Durant 25 ans, je me suis engagée dans différents ministères en Église. Tout d’abord comme animatrice de pastorale scolaire et ensuite comme agente de pastorale en paroisse à la cathédrale de Nicolet et comme répondante diocésaine à la condition des femmes dans l’Église durant 18 ans. Je suis maintenant à la retraite depuis la fin de l’année 2009.Aujourd’hui, avec un peu de recul, j’ai tenté de faire une relecture de mon parcours en m’inspirant de « LA PARABOLE DE LA SEMEUSE » (Lc8, 5-9).
« La semeuse est sortie pour semer sa semence. Et comme elle semait une partie du grain est tombée au bord du chemin; elle a été foulée aux pieds et les oiseaux du ciel ont tout mangé.
Une autre est tombée sur le roc et, après avoir poussé, elle s’est desséchée faute d’humidité.
Une autre est tombée aux milieux des épines et, poussant avec elle, les épines l’ont étouffée.
Une autre est tombée dans la bonne terre, a poussé et produit du fruit au centuple ».
Il me semble que cette parabole exprime bien le parcours que j’ai suivi comme femme en Église.
Au départ, prendre sa place en tant que femme en Église dans un contexte patriarcal implique un énorme changement de mentalité et, par conséquent, cela oblige à faire face à de nombreux obstacles. La semence ne passe pas facilement. On la repousse au bord du chemin, on la piétine pour ne pas qu’elle se mélange aux bons vieux grains ensemencés depuis des siècles.
On devait donc faire face à une foule d’interdits : pas de femmes dans le chœur, encore moins ministres de la communion, elles n’ont pas le droit de proclamer la Parole et encore moins de l’interpréter, cela appartient au prêtre…
C’est dans ce contexte qu’il m’a fallu apprendre à composer avec les diverses fermetures, les sensibilités, les susceptibilités et les rejets de toutes sortes. J’ai dû apprendre à laisser le temps prendre le temps de créer de petites ouvertures pour m’y faufiler et laisser l’Esprit faire son travail.
Et il l’a fait. Petit à petit, un petit groupe de personnes se sont laissées interpeller par cette nouvelle semence. Elle est tombée sur le roc et, ensemble, on l’a laissé pousser. Petit à petit, le chemin s’est ouvert sur la question de la place de la femme en Église et sur le partenariat intégral qui en découle dans toutes les sphères de l’engagement. Avec un certain nombre d’alliéEs, nous avons appris à conjuguer les dons, les charismes de chacune et chacun indépendamment du sexe ou du statut. On dialoguait, on proposait, on recommandait. Ce fut une période remplie d’espérance. Mais cet élan de croissance a été freiné par les décrets, les fermetures, les interdits qui sont venus l’assécher pour l’empêcher de croître et de porter du fruit. Le ton sec des autorités est venu déshumidifier le terreau en expansion. Ils ont entraîné avec eux une autre partie qui est tombée au milieu des épines qui inlassablement tentent de l’étouffer pour qu’elle ne produise plus de fruit.
Mais, inlassablement l’Esprit poursuit son travail et heureusement, une autre partie tombe dans la bonne terre et elle porte beaucoup de fruits. On ne sait jamais à quel moment cela peut se produire. L’Esprit travaille inlassablement .
Ce que Jésus voulait faire saisir à ses disciples à travers cette parabole c’est que, malgré les obstacles, on ne doit jamais se laisser aller au découragement. Il faut s’armer de patience et de persévérance. Il nous fait toujours un petit clin d’œil pour raviver notre espérance. Tôt ou tard, on ne sait pas où et quand, la semence va faire son œuvre. Cela me rappelle cette anecdote : un jour, alors que j’allais faire une célébration de la Parole dans une maison d’hébergement pour personnes âgées, j’ai rencontré sur ma route une dame qui m’interpelle. Elle me dit tout simplement : « Je veux vous demander pardon ». Alors toute étonnée je lui dis : « Mais pourquoi? ». Elle me répond : « Je n’ai jamais accepté qu’une femme prenne la Parole en Église; pour moi, c’était sacré, cela appartenait au prêtre. Mais le Seigneur m’a ouvert les yeux et le cœur par une parole que vous avez prononcée dans votre homélie en fin de semaine. Cela m’a beaucoup interpellée et maintenant je comprends les choses bien autrement. C’est pourquoi je vous demande pardon pour tout le mal que j’ai pu dire contre vous ». J’ai vu cela comme un clin d’œil de l’Esprit Saint qui me relançait dans la persévérance et l’espérance malgré les obstacles. Les multiples témoignages des paroissiennes et des paroissiens à mon départ à la retraite sont venus aussi raviver mon espérance et croire que les choses peuvent changer malgré des obstacles majeurs.
Le partenariat intégral entre les femmes et les hommes en Église va finir par se tailler une place. C’est ma conviction la plus profonde et c’est encore ce qui motive mon espérance aujourd’hui. Pour reprendre l’expression de Marie « Comment cela va-t-il se faire? » En croyant fermement au projet que DieuE confie à chacune et chacun de nous pour ouvrir de nouveaux sentiers, de nouvelles façons d’interpréter et d’actualiser sa Parole, proposer des rituels adaptés au vécu des gens, créer, réinventer sans limites et surtout faire entièrement confiance à Celui qui nous guide et qui nous amène à croire aux talents qu’il a donné à chacune et chacun de nous et à les mettre en pratique.
« Ma Parole ne retournera pas vers moi sans résultat » (Is 55,11). C’est sur cette Parole que mon espérance se fonde. Donc, mon souhait le plus profond c’est que les servantes de sa Parole ne se laissent pas décourager; leur Parole portera fruit malgré tous les obstacles qu’elles vont rencontrer. Inlassablement, poursuivons la route qui est déjà si bien amorcée. Comme le disait si bien Yvonne Bergeron : « Continuons d’avancer avec une espérance têtue ».
Nicolet, le 26 janvier 2012
- Relecture de mon parcours comme femme engagée en Église - 26 janvier 2012