. Il n’y a pas de bourses pour aider les enfants à entrer dans les écoles secondaires et, plus tard, dans les universités. J’ai rejoint un groupe d’hommes et de femmes laïcs éminents qui ont approché le prêtre de notre paroisse. Nous l’avons supplié de créer un fonds d’aide aux pauvres. Sous prétexte de toutes sortes d’excuses, il a refusé! »

« Vous n’avez pas de conseil paroissial? »

« Non, nous n’en avons pas. Notre curé a rejeté l’idée dès le départ. »

Lobligation de rendre des comptes

Vous jugerez peut-être que l’histoire vraie que j’ai racontée ci-dessus est quelque peu extrême. C’est peut-être le cas. Mais le vice qu’elle manifeste est sous-jacent à une grande partie de l’exercice bancal de l’autorité par les ministres ordonnés dans l’ensemble de l’Église. La question en jeu est celle de la responsabilité.

Des formes de pouvoir absolu se retrouvent dans l’histoire des peuples du monde entier. Les rois et les chefs imposaient leur volonté sans contrainte. Ils dominaient, souvent avec brutalité. Ils pouvaient tuer et s’approprier les biens à leur guise. Et nous avons connu de tels dictateurs jusqu’à aujourd’hui. En même temps, le concept de responsabilité des dirigeants a commencé à contrecarrer cette tyrannie dès les temps les plus reculés que nous connaissons.

Les républiques démocratiques de Grèce appliquaient déjà explicitement le principe de responsabilité des siècles avant Jésus-Christ. Le même principe est attesté dans l’histoire ancienne des Moghols, des Chinois, des Aïnous japonais et des Papous indonésiens en Asie. La responsabilité a été reconnue par les Azteks et les Mayas en Amérique du Sud. Elle apparaît chez les nombreuses tribus de l’Afrique ancienne. Elle est même inscrite dans la culture des Aborigènes qui remonte à 50 000 ans. Elle est donc très ancienne.

Jésus a-t-il reconnu la responsabilité des dirigeants?

Jésus a accepté le principe de la responsabilité des dirigeants séculiers. Ses paraboles le prouvent.

Trois gestionnaires financiers reçoivent de leur maître des sommes d’argent variables : un talent, deux talents et cinq talents. Le maître leur demande de rendre compte de la manière dont ils ont investi cette richesse (Matthieu 25,14-30). Et aussi : « [le roi] fit appeler devant lui ces serviteurs à qui il avait distribué l’argent, pour savoir quelles affaires chacun avait faites. »(Luc 19,11-27)_TOB.

De même, un roi demande à un gérant qui lui doit de l’argent de lui rendre des comptes (Matthieu 18,23-35).

Un gérant malhonnête doit rendre compte de sa gestion. Il utilise les derniers jours de son mandat pour se faire des amis des créanciers de son maître (Luc 16,1-13).

Par ailleurs, Jésus accepte clairement que les disciples rendent compte à la communauté en cas de litige. « (En dernier ressort), informez la communauté. Et s’il refuse d’écouter même la communauté, traitez-le comme un païen ou un collecteur d’impôts » (Matthieu 18,15-17).

Jésus considérait-il ses disciples comme responsables du pouvoir spirituel qu’il leur confiait ? Évidemment, ils sont responsables devant Dieu. Ils doivent rester proches de Jésus. Il est la vigne. Ils sont les sarments. S’ils s’éloignent de lui, ils seront coupés comme des sarments morts que l’on brûle au feu (Jean 15,1-8).

Mais les disciples n’ont pas de comptes à rendre à la société extérieure et séculière en ce qui concerne leur autorité spirituelle. Ils peuvent s’en tenir à leur mission.

  • « En entrant dans la maison, saluez-la; si cette maison en est digne, que votre paix vienne sur elle; mais si elle n’en est pas digne, que votre paix revienne à vous » (Matthieu 10,12-13)_TOB.

  • « Vous serez traduits devant des gouverneurs et des rois, à cause de moi : ils auront là un témoignage, eux et les païens. Lorsqu’ils vous livreront, ne vous inquiétez pas de savoir comment parler ou que dire : ce que vous aurez à dire vous sera donné à cette heure-là, car ce n’est pas vous qui parlerez, c’est l’Esprit de votre Père qui parlera en vous » (Matthieu 10,18-20).

Des implications pratiques

Les ministres sont responsables de leurs actes. Mais il faut distinguer les deux types d’autorité indiqués ci-dessus.

Tous les chrétiens ont une autorité spirituelle transmise par le baptême et les ministres plus encore par l’ordination. Cela inclut le pouvoir de pardonner les péchés. Un ministre est-il responsable de ce qu’il fait à cet égard? Oui, à Dieu dans sa propre conscience bien sûr, mais aussi aux niveaux ministériels supérieurs dans une certaine mesure. Il en va de même pour la célébration de l’Eucharistie, l’onction des malades et la prédication de la Bonne Nouvelle. Le monde spirituel a ses propres règles. L’autorité supérieure peut et doit fixer des limites et des règles. Mais il n’est en aucun cas soumis à une quelconque forme de contrôle démocratique. Lorsque quelqu’un se confesse au prêtre de sa paroisse, la communauté locale ne peut pas exiger de savoir de quel péché il s’agit ni décider si le prêtre doit donner l’absolution ou non.

Cependant, pour soutenir sa mission spirituelle, l’Église a créé des institutions : bâtiments d’église, sièges paroissiaux, écoles, cliniques, etc. Les responsabilités des personnes en charge créent des formes d’autorité institutionnelle. Cela couvre l’administration, l’organisation, la nomination du personnel, les finances, l’entretien, etc. Tout responsable investi de ce type d’autorité, qu’il soit ordonné ou non, est pleinement responsable de toutes ses actions.

Des questions

Quelle est votre propre expérience?

  • Pensez-vous que l’imputabilité des personnes responsables soit une bonne chose ou non?
  • Existe-t-il un processus de pleine imputabilité dans la gestion de vos institutions ecclésiales locales?
  • Les fidèles, en tant que membres des conseils diocésains et paroissiaux participent-ils à l’évaluation des comptes rendus, des rapports soumis par les responsables de l’Église?
  • Pensez-vous que les choses devraient changer ou êtes-vous satisfait des dispositions actuelles?
  • Personnellement, comment pensez-vous que Jésus juge la situation actuelle? Est-il satisfait ou déçu?
  • Y a-t-il quelque chose que vous puissiez faire pour améliorer les choses, si elles ont besoin d’être améliorées?

Texte : John Wijngaards; caricatures : Tom Adcock
Le 17 février 2024

Publié en collaboration avec le Wijngaards Institute for Catholic Research [WICR] [Institut de recherche catholique Wijngaards]
© the Wijngaards Institute for Catholic Research

Traduction réalisée par Pauline Jacob et Michel Goudreau à partir de la version gratuite du traducteur DeepL.

John Wijngaards
Les derniers articles par John Wijngaards (tout voir)

A propos John Wijngaards

Détenteur d’un doctorat en théologie de l’Université pontificale grégorienne (1963) et d’une licence en Écritures saintes de l’Institut biblique pontifical, John Wijngaards est un écrivain prolifique. Ardent défenseur de l’accessisibilité des femmes à l’ordination, il a mis sur pied la plus grande bibliothèque Web sur le sujet, Women can be priests, intégrée au Wijngaards Institute for Catholic Research, groupe de réflexion progressiste produisant des recherches sur les questions controversées de la théologie catholique romaine contemporaine.
Ce contenu a été publié dans Synode sur la synodalité. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Une réponse à Quelle conception a le Christ de l’autorité?

  1. Merci pour vos réflexions. À la 2e questions, je crois que nous devrions poser cette question en référence aux femmes et hommes de notre temps. La question se pose-t-elle lorsque le baptisé reçoit l’Appel pour le service de l’Eglise ? Ne devrions-nous pas agir ainsi envers les baptisées qui reçoivent cet Appel au service de l’Eglise, et ce sans distinction entre les cultures ? L’Eglise n’est-elle pas au service de la FOi ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.