De nos jours, parler de rites chrétiens même s’il s’agit du plus fondamental d’entre eux n’est certes pas un défi facile à relever. La culture religieuse québécoise a subi un tel éclatement que tout se passe comme si des phrases connues s’étaient mises à virevolter dans tous les sens, se libérant de leur cadre d’interprétation habituelle, pour aller s’accoler de façon éparse et indéterminée sur les pages vierges d’un livre non encore écrit[1]. On ne s’y retrouve plus; comment arriverais-je à revisiter théologiquement, pour notre contexte, des siècles et des siècles de croyances, de prières et de foi sincère, sans trahir le meilleur de ce qui s’est transmis? Le pari est immense.
Mais une autre gageure m’attend. M’introduire en milieu de parcours dans une écriture aussi serrée, aussi dense, aussi mature, constitue un risque de haut niveau Car, si oser une réinterprétation théologique est déjà un défi, le faire dans le cadre d’une approche psychanalytique enracinée dans le cheminement spirituel de toute une vie relève d’une audace présomptueuse. Il y a danger et j’en éprouve assurément de l’inquiétude. Un sentiment étrange, composé de crainte, de fierté, de bonheur… celui de me compromettre véritablement avec mon homme, non plus seulement de l’encourager mais de parcourir avec lui les méandres tortueux du mystère humain, jusqu’en son creux le plus pénétrant, là où il touche le divin… ou plutôt là où nous pourrons le pressentir. Bref, une sorte de fascination/inquiétude m’envahit; plus que jamais auparavant me semble-t-il, je m’engage dans une aventure dont je ne sortirai pas indemne. Car, femme, théologienne, travailleuse sociale et féministe engagée, mon regard sur l’eucharistie telle que définit traditionnellement, sera critique, bousculant sans doute mais aussi je l’espère, inspirant.
Pour nous, québécois et québécoises d’allégeance chrétienne, parler de Jésus, d’eucharistie, de mort, de résurrection c’est beaucoup plus qu’émettre des idées du passé, c’est se souvenir de lourdes obligations de jeunesse, de culpabilités refoulées et pour plusieurs encore, exprimer une vieille colère qui n’en finit plus de remonter. C’est également et surtout, remuer le tréfonds de ce qui nous a construits individuellement et collectivement. Le modernisme, la science, les recherches de tout acabit et la libération des moeurs n’ont pas réussi à effacer la marque qu’a laissée cette mémoire religieuse dans notre chair personnelle et culturelle. Elle porte nos rêves, nos peurs, nos désirs et nos troubles d’enfants. Que nous l’admettions ou non, il y a là quelque chose que nous avons reçu et qu’il importe d’investiguer honnêtement et librement, si accéder à la sérénité nous intéresse.
Or, il faut le reconnaître, lorsqu’on parle de « manger le corps » et de « boire le sang », la théologie contemporaine utilise une finesse de langage qui cherche à rendre le récit eucharistique plus acceptable, plus ouvert au « croyable disponible actuel » selon une expression de Paul Ricoeur. Il semble pratiquement qu’il faille déclarer cette représentation d’un Dieu-qui-se-donne-à-manger comme dépassée, vétuste, hors de propos pour nos vies. Pourtant, ce « prenez et mangez » et ce « prenez et buvez » sont bel et bien rapportés par les évangiles synoptiques comme ayant été prononcés par Jésus lui-même. Il y a ici une réelle impossibilité de contournement perpétuel.
Pour ma part, il m’aura fallu le regard d’un psychanalyste libre et clairvoyant comme mon époux pour réussir à ébranler plusieurs couches de savoirs théologiques et m’inciter à entrer dans l’étonnement, le soupçon, l’étrangeté, sans paralyser de crainte. Je sais qu’il me faudra renoncer aux certitudes, percer l’évidence, la creuser, la dépasser pour voir ce que nous n’avons pas encore vu, pour entendre ce que nous n’avons pas encore entendu, pour accéder à « l’in-ouïe » dira Maurice Bellet[2]. Qui sait? Peut-être que cette visitation nouvelle provoquera une mise au monde… Comme Marie visitant Élysabeth, sa cousine. Il y a entre ces deux femmes une fécondation mutuelle où chacune naît en célébrant la vie en gestation chez l’autre. Ainsi, le parcours que j’emprunterai en sera un de chair, d’incarnation. Il revisitera l’eucharistie en suivant le chemin de trois corps : celui de la femme, celui de la communauté, celui de l’humanité
L’eucharistie en tant que Corps/Femme
Non seulement il est un scandale de représenter le corps eucharistique par un corps de femme mais également, pour trop de personnes encore, il est tout aussi inacceptable d’envisager que la présidence du rite soit assumée par une femme. Le corps féminin n’est digne ni d’offrir, ni d’être offert. Le mythe de la faute d’Ève n’en finit plus d’empoisonner les mentalités, et pas uniquement celles des esprits religieux. On le sait, les paradigmes déterminent la façon de voir le monde, de l’interpréter, de lire les traditions et d’élaborer les hypothèses d’avenir. Passer d’un modèle androgénique à un modèle féministe implique une transformation complète de notre imaginaire religieux certes, mais d’abord et avant tout de nos imaginaires affectifs et sexuels.
En 1984, dans la cathédrale St John the Divine, à New York, on exposa une sculpture représentant une femme crucifiée qu’on appela la Christa. Cette œuvre voulait suggérer une identification de Dieu avec toutes les femmes battues, violées, brutalisées du monde et nullement nier la masculinité du Jésus historique. Réaction étrange, cette création provoqua un véritable scandale; on la considéra comme ayant un caractère pornographique plutôt que d’y reconnaître une expression artistique des femmes mises en croix et des souffrances que Dieu endure lorsque ses filles subissent un tel sort. Ultime exemple des résultats pervers issus d’une spiritualité qui a trop souvent situé le péché dans le corps, surtout dans le corps des femmes. Augustin affirmait que l’âme était la meilleure partie de la personne : « Lorsque vous êtes dans l’Esprit, vous êtes au milieu; lorsque vous regardez en bas, il y le corps; lorsque vous regardez en haut, Dieu est là »[3]. Une telle anthropologie réduit la femme à un corps englué vers le bas, dans le lieu des ténèbres, de la tentation et du péché, loin de Dieu qui, lui, se tient à l’abri, dans la lumière du haut.
Le corps de la femme : scandale ou icône?
Scandale donc que le corps et le sang de la femme puissent représenter le corps et le sang de Jésus dans l’eucharistie. Curieusement, le corps dénudé de l’homme de Nazareth est perçu comme Dieu lui-même; celui de la femme, une tentation vivante exposée. Le sang de Jésus s’offre à boire; le sang de la femme, puant, impur et indigne d’un rituel sacré, invite à fuir. Pourtant, il fait naître l’enfant, renouvelle à chaque mois le cycle de la vie et coule à l’intérieur de tant et tant de corps donnés pour les autres. En outre, le vécu proprement féminin de la grossesse, de l’accouchement et de l’allaitement s’associe, pour la plupart des femmes, à de véritables expériences spirituelles. Comme le rappelle Léonardo Boff, « la spiritualité et la sexualité sont dans une perspective radicale les deux noms d’un même phénomène. Il s’agit de manifestations d’une même énergie qui dépasse l’être humain »[4]. Seuls des esprits malhonnêtes ou bornés s’acharnent à cantonner le corps féminin au scandale. Ceux-là n’accepteront jamais de revoir l’imaginaire religieux qui paralyse le renouvellement de la liturgie eucharistique.
Mais fort heureusement, ils ne sont plus légions. Parmi les vagues de fond qui ont traversé la société, la libération féministe est sans doute celle qui a le plus viscéralement marqué l’identité québécoise. Une nouvelle manière de voir, de penser, de comprendre, d’agir, de rêver est apparue avec elle. Depuis la Révolution tranquille surtout, chaque génération de femmes a opéré une étape singulière dans l’évolution de la révolution féministe. Dans cette foulée, toutes les sciences humaines ont été revues et questionnées. Parmi elles, advint la théologie féministe. C’est la génération du tournant du second millénaire qui a le plus grandement contribué à la transformation de l’imaginaire anthropologico-philosophico-religieux dénoncé plus haut, en réinterprétant les notions de sujet, de corps, de genre, de divinité.
Entre autres révisions, elle entreprit une relecture fondamentale des évangiles en s’habilitant à entendre « l’in-ouïe » qui se cache dans le silence de textes rédigés en contexte patriarcal. Ce n’est pas le lieu de donner ici une idée exhaustive de ces études; je me contenterai de pointer quelques découvertes particulièrement significatives pour notre propos. Par exemple, la parole de Jésus priant ses disciples de se souvenir de cette femme qui lui verse du parfum sur la tête : « En vérité, je vous le dis, partout où sera proclamée la Bonne Nouvelle, dans le monde entier, on redira aussi, à sa mémoire, ce qu’elle vient de faire » (Mc 14, 9). Or, bien que la formule eucharistique retenue par la liturgie « en mémoire de moi » (1 Co 11, 24-25) ressemble de très près à l’invitation de Jésus de proclamer l’Évangile « en mémoire d’elle », la tradition ecclésiale a oublié jusqu’au nom de cette femme[5].
Autre remarque, il aura fallu des femmes exégètes pour soulever l’hypothèse, tout à fait plausible, d’une non transmissionéventuelle de l’histoire du Nazaréen, si ce n’avait été de la présence des femmes au moment de sa mort, de sa sépulture et de sa résurrection. En effet, au pied de la croix, les femmes sont seules, les apôtres ayant fui. Ce sont des femmes qui rendent l’hommage des aromates habituels à sa sépulture; au matin de Pâques, c’est Marie-Madeleine qui le reconnaît et court prévenir les hommes[6]. Ces femmes sont donc les premières à être témoins des événements extraordinaires qui se produisirent alors. Sans leurs récits, personne n’aurait pu rendre compte de ces faits. À l’évidence, elles font partie du groupe des disciples, au même titre que les Douze qui entouraient le Nazaréen. L’évangéliste Jean l’atteste en rapportant que tous et toutes reçoivent l’Esprit (Jn 3, 3-9), sont envoyés-es en mission (Jn 20,21), reçoivent le pouvoir de pardonner les péchés (Jn 20,23) et sont présents et présentes lors du dernier repas où il va jusqu’à laver les pieds des disciples réunis (Jn 13, 2-15). Et rien ne permet de penser qu’il s’est alors abstenu de toucher les pieds des femmes disciples qui participaient certainement à cette rencontre d’adieu.
Il y aurait beaucoup d’autres illustrations; une dernière : le choix des analogies que Jésus emploie pour expliquer à ses auditeurs que Dieu n’abandonne jamais. Parmi d’autres, la brebis égarée (Luc 15, 4-7) et la drachme perdue (15, 8-10); dans les deux cas, Dieu cherche désespérément « l’objet d’amour perdu »[7] symbolisé ici par un animal et une pièce de monnaie. Aucun modèle sexiste émerge de ces paraboles et pourtant, encore ici, la tradition a abondamment enseigné, catéchisé, sculpté, peint, prêché l’histoire du Bon Pasteur alors que le récit de la femme qui célèbre avec ses amies le bonheur de retrouver les sous durement gagnés pour faire vivre sa famille n’a pas retenu l’attention, si on en juge par le peu de fois qu’il a été rapporté.
Ces quelques fragments suffiront. Que l’on comprenne seulement ceci : un trop long et trop lourd silence peut se transformer en cri. Magistralement, la relecture féministe de la bible a découvert un sens évangélique fondamental qui a définitivement réhabilité l’intégrité du corps féminin. De scandale, il est devenu icône de Dieu. et alors plus rien ni personne ne convaincra les chrétiennes de leur indignité à représenter le pain et le sang eucharistiques. Chacune peut recevoir l’appel à devenir dans son être entier (c’est-à-dire dans son corps puisque selon la conception hébraïque nous n’avons pas un corps nous sommes un corps) image et ressemblance de Dieue. Ce fait établi, la réflexion se poursuit car bien qu’on ait souvent redouté le contraire, le féminisme vise la libération des hommes tout autant que celle des femmes.
En christianisme, Dieu est Homme et Femme
« Je supplie Dieu de me défaire de Dieu » disait Maître Éckhart, comme le rappelait Michel précédemment. Car la représentation que nous nous faisons de Dieu n’est jamais Dieu, seulement une image toujours imparfaite de Lui ou d’Elle. Les limites de notre condition humaine ne capteront jamais l’absolu. Nos lunettes religieuses seront toujours partielles et partiales, à la hauteur de nos époques, de nos expériences, de nos cultures… et de nos corps. Cela vaut pour toute religion et toute définition de la divinité, la mienne y compris. Cependant, une chose est sûre, pour accéder au divin, aucun système religieux n’a pu faire l’économie de la femme, ne serait-ce que pour décider de l’écarter définitivement de la sphère du sacré. Mais heureusement, il s’est toujours trouvé des hommes libres.
Remontons jusqu’au tournant du 13e siècle où notamment, le musulman Rûzbehan Baqlî Shîrazî nous servira d’exemple. Michel Cazenave s’intéresse à ce moine fasciné par une femme dont il est profondément amoureux. Selon Cazenave, « il ne peut y avoir d’accès au divin et, a fortiori, au secret ultime de Dieu, si ce n’est dans la présence la plus familière et en même temps la plus inquiétante, qui est celle d’une femme ». Il constate que l’épreuve amoureuse permet au mystique de s’adresser à sa bien-aimée « comme si l’amour humain le plus charnel pouvait offrir immédiatement accès au divin[8]». La distance douloureuse qui le sépare de la femme qu’il aime devient alors le symbole de l’abîme et du désir qu’il éprouve pour Dieu. Car Dieu ne se manifeste-t-il pas dans l’autre sexe justement parce qu’il est Autre? Dans cette optique musulmane, on peut comprendre que Dieu n’est pas Individumais Relation ou rencontre féconde entre homme et femme. On y apprend qu’une image divine amputée de l’autre sexe, quel qu’il soit, en réduisant la divinité, la trahit. Voilà une représentation qui n’est pas très éloignée de la vision chrétienne.
Du côté du christianisme, de nombreuses recherches ont déjà montré que du Premier Testament à aujourd’hui, en passant par le Second Testament, les Pères de l’Église, les grands spirituels, de nombreux saints et saintes et les théologies contemporaines, une conviction s’énonce, s’accroche et se répand, malgré une multitude de tentatives pour l’éteindre : Dieu est Femme autant qu’il est Homme. Aujourd’hui, il n’est plus possible d’ignorer cette longue trajectoire historique; elle impose de revoir nouvellement l’eucharistie en respectant la féminité de Dieu qui, elle aussi, demande d’offrir et d’être offerte.
Afin d’y voir plus clair, revenons à Jésus; Michel s’est déjà demandé quel était son Dieu. Je préciserais la question ainsi : quelle perception avons-nous de sa vision de Dieu? Au premier abord, on constate que Jésus voyait son Dieu à travers l’image masculine du père. Ceci ne s’avère nullement problématique. Par ailleurs, il faut savoir qu’une analyse approfondie des évangiles et du contexte dans lequel ils ont été écrits permet de découvrir l’éventail des significations alors rattachées au mot père. La fréquence de cette appellation, la personne qui l’utilise et les divers sens qu’elle recouvre nous enseignent plusieurs choses. Avec Élysabeth A. Johnson, permettez-moi un peu d’exégèse[9].
D’abord, le nombre de fois que les évangélistes utilisent le mot : 4 fois chez Marc, 15 fois chez Luc, 49 fois chez Matthieu et 109 fois chez Jean, le plus tardif des évangiles. Et le nombre de fois que Jésus lui-même emploie le mot père pour parler de Dieu : 1 fois d’après Marc, 2 fois d’après Luc, 1 fois d’après Matthieu et 73 fois d’après Jean. « Ici, se manifeste très clairement une tradition florissante, une façon de parler de Jésus et de sa relation avec Dieu qui se répand au cours des dernières décennies du premier siècle »[10]. De plus, lorsque la tradition biblique utilise le mot père pour s’adresser à Dieu, elle désire souligner l’idée d’une protection tendre, d’une libération de la souffrance plutôt que l’idée d’un engendrement biologique. On ne parle pas d’un père qui donne la vie mais d’un père qui sauve ses enfants de l’oppression, qui les soutient dans la pauvreté et la misère. Un père protecteur activement impliqué dans la révolution historique qui leur a permis de s’enfuir d’Égypte, là où ils étaient tenus en esclavage. Pas un seul hébreu ne peut oublier la sollicitude que Dieu a alors manifesté pour le peuple… comme un véritable père. Autrement dit, dans cette perspective, Dieu n’est pas un géniteur, il est un libérateur. Lorsqu’on dit que Dieu est Père, nous disons vrai. Mais il faut savoir que nous ne sommes pas en train de parler d’une génération physique; nous parlons analogiquement d’un type de relation, d’amour réciproque, d’attention mutuelle comme il en existe entre un père et son enfant. Ce papa (Abba) que Jésus appelle n’a rien de la figure patriarcale dominatrice excluant la femme. Au contraire, sa façon de voir Dieu nous autorise à le reconnaître dans tout lien de tendresse comme il peut en exister entre un père et son fils, entre une mère et sa fille.
Dieu est père et mère, il est homme et femme, plusieurs mystiques l’ont ainsi perçu. Leurs oraisons révèlent magnifiquement l’image qu’ils se faisaient de Dieu. Arrêtons-nous à quelques-unes d’entre elles[11].
Vous êtes Père, vous êtes Mère, vous êtes mâle et vous êtes femelle. (Synésios, évêque de Libye, Ve siècle)
Mais vous, Jésus, notre Seigneur, n’êtes-vous pas aussi une mère? N’êtes-vous pas cette mère qui comme une poule, rassemble ses poussins sous son aile? Vraiment, Maître, vous êtes une mère ! (St-Anselme, XIe siècle)
Tu as mis à nu les seins de ta douceur, premiers aliments de ta grâce. (Guillaume de St-Thierry, XIIe siècle)
Non seulement Seigneur vous nourrissez ceux qui sont présents du lait de la douceur intérieure, mais vous répandez sur les absents l’odeur agréable d’une bonne réputation […] Vous avez du lait, dis-je, à l’intérieur et à l’extérieur vous répandez des parfums. (Bernard de Clervaux, XIIe siècle)
Notre Seigneur montrant le très aimable sein de son divin amour […] il serre l’âme, la presse et la colle de ses lèvres de suavité et sur sa délicieuse poitrine, la baisant du sacré baiser de sa bouche, et lui faisant savourer ses mamelles meilleures que le vin. (François de Sales, XVIe siècle).
Ces textes peuvent surprendre, rendre mal à l’aise ou même faire sourire, habitués que nous sommes à concevoir la sexualité et la spiritualité comme deux univers séparés. Pourtant, les grands priants ne font que relire les Écritures à la lumière de leur expérience spirituelle. En fait, ces éloquents témoignages confirment l’importance de redonner à Dieu sa part de féminité. Lorsque le coeur humain cherche Dieu, il ne peut l’imaginer autrement que par les voies à travers lesquelles il a reçu l’amour et par lesquelles il se sent appeler à le redonner, habituellement, celle de la rencontre entre un homme et une femme. On le constate, un héritage féminin issu d’un imaginaire religieux érotique a traversé toute l’histoire de la représentation de Dieu dans le christianisme.
Mais voilà ! Il me faut l’admettre, cela me touche et m’exaspère à la fois ! J’y vois le même problème que je soulignais concernant la pratique cultuelle de l’eucharistie : la peur de la femme réelle, en chair et en os. Certes, la beauté du désir de ces hommes émeut; elle se manifeste avec tendresse sans pudibonderie ni glissement pervers. Mais le détournement, l’évitement, voire la négation de la femme singulière irrite. Comme s’il suffisait de projeter l’idée du féminin et du masculin sur Dieu pour rendre inutile et sans signification la moitié de l’humanité. Comme si la représentation de la masculinité était en elle-même complète puisque que le Grand Tout comblait la différence. Comme si le vécu féminin n’était qu’une métaphore utile mais accessoire, et non l’expérience de personnes authentiques capables de transmettre avec profit leur propre sagesse du corps et du coeur. Comme s’il suffisait que le mâle ordonné partage le pain et le vin au nom des femmes pour que toujours et sans hésitation aucune, elles se sentent elles-mêmes célébrantes. J’irai plus loin. On aura beau, à la suite des mystiques, voir en Jésus une mère, cela ne changera pas le fait que son expérience est masculine. Ce qu’il a vécu dans son corps d’homme ne pourra jamais remplacer ou pire dévaluer ce qu’une femme vit dans son corps lorsqu’elle perd du sang, porte un enfant, accouche, allaite et materne.
Il ne suffit donc plus d’accoler des images féminines sur Dieu, ni même de trouver les traits féminins à une divinité masculine; il s’agit d’arriver à se représenter Dieu comme une femme aussi complètement et aussi entièrement qu’on se le représente lorsqu’on le voit comme un homme. Elle cherche sa drachme perdue tout autant qu’Il cherche la brebis égarée. Elle est tout autant Sagesse, qu’Il est Logos. Elle est tout autant mère créatrice de vie qu’Il est prophète libérateur. Dieu est aussi Dieue.
En conséquence, si on désire revisiter l’eucharistie afin d’en révéler le sens aux prochaines générations, il s’avère indispensable d’imaginer Dieu autant au féminin qu’au masculin. Car tant que nous n’arriverons pas à changer notre représentation de Dieu/e les femmes seront exclues de l’acte de partager le pain. Et alors, la communauté des disciples égaux ne sera pas réalisée et le message de l’Évangile demeurera considérablement amoindri et détourné. C’est pourquoi revoir l’eucharistie en tant que Corps/Femme, s’avérait un impératif important pour reprendre contact avec l’authenticité du « faire mémoire de Jésus » et entendre le questionnement religieux de notre époque. On aura compris, je l’espère, qu’il ne s’agit aucunement de reproduire un autre réductionnisme en utilisant d’uniques allégories féminines mais, au contraire, d’ouvrir nos horizons à l’univers symbolique du couple, de la communauté, de l’humanité entière.
Le couple humain, comme premier modèle d’ouverture
Avant d’adhérer à une doctrine, la femme et l’homme modernes chercheront à en éprouver la valeur pour leur vie concrète. Or, le type de christianisme qui ne fait que reproduire un monothéisme monarchique issu de l’idéologie patriarcale (un seul Dieu, un seul roi, un seul pape, un seul père, un seul prêtre, un seul dogme, un seul sexe…) ne rejoint plus les valeurs contemporaines. Il n’est pas davantage fidèle à la pratique et au message de Jésus, à l’expérience des premières témoins de sa mort et de sa résurrection, à la sensibilité des grands mystiques ni au désir de tant de chrétiennes et de chrétiens qui souhaitent encore célébrer l’eucharistie, à la condition d’en opérer une radicale et profonde revisitation[12].
Le couple humain se retrouve au principe de la création, traverse la bible de part en part[13] et participe à la mise sur pied des communautés ecclésiales primitives. Pourquoi serait-il inconvenant ou pire, scandaleux de le concevoir aux fondements du mémorial eucharistique? Si le corps eucharistique n’est pas uniquement Homme, ni uniquement Femme, c’est qu’il est communauté d’écoute, d’échange, de partage, de nourriture mutuelle, d’engagement, bref, une communauté d’amour. Rien de surprenant Dieu est amour. Mais qu’y a-t-il de commun entre la rencontre de Dieu dans l’eucharistie et l’expérience humaine de l’amour ? Avec Moltmann, j’irais jusqu’à dire que si on décidait qu’il ne s’y trouve rien de commun, il faudrait alors ne plus utiliser le même mot pour en parler. On a bien essayé en faisant de grandes distinctions entre « amour eros » et « amour agape », entre « amor » et « caritas », entre amour sensuel, charnel, corporel et amour spirituel, penchant de l’âme, tendresse du coeur. Or, il s’agit d’un seul et même amour et le Nazaréen a bel et bien demandé de ne pas le séparer[14]. L’amour de Dieu, l’amour des amants, l’amour du proche, l’amour de l’étrangère et de l’étranger constituent la base essentielle et incontournable de la trame qui tissera la communauté eucharistique.
Beaucoup plus qu’un rituel sans cesse répété, la célébration du manger le corps et boire le sang préside à la construction d’un Corps vivant, souffrant, se réjouissant, inventant les façons d’aller à la rencontre de ceux et de celles qui ne sont pas encore autour de la table. Une fois que la femme y est intégrée à l’égalité de l’homme et que le couple humain arrive à y projeter l’amour qui le rend fécond, l’eucharistie commence véritablement à devenir Corps/Communauté.
L’eucharistie en tant que Corps/Communauté
Pour la femme et l’homme d’aujourd’hui, croire en Dieu implique de prendre leur cheminement en main en étant persuadés que leurs espoirs sont atteignables à partir du travail de leur propre liberté. Non pas qu’ils croient avoir nul besoin des autres ni même de l’attention de Dieu sur leurs existences, mais que sans consentement libre et autonome aucune réalisation ne s’avère libératrice. Or, l’eucharistie appuie résolument cette conviction moderne en attestant que la vie, dans son acception pleine et entière, est à notre portée parce que l’un de nous l’a déjà réalisée et qu’alors, comme Michel ne cesse de le répéter, la mort n’aura pas le dernier mot. Oui, pour chaque être humain un avenir existe. Et s’il est pris à plein bras, il génère une espérance vivifiante; plus encore, une promesse l’habite. Comme l’amour entre deux amants dépasse le désir qu’ils ressentent l’un pour l’autre, la communauté eucharistique dépasse la chaleur du rassemblement et promet de travailler à réaliser concrètement le serment de son Dieu : chacun, chacune de vous ne sera plus jamais seul-e. En christianisme, les autres, celles et ceux que nous ne connaissons pas tout autant que celles et ceux que nous connaissons sont nos sœurs et nos frères en humanité. Cette solidarité humaine forme un corps toujours en gestation qui, à même le rite eucharistique, prie et se construit.
D’un corps donné à un corps reçu
Dans l’eucharistie, le Logos (le Christ/Parole) se fait dia-logos; autrement dit, le verbe qui se donne devient le verbe qui s’échange communautairement. Il façonne ainsi un corps de disciples, un Corps/Nous. En langage plus clair, on pourrait dire que le corpsinsaisissable du Christ ressuscité se transforme en chair d’hommes et de femmes qui discutent, débattent, échangent, partagent la parole transmise comme on partage un bon pain chaud. Devenu rassemblement, le Corps se fait désormais saisissable à travers une solidarité réelle de chrétiennes et de chrétiens désireux de se retrouver autour de la table pour célébrer la mémoire qui les garde unis.
Cependant, une priorité importe; celle de « nous entretenir de lui » plus que « nous entretenir avec lui »[15]. Car, la tentation de nous tenir longuement voire interminablement seuls devant lui sera toujours contrariée par une agaçante question : « Qu’as-tu fait de ton frère, qu’as-tu fait de ta soeur? ». Toute la vie de Jésus, son comportement, ses attitudes, ses relations, les risques qu’il a pris, tout cherche à solutionner cette angoissante interrogation. Désirer y répondre à sa suite, c’est entrer dans la folie évangélique et consentir à faire partie du Corps qui la conduira jusqu’au bout… jusque l’autre côté de la mort.
Le défi est monumental. À défaut d’une foi revisitée à l’aulne de chaque époque, on comprend que la répétition séculaire de cemanger-ensemble puisse occasionner une importante perte de mémoire; on en a un indice dans la trop grande place que le dernier Congrès eucharistique international a accordé au mouvement intimiste d’adoration divine. C’est pourquoi, cette re-visitationdemande de se re-souvenir. Que s’est-il réellement passé lors de ce fameux repas à l’origine de nos eucharisties? Quelle puissance de remémoration peut en arriver à constituer un Corps vivant aujourd’hui? Rappelons la scène… la dernière Cène comme on l’appelle souvent.
Ce soir-là, pour Jésus et les personnes réunies, il s’agit d’un repas d’adieu. Toutes et tous sont conscients que ces rassemblements deviennent de plus en plus dangereux. Quelque chose se prépare. Le contexte est tendu, des complots se trament, Jésus se sent de plus en plus surveillé et il sait que les déplacements du petit groupe sont épiés. Il faut maintenant voyager de nuit. Le Dieu présenté par le Nazaréen (bon, tendre, miséricordieux, inconditionnellement accueillant, surtout pour les femmes, les pauvres et les exclus) s’oppose radicalement à la représentation que les autorités religieuses entretenaient de leur côté (un Dieu qui exigeait une obéissance stricte de la loi, la séparation des hommes et des femmes au temple, une observance sans condition du sabbat, des offrandes, des classes sociales). Le choc est majeur. Spirituelles au début, les divergences sont vite devenues sociales, puis politiques; Jésus est inquiet. Il commence à se demander s’il aura le temps de réaliser le rêve de justice qui, il en est profondément convaincu, se révèle être celui du Dieu/Père/Mère qui est le sien.
Cette soirée est peut-être la dernière chance qu’il a de dire à ses amis-es ce qui lui tient le plus à cœur. Il décide de la saisir : le projet qu’ils et elles ont commencé ensemble doit continuer, même si pour le moment ça risque de tourner mal. La situation ne se prête décidément pas aux subtilités du langage. Pour bien se faire comprendre, il utilisera une image incroyablement forte : il parle de manger son corps et de boire son sang comme ils sont à partager le pain et à boire le vin qu’ils ont devant eux. Il veut les convaincre que s’il lui arrivait de disparaître, cette nourriture leur rappellera qu’ils seront désormais Lui continuant leur projet de libération; et qu’ils pouvaient être assurés que jamais il n’abandonnera ni ses disciples, ni son projet.
Dans ce contexte, la surprenante analogie du corps-mangé-comme-un-pain se révèle être beaucoup plus qu’une simple image et assurément pas une demande d’adoration. Bien au contraire, c’est de don qu’il s’agit. Son corps c’est lui, tout lui, ses paroles, sa pratique, sa façon de voir le monde, les pauvres, les femmes, les lois, la religion, Dieu lui-même… et son sang c’est ce qui coule dans ses veines, sa vie, son énergie, sa détermination à vaincre la mort… En fait, il leur dit : si vous m’intégrez en vous, vous aurez ma force et mon espérance, vous serez mon corps et vous pourrez continuer mon œuvre. Et comme pour joindre l’acte à la parole, il attrape un tablier et se met à laver les pieds poussiéreux des hommes et des femmes qui l’entouraient : « Ce que je viens de faire, faites-le à votre tour »[16]. Pour lui, personne ne sera jamais assez sale pour être refusé au repas car dans une véritable communauté on se lave mutuellement les pieds. Ainsi, tous et toutes sont dignes de s’asseoir à la table. Or, on s’en doute, une telle subversion est redoutable pour les grands de ce monde et Jésus n’échappera pas à leur vindicte. L’inquiétude du début fera bientôt place à l’angoisse; suivront la trahison, la passion, la mise en croix.
Encore aujourd’hui, le Corps/Communauté qui tente tant bien que mal de poursuivre l’œuvre inaugurée par Jésus, souffre de nombreuses blessures et, à son tour, risque la mort. Souvent complexes et paradoxales, les sources de douleur émergent tant de l’intérieur de la communauté que de sa mission vers l’extérieur. Rien de surprenant à cela, une telle responsabilité demande de se maintenir à une hauteur humaine incomparable. D’une part, il y a donc les lâchetés et les fermetures du corps ecclésial institutionnalisé, sorte d’automutilation maladive et, d’autre part, il y a l’engagement des croyantes et des croyants auprès des frères et sœurs insupportablement crucifiés, corps compatissants ressentant la douleur de l’autre. Michel en a abondamment traité en présentant la vie impressionnante de Etty Hillesum et de mère Teresa. On l’a souvent rappelé, les disciples ne seront pas au-dessus du maître ; Jésus lui-même a subi ces deux types d’épreuve. Son cœur se déchirait devant la détresse, la maladie, la misère, l’exclusion de ceux et de celles qu’il aimait; tandis que l’aveuglement, l’étroitesse d’esprit et la compromission des instances dirigeantes suscitaient en lui une grande colère.
Hormis ce paradoxal mélange d’indignation et de respect que le Nazaréen lui-même a vécu face aux autorités de son temps, que cache donc cet étrange rapport amour/haine qui colle résolument à la peau de beaucoup de nos contemporains en regard de l’Église catholique romaine? Le psychanalyste y trouverait sans doute de quoi se mettre sous la dent… voici quand même mon point de vue.
Le paradoxe du besoin et de l’aversion face au corps institutionnel ecclésial
D’entrée de jeu, présentons le point de vue de nombreuses communautés qui se réunissent encore autour de la table eucharistique, malgré le sentiment d’une réelle déconnexion de l’institution ecclésiale actuelle. Quant à ma position personnelle, elle est claire : je partage entièrement leur avis. J’ai déjà écrit ailleurs que j’avais mal à mon Église comme j’avais mal au ventre[17]. Voici donc, à tort ou à raison, comment nous percevons les choses.
L’unidimensionnalité de l’idéologie romaine donne une telle prédominance au déjà-dit, au déjà-écrit, au déjà-proclamé par les papes et les déclarations officielles qu’elle en vient à ne plus être en contact avec la nouveauté de l’expérience, les pratiques concrètes de la communauté ecclésiale, la complexité de sa pensée et le dynamisme de ses projets. Bien qu’elle prétende être toujours la tête du corps, nulle circulation vitale n’atteint plus la grande majorité de ses membres. Sorte de corps sans âme, l’organisation cléricale sèche et se dégrade. Ses points de vue dogmatiques et unilatéraux s’apparentent à ce que le philosophe et psychanalyste Miguel Benasayag appelle « la vérité de perspective ». Il la compare à « une pièce de monnaie qui, placée dans un angle adéquat, est « plus grande que le soleil » ». La perspective cache ainsi le soleil en faisant croire aux autorités magistérielles que ce qu’elles perçoivent (la pièce de monnaie) « est la somme, la totalisation du réel »[18]. En n’acceptant aucune question ni débat, le Magistère romain ne fait pas moins que domestiquer Jésus, son message et son Église. Faisant cela, il asservit le christianisme lui-même puisque le Christ en constitue le fondement essentiel.
Loin de s’enferrer dans les mille et une lois qui étaient en passe de rendre la vie impossible à ses compatriotes, le Nazaréen incarne une nouvelle manière de vivre qui propose une éthique de liberté, de relations, de comportements et de socialisation invitant à voir et à pratiquer les choses autrement. Reste à inventer les applications qui s’ajustent à notre époque, à nos cultures, à nos sensibilités, à nos consciences propres. En refusant de faire confiance à la bonté du cœur et au dynamisme de la liberté, les autorités institutionnelles paralysent les avancées contemporaines. Tout se passe comme si la tête se détachait de son corps, le peuple croyant d’aujourd’hui… et s’imaginait pouvoir se reproduire sans sa chair, sans ses membres pour toucher, embrasser et mettre au monde les Bonnes Nouvelles réelles, effectives et salutaires qui nourrissent la quotidienneté. La blessure est grave car sans la tête, tout corps risque la dispersion et la dégénérescence. Le nombre effarent de chrétiens et de chrétiennes se retrouvant sans Église le démontre suffisamment. Devant ce triste constat, la question de l’évangéliste demeure pertinente : « Lorsque le Fils de l’Homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre? » (Luc 18, 8b). Pour le moment, comme lui, laissons cette énigme en suspend.
À mon propre étonnement, sans rien gommer de tout ce qui précède, une conviction tenace me garde cependant dans l’espérance. Car même si cette situation affaiblit résolument le corps, je ne crois pas que l’institution, toute imposante qu’elle soit, en arrive à l’anéantir. La raison est simple : le Corps/Communauté réside dans le peuple, d’abord et avant tout. Chaque membre y accède par l’expérience d’une rencontre libre et intime avec Dieu. Comme l’amour peut s’épanouir sans l’institution du mariage, la foi peut vivre sans l’institution ecclésiale. Aucune autorité, aussi sacrée se prétende-t-elle, n’y pourra rien…
Par ailleurs, impossible de nier qu’il existe un autre pôle à cette tension car la foi est nécessairement croyance en quelqu’un ou en quelque chose. Elle appelle une rencontre, un échange, une prière commune… et à leur suite, la formation d’un groupe, la constitution d’une mémoire, la structuration d’une démarche, bref, une institutionnalisation. Toute force instituante émerge d’intuition, de spontanéité, de création; pour durer, elle aura besoin d’un institué c’est-à-dire de forme, de cadre, de direction pour résister aux épreuves du temps. Et inversement, à défaut du dynamisme de l’instituant, le corps institué fige et meurt définitivement. Sans tension contradictorielle[19], pas d’institution vivante.
Comme tout autre religion, le christianisme doit donc maintenir un juste équilibre entre l’incessante évolution de l’humanité et la protection du message reçu aux origines. Pour y arriver, il a besoin d’un corps souple, mouvant et vivifiant qui gardera le message ouvert aux inédits de la vie. C’est la raison pour laquelle la grande Tradition considère la communauté comme constitutive de la foi chrétienne. Sans elle, plus de vie ecclésiale et sans ecclésialité, plus d’Église. Car, à défaut d’une solidarité structurée entre sœurs et frères croyants, on risque de ne plus manger le pain partagé, de ne plus s’abreuver à la vie offerte par Jésus et alors de perdre la Mémoire… et le cas échéant, de se retrouver hors la lignée chrétienne. Je viens de démontrer combien le risque est déjà là, à nos portes, l’institution ecclésiale contemporaine devenant in-signifiante, se rigidifiant, se vidant, abandonnant sa base. Dans cette foulée mortifère, comment éviter que les rites, celui de l’eucharistie notamment, deviennent des timbales retentissantes? Le danger de perversion est d’ores et déjà présent, à tout jamais inscrit dans les évangiles. Elles y racontent que chez les Corinthiens, en pleine célébration du repas sacré, des membres se sont empiffrés alors que d’autres souffraient de la faim (I Cor11,17 et ss). Autrement dit, on peut communier sans communier.
D’où l’importance de « discerner le Corps » comme le dit l’auteur de l’épître, pour en redresser les torts et en dénoncer les déviations. Pour reconnaître surtout l’authenticité des communautés qui tiennent bon dans les épreuves et partagent la souffrance de tant de personnes affamées, esseulées, oubliées et abandonnées sur le bord de la route. Car, en vérité ici, il s’agit rien de moins et rien d’autre que du corps vivant d’un Dieu donné et rompu… sans lequel, le Corps/Église ne vaut absolument rien.
Un corps rompu, déchiré et broyé… comme le pain.
Une vieille légende juive me touche beaucoup. Elle révèle combien la tendresse de Dieu pour l’humanité dépasse infiniment nos valeurs, nos codifications, nos morales, y compris religieuses. L’histoire se situe en Égypte lors de la fuite des Hébreux qui y subissaient un esclavage éhonté. Au moment où, dans une course folle contre les fugueurs, les chars égyptiens s’enlisent dans les flots d’une mer déchaînée et entraînent toute l’armée dans la mort, les anges du ciel se mirent à danser et à chanter des alléluias de joie. Dieu en colère leur cria : « Des êtres humains créés par moi sont en train de mourir dans la mer et vous voulez vous réjouir? »[20].
Aucune, absolument aucune souffrance ne réjouit le coeur du Dieu de Jésus même si, à nos yeux d’humains vindicatifs, elles apparaissent méritées. Imaginez alors, ce qu’il en est de la douleur injuste de l’innocent, du pauvre, de l’exclu, de la femme humiliée, dépouillée, mise de côté? L’offense est à son comble et alors aucune communauté eucharistique peut, en vérité, faire mémoire de Jésus sans, comme lui, aller au coin des rues soigner, soulager et convoquer au festin ceux et celles qui n’ont rien à se mettre sous la dent. Le partage de nourriture avec les affamés-de-toutes-les-faims et le partage du pain eucharistique participent au même mouvement évangélique de libération. C’est lorsque se réalise, dans la vie quotidienne d’un milieu, une bonne nouvelle longtemps attendue que l’eucharistie, (littéralement l’action de grâce) trouve son sens plénier. C’est seulement par la suite qu’il est signifiant de se retrouver autour du rite pour revivre et célébrer, avec et devant Dieu, le moment où la mort s’est changée en vie.
En fait, l’élément primordial qui constitue le Corps/Communauté n’est pas tant un esprit rassembleur, une idéologie mobilisatrice, une amitié partagée ni même une solidarité en action, c’est un corps collectif, un corps réel, tangible, vivant qui peut dire « ceci est mon corps ». Comment, de nos jours, ne pas avoir mal à cette partie de notre corps qui est mortifiée, avilie, broyée? Chaque fraction, chaque déchirure du pain béni devrait nous empêcher d’oublier. Car justement il s’agit de faire mémoire, de cette « mémoire dangereuse » que Michel rappelle si pertinemment en fin de premier chapitre. Rétablir l’Église ne peut que consister à redonner la santé aux corps souffrants de femmes, d’enfants et d’hommes en détresse. Sans cela, le corps du Christ ne sera jamais perçu comme un corps ressuscité, un corps redevenu vivant, un corps espéré et espérant.
Or, de quelque origine religieuse qu’elles proviennent, les sources d’espérance s’avèrent indispensables… plus que jamais. Car, nul ne l’ignore plus, nous vivons au croisement de crises humanitaires, financières, alimentaires, environnementales et migratoires sans précédent. Alors que nous aurions tellement besoin de solidarité, une idéologie économique globalisante continue à occuper tout l’espace social imposant aux peuples de tous les continents une dé-communautarisation sans âme, sans chaleur humaine, où les biens s’échangent autour de la seule mécanique du marché. Comment alors parler de partage du pain eucharistique dans un monde où, pour d’innombrables personnes, il n’y a plus de pain, et pour combien d’autres encore, même plus de table? C’est, je crois, en re-communautarisant nos milieux en fonction d’une ouverture à l’échelle de l’humanité.
L’eucharistie en tant que Corps/Humanité
L’ouverture au monde est une autre dimension constitutive du christianisme. Certes, celui-ci est à l’origine de l’humanisme moderne[21], mais il lui est encore difficile de saisir le monde comme un corps libre et autonome. De son côté, l’humanité y tend et y résiste à la fois. La solidarité et l’amour font peur comme le montre cette hésitation à joindre la Fraternité aux valeurs d’Égalité et de Liberté au moment de la Révolution française[22]. Pourtant, malgré les particularismes, les nationalismes et les tentatives de fermetures présentes à chaque époque de l’histoire, l’universel, le planétaire, l’international a toujours fasciné les êtres humains et les a sans cesse entraînés à voir plus loin, plus vaste, plus prodigieux. Les temps évangéliques ne font pas exception. Jésus lui-même a été influencé par un mouvement apocalyptique universalisant qui véhiculait un imaginaire transgresseur visant à tout repenser. C’est ce qui le provoquait à remettre beaucoup de choses en question : on ne coud pas une pièce neuve sur un vieux vêtement… on ne met pas du vin nouveau dans de vieilles outres… on n’ignore plus les femmes, serait-ce une samaritaine… on ne refuse plus de soigner un blessé même le jour du sabbat… on n’écarte plus les lépreux… L’appel à l’ouverture est considérable. Joseph Moingt va jusqu’à dire que « dans la prédication de Jésus, Dieu ne serait plus attaché à un lieu, un pays, une langue, etc »[23]. S’il en est ainsi, la vision d’un Corps universel libre, autonome et aimé de Dieu, fait certainement partie du testament que Jésus nous a légué le soir du fameux repas où il s’est offert en nourriture. De là, l’importance de clore le mémorial eucharistique par une prière d’envoi : Allez la messe est dite…
Chacune des eucharisties chrétiennes appelle ses convives à quitter la table et à sortir dehors pour aller rejoindre la masse qui parcourt les rues des villes et des quartiers. Cette incitation ne cache nulle intention de convertir, de moraliser, de catéchiser ni même d’afficher une croyance, loin de là. Il s’agit plutôt de rejoindre nos concitoyens et nos concitoyennes surtout ceux et celles qui ont faim et soif, qui sont nus, seuls et abandonnés (Matt 25); pour les aimer, d’abord et avant tout, puis, leur proposer notre aide dans le difficile combat contre la pauvreté et l’injustice qui les tuent.
Interprétée à l’échelle de l’humanité, cette convocation suggère que la revisitation que nous avons entreprise ne s’avèrera jamais complétée tant que le corps ecclésial refusera d’entrer dans une aculturation[24] véritable et sans restriction entre le christianisme et le monde d’aujourd’hui. À mon avis, cela suppose une proposition de foi qui non seulement évangélise et prie mais soulève une espérance qui crée des conditions palpables pour une issue réelle des malheurs qui assaillent aujourd’hui la plupart des peuples de la planète. C’est pour cela qu’il faut « sortir de table »[25] et participer à la mouvance espérante d’un Corps/Humanité insolite, pluriel et dispersé mais également jeune, solidaire et ouvert sur l’avenir.
L’eucharistie de l’avenir ou l’amour du monde.
Répétons-le encore, pour entrer dans l’avenir, l’eucharistie doit renouveler sa mémoire et réaliser qu’à travers des situations sociales, politiques, économiques et religieuses tout aussi complexes que les nôtres, les évangiles racontent comment les faits et gestes de Jésus de Nazareth ont instauré un va-et-vient de dons reçus et donnés. En vivant tout simplement sa vie en proximité avec les gens qui partageaient sa quotidienneté, il a bâti une chaîne de solidarités qui enrichissait et revivifiait le milieu. On ignore trop souvent qu’en ses débuts, le mouvement Jésus n’a rien de la structure ecclésiale actuelle. Il est composé de marginaux, de libres-penseurs et de femmes qui trouvaient auprès de lui un espace de parole et de liberté que la société leur refusait. C’est l’apôtre Paul qui, plus tard, organisera en petites Ekklèsias domestiques[26], ce mouvement devenu révolutionnaire à l’intérieur du monde gréco-romain.
Or, toute pratique qui conteste l’ordre établi doit comprendre, un jour ou l’autre, qu’elle participe d’ores et déjà à l’univers politique. Nul besoin d’être gros, grand et fort comme les puissants pour y jouer sa mise. S’il est vrai, comme le dit Max Weber, que la politique est le goût de l’avenir, tout groupe aussi petit soit-il peut se donner un espoir libérateur en acte qui transforme la donne sociale de son milieu. Ivone Gebara dirait qu’il s’agit alors d’un « amour politique »[27]; c’est-à-dire d’un amour qui travaille à mettre en place des gouvernements, des institutions, des lois qui cherchent à rétablir la justice et la paix, par amour pour nos sœurs et frères humains. C’est en fait, mettre en oeuvre, en forme et en sens, notre condition humaine d’exister symboliquement, spirituellement et corporellement, c’est-à-dire dans un Corps/Humanité sainement constitué.
L’entièreté de ce volume montre jusqu’à quel point l’eucharistie est concernée par ce monumental projet. Ce qui n’implique aucunement, encore une fois, qu’on doive y enfermer la totalité des projets humains. La catholicité doit se souvenir que l’Évangile n’est pas une religion; elle est un projet de libération et s’adresse à l’intelligence et au coeur des hommes et des femmes de bonne volonté. Un peu comme un poème s’offre à la lecture sans pouvoir s’imposer. Se tenir en plein cœur de l’évangile, c’est dépasser le catholicisme pour rejoindre par en bas le premier niveau de la religiosité humaine, celle d’aimer l’autre et de vouloir s’y relier. Le christianisme donc ne doit pas se positionner comme s’il était le vis-à-vis religieux incontournable du monde actuel28. Il serait par ailleurs souhaitable, voire nécessaire, qu’il participe activement au débat planétaire qui deviendra bientôt indispensable entre les diverses traditions religieuses qui traversent les continents. Ceci est important, car, pour parvenir à une réalisation complète, le grand Corps/Humanité a besoin d’échange, de discernement, d’enrichissement réciproque pour saisir Dieu/e dans le monde, appréhender le transcendant dans l’immanent et constater que le salut de tous est impliqué dans le salut d’une seule personne de quelque culture, âge, sexe ou religion qu’elle soit.
Le temps est maintenant venu de redonner la parole à Michel. À défaut de pouvoir conclure cette audacieuse entreprise de revisitation du grand mémorial chrétien, je terminerai ce chapitre en exprimant mon désir d’aller à la rencontre des jeunes générations qui, je l’espère profondément, trouveront leurs façons à elles de se remémorer l’extraordinaire force issue d’un soir de repas où une vie nous a été donnée à continuer. Déjà, il me semble reconnaître chez un très grand nombre de jeunes la conviction qu’il existe une transcendance sociale dans l’expérience de la grande solidarité mondiale qui est en train d’advenir. L’expérience de Dieu dans la communauté humaine et l’expérience de Dieu dans la relation intime compose les deux faces du « aimer son prochain comme soi-même ». Plus même, aimer la nature, la défendre, la protéger participe de la même foi en la vie qui circule envers et contre tout essai de la contrer. Selon un vieil adage cité par Moltmann :
Dieu dort dans la pierre
Il rêve dans les fleurs
Il se réveille dans l’animal
Il prend conscience en l’homme.
Entrer dans la vie de Dieu, c’est « élargir la conscience individuelle en conscience sociale, la conscience humaine en conscience écologique et la conscience terrestre en conscience cosmique »[29]. Les jeunes générations sauront faire cela.
Voilà. Cette conception de l’eucharistie peut paraître osée, iconoclaste ou provocante. Loin de vouloir offenser qui que ce soit, je désirais seulement poser ma petite pierre à l’oeuvre de mon homme car je partage avec lui le désir de transmettre l’intelligence de cette foi qui me tient à coeur.
Ce texte est le chapitre 5 du livre de Michel Dansereau, Dieu à travers mes âges, Novalis 2012. Il est reproduit avec les permissions requises.
NOTES
[1] Je paraphrase librement ici une image utilisée par Danièle HERVIEU-LÉGER dans Chrétiens, tournez la page, Paris, Bayard, 2002, p. 83.
[2] Voir Christ, Paris, Desclée, 1990, p. 58.
[3] Cité par Élysabeth et Jürgen MOLTMANN dans Dieu, homme et femme, Montréal/Paris, Fides/Cerf, 1984, p 111.
[4] Voir La terre en devenir. Une nouvelle théologie de la libération, Paris, Albin Michel, 1993, p. 250
[5] Elle reste anonyme chez Marc et Matthieu. On apprendra chez Jean (12, 1-8) qu’il s’agit de Marie, la sœur de Lazare. À ce propos, la théologienne Élysabeth Schüssler Fiorenza consacra une étude monumentale qui constitue encore aujourd’hui une base importante de l’exégèse féministe. Il faut lire En mémoire d’elle. Essai de reconstruction des origines chrétiennes selon la théologie féministe, Paris, Cerf, 1986, 478 pp. Elle a bien sûr influencé ma propre réflexion.
[6] Nous sommes ici dans l’évangile de Jean. Celui-ci affirme que Marie-Madeleine est allée retrouver les douze et leur a dit « J’ai vu le Seigneur ». Elle a donc été la première à voir Jésus ressuscité. Luc et Corinthiens (15,3-6) racontent, pour leur part, que Jésus est d’abord apparu à Pierre. Il faut lire les récits apocryphes ultérieurs pour prendre connaissance du conflit qui a divisé deux groupes d’églises domestiques, celles rassemblées autour de Pierre et celles rassemblées autour de Marie-Madeleine. La grande tradition ecclésiale n’a évidemment retenu que le point de vue des récits qui proviennent de Luc et de Paul.
[7] Selon le beau titre du volume de Michel.
[8] Voir Michel CAZENAVE, La face féminine de Dieu, Paris, Noêsis, 1998, p. 64 et 68.
[9] Voir Dieu au-delà du masculin et du féminin. Celui/Celle qui est, Paris, Montréal, Cerf, Paulines, 1999, p. 130-135.
[10] James DUNN, cité par Élysabeth A. JOHNSON, p. 132.
[11] On trouvera les trois premières citations dans Virginia RAMEY MOLLENKOT, Dieu au féminin. Images féminines de Dieu dans la Bible, Montréal, Paulines, 1990, p. 22-112-119 et les deux dernières dans Michel CAZENAVE, La face féminine de Dieu, ouv. cité, p. 118-120-121.
[12] Voir Témoins d’une naissance. Vingt textes portant sur une autre manière de voir l’eucharistie et l’avenir de l’Église dont le titre seul évoque un réel désir de changement.
[13] Il n’est pas possible d’aborder cette discussion dans le cadre du présent travail mais, si on se fie à plusieurs écrits apocryphes, il pourrait être plausible d’envisager le fait que Jésus et Marie-Madeleine aient formé un couple. Dans l’Évangile de Philippe, trouvé dans les grottes de Nag Hamadi, on peut lire : « La compagne du Seigneur est Marie-Madeleine. Le Christ l’aimait davantage que tous les disciples et il avait coutume de l’embrasser sur la bouche ». Cependant, aucun indice ne permet de prévoir la possibilité d’un tel débat dans l’institution ecclésiale actuelle.
[14] Voir Jürgen MOLTMANN, Le Dieu crucifié, Paris, Cerf, 1974, p. 349-350
[15] Bernard FEILLET, L’errance, Paris, Desclée de Brouwer, 1997, p. 122
[16] Le récit du dernier repas de Jésus a été maintes fois raconté. Deux interprétations admirables parmi d’autres : Yvonne BERGERON, « Eucharistie et solidarité universelle », dans Présence, vol 17, no 129 (mars-avril), 2008, p. 17-21 et une conférence de Odette MAINVILLE, intitulée « L’eucharistie, mémorial du dernier repas de Jésus », publiée sur le site de Culture et Foi (2000-2001).
[17] Voir « D’une rive à l’autre » dans Chemin faisant, Montréal, Paulines/Médiaspaul, 1991, p.48.
[18] Miguel BENAZAYAG, La fragilité, Paris, La Découverte, 2007, p. 31.
[19] L’expression est du sociologue Michel Maffesoli.
[20] Citée par Jürgen MOLTMANN dans Dieu homme et femme, p. 78.
[21] Voir Frédéric LENOIR, Le Christ philosophe, Plon, Paris, 2007.
[22] Alors que la révolution a eu lieu en 1789, BELLET note que la Fraternité ne fut ajoutée que quelque 40 ans plus tard, soit en 1848. Voir Christ, ouv. cité, p. 95
[23] Voir l’article de Joseph MOINGT dans La plus belle histoire de Dieu, Paris, Seuil, 1997, p. 119.
[24] En théologie, il faut distinguer inculturation et aculturation. L’inculturation désigne le processus qui reçoit la Révélation à l’intérieur d’une culture donnée et l’exprime à travers les éléments propres à cette culture. L’aculturation propose que ce rapport entre la foi et la culture soit une rencontre de réciprocité où les deux pôles se questionnent et s’enrichissent mutuellement.
[25] Expression employée par Céline BEAULIEU, Yvonne BERGERON et Denise BRUNELLE dans un article intitulé « Prendre la sortie » dans Témoins d’une naissance, déjà cité, p. 34-35.
[26] L’ekklèsia est un concept d’abord civil et politique. Il évoque l’assemblée des citoyens qui se réunissaient pour décider librement de leurs propres affaires. À ce sujet, voir En mémoire d’elle, déjà cité, pp. 467-478.
[27] Théologienne brésilienne amie, impliquée avec les plus pauvres de son pays. Elle a employé cette expression lors d’une conférence donnée à Montréal à l’occasion d’une de ses nombreuses visites au Québec.
[28] Malheureusement, il est facile de percevoir que telle semble être la prétention des autorités romaines actuelles. Voir notamment la dernière encyclique du pape Benoît XVI intitulée Caritas in veritate. Sur le développement humain intégral dans la charité et dans la vérité, Ottawa, éditions de la CECC, 2009.
[29] Jürgen MOLTMANN, L’Esprit donne la vie, Paris, Cerf, 1999, p. 311
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