Voici une nouvelle chronique qui fait connaître les paroles, les gestes et les événements qui témoignent de la mise en œuvre de la volonté du pape François de recourir aux compétences des femmes en divers domaines. Il suffit de relever, par exemple, la nomination, le 26 juillet 2014, de cinq théologiennes à la Commission théologique internationale qui en comptait deux jusqu’alors. Élisabeth Lacelle rend compte de la nouvelle tout en déplorant le fait que sur les 30 membres, on ne compte que sept femmes seulement.
On est loin de la parité quasi atteinte à la Commission pontificale pour la protection des mineurs qui compte 17 membres : huit femmes et neuf hommes en provenance de tous les continents et de toutes disciplines (psychologie, psychiatrie, droit, pédagogie, recherche sociale, etc.), commission mise en place le 22 mars 2014 par le pape François pour lutter contre les abus sexuels dans l’Église.
Il faut saluer, si petits soient-ils, les pas faits dans la bonne direction en vue de reconnaître sans réserve que chrétiennes et chrétiens sont des partenaires de la Mission, des vis-à-vis dans l’égale dignité humaine et baptismale. À ce chapitre, l’engagement ecclésial des femmes a été mis à rude épreuve au cours des dernières décennies. « Un tournant historique » est-il en train d’émerger? Trop tôt pour l’affirmer; relever par contre les initiatives prises dans ce sens, au fur et à mesure qu’elles surviennent, permettra d’identifier celles qui se présentent comme une véritable avancée.
I- Mise au parfum des dernières nouvelles « Femmes et Vatican »
Nominations, tenue de colloques, événements particuliers, publications, récompenses, autant de lieux qui reconnaissent la contribution des femmes, et souvent font « la nouvelle » dans les milieux concernés. Pourtant, « la nouvelle » mériterait d’être connue par un plus grand nombre de personnes afin qu’elles soient « mises au parfum » de ce qui se passe dans l’Église. Sans prétention, cette chronique s’attellera à cette tâche à un rythme irrégulier cependant….. en attente de la nouvelle à venir.
AU FIL DES ÉVÉNEMENTS
Pour ne pas tenir pour acquise l’idée que les événements survenus au cours des derniers mois sont connus, il apparaît opportun de les rapporter dans ordre décroissant : des plus récents aux plus anciens.
8 mars 2015 : « Les Voix de la Foi » à l’intérieur des murs du Vatican
Pour une seconde année, la Journée internationale des femmes est soulignée par la tenue de la manifestation « Les Voix de la Foi » à l’intérieur des murs du Vatican, à la Casina Pio IV. L’événement, sous l’égide de la Fondation Fidel Götz et de l’organisme Caritas Internationalis, met en lumière la contribution apportée par des femmes au travail de l’Église catholique dans l’accompagnement des pauvres, la défense de la dignité humaine et la promotion de la parité.
Les oratrices de différents pays sont au nombre de 11 : avocate des droits de la personne, professeur d’université, chef d’entreprise, journaliste au Vatican, entre autres. Elles viennent relater l’histoire de leur parcours et de leur réussite dans les projets menés pour améliorer la condition des femmes en divers milieux de vie. Du même souffle, elles expriment leurs espoirs et leurs rêves pour les femmes. À cette occasion deux prix d’une valeur de 10 000 euros chacun seront remis à des femmes qui ont été « semeuses de développement » (nom du Prix décerné) en travaillant à éradiquer la faim dans leurs communautés.
Un « storytelling », probablement une façon novatrice de communiquer dans le monde vaticaniste, qui permet d’ouvrir sur des échanges riches en enseignements variés et porteurs d’idées inspirantes pour accélérer les changements dans la vie d’une légion de femmes dans le monde et dans l’Église. À noter que les « récits de femmes » ainsi que le témoignage d’un Jésuite sont transmis sur le site : http://www.voicesoffaith.org
Pour obtenir les renseignements sur les personnes et le déroulement du programme de la journée : http://www.voicesoffaith.org
4 au 7 février 2015 : « Femmes et cultures : égalité et différence », Conseil pontifical pour la culture
La tenue de l’assemblée plénière du Conseil pontifical pour la culture a retenu l’attention du monde médiatique en raison d’abord du thème choisi. Puis, à cause de la polémique suscitée autour de la vidéo et de la statue de Man Ray, photo-affiche de l’événement, qui fait dire à Soline Humbert que « Le choix du Vatican d’une telle représentation endosse un fantasme masculin du pouvoir sur les femmes », l’article est sur le site du réseau Femmes et Ministères ainsi que deux autres : « Que se passe-t-il à Rome au sujet des femmes? » par Anne Soupa, « Mais que pensent-ils donc au Vatican? » par Phylis Zagano.
Par contre, il faut relever le fait que le Conseil pontifical pour la culture a innové en choisissant de discuter des femmes dans la société et dans l’Église. Au programme, quatre sessions de travail, toutes animées par des femmes, pour décliner les thèmes suivant : « Égalité et différence : à la recherche d’un équilibre », « La générativité comme code symbolique », « Le corps féminin : entre culture et biologie », « Femmes et religion : fuite ou recherche de nouveaux modèles participatifs? ».
Quelques échos de l’événement se retrouvent dans Le Devoir du 9 février 2015 qui publie, en partie, l’article de Jean-Louis De La Vaissière (AFP à Cité du Vatican) intitulé « Les progrès se font toujours attendre pour les femmes ».
« Jamais des thèmes aussi sensibles que la commercialisation du corps féminin n’avaient été traités de cette manière dans une enceinte du Vatican » (AFP, 7 février). La compétence des femmes, spécialistes dans chacun des domaines abordés, et leur façon d’intervenir tout au long des débats expliquent, fort probablement, l’impression retenue!
22 novembre 2014: Prix Ratzinger remis à Anne-Marie Pelletier
Anne-Marie Pelletier, docteure en science des religions et enseignante au Collège des Bernardins, est la lauréate du prix Ratzinger 2014, parfois considéré comme le prix Nobel de théologie. Cette haute distinction, décernée pour la première fois à une femme, lui est remise officiellement le 22 novembre 2014 par le pape François.
Le jury a su reconnaître chez cette enseignante de lettres modernes et de linguistique, et qui est aujourd’hui une bibliste réputée, que ses « travaux universitaires ont su allier la rigueur scientifique au témoignage de foi ». Une reconnaissance qui déborde sa personne, avoue-t-elle, et qui « vient rejoindre tant de femmes qui, dans l’Église, travaillent de toutes sortes de manières à attester l’Évangile du Christ par le service de la charité, le souci pastoral de la foi communiquée et transmise, l’exercice de l’intelligence ».
Aussi s’étonner avec la récipiendaire du prix Ratzinger, que « la sous-représentation des femmes dans l’Église ne provoque pas plus d’étonnement chez les hommes » ne fait que rendre plus pressant l’appel du pape François pour « une présence féminine plus incisive » (7 février 2015).
17 et 19 novembre 2014 : Colloque interreligieux et international sur la complémentarité de l’homme et de la femme
Des universitaires et des leaders religieux issus des quatre coins du monde ont répondu à l’invitation de l’instance organisatrice, la Congrégation pour la Doctrine de la foi, de venir évoquer différents aspects de cette complémentarité sexuelle et rappeler ainsi la beauté de l’union naturelle entre l’homme et la femme dans le mariage. Un colloque dont de rares échos ont été entendus. La raison tient peut-être au fait que cette rencontre fût au fond une célébration de deux textes romains : La dignité et la vocation de la femme (Mulieris dignatem 1988) du pape Jean-Paul et Lettre aux évêques de l’Église catholique sur la collaboration de l’homme et de la femme dans l’Église et dans le monde (2004) du cardinal Ratzinger.
Deux écrits qui reprennent des vues traditionnelles du Magistère sur la compréhension de la relation femme-homme. Selon Lucetta Scaraffia, éditorialiste de l’Osservatore Romano, est ressortie de cette rencontre, une Église campée sur ses positions. Une occasion manquée « d’une véritable discussion sur les causes de cette rupture avec le monde, d’une ouverture à la voix et à la pensée des femmes – totalement absentes de la discussion – afin de mieux comprendre, de trouver un langage et des arguments nouveaux et audibles pour le monde » (« Sur la complémentarité hommes-femmes, l’Église se célèbre elle-même »).
À l’issue de l’assemblée plénière du Conseil pontifical pour la culture, le 7 février, le pape François a évoqué non pas la notion de « complémentarité entre l’homme et la femme », mais plutôt leur « réciprocité dans l’équivalence et dans la différence ». Ne vient-il pas ainsi de désigner le paradigme à adopter pour renouveler le discours anthropologique ecclésial? Le penser ne peut que plaire! Une avancée, sans toutefois se départir d’une vigilance pour la suite des choses!
À la prochaine chronique!
NOTE
Si vous utilisez une version papier de cette chronique, voici la liste des liens présents cachés sous la couleur bleu. Ils sont indiqués dans l’ordre respectif de leur apparition dans le texte.
http://femmes-ministeres.lautreparole.org/?p=2568
http://www.voicesoffaith.org/
http://femmes-ministeres.lautreparole.org/?p=2715#more-2715
http://femmes-ministeres.lautreparole.org/?p=2685
http://femmes-ministeres.lautreparole.org/?p=2614
http://www.ledevoir.com/societe/ethique-et-religion/431283/eglise-catholique-les-progres-se-font-toujours-attendre-pour-les-femmes
http://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Anne-Marie-Pelletier-la-passion-des-textes-2014-07-03-1173915
http://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/apost_letters/1988/documents/hf_jp-ii_apl_19880815_mulieris-dignitatem.html
http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_20040731_collaboration_fr.html
http://www.lavie.fr/actualite/billets/sur-la-complementarite-hommes-femmes-l-eglise-se-celebre-elle-meme-20-11-2014-58021_288.php
http://www.zenit.org/fr/articles/plus-d-espace-et-de-responsabilites-pour-les-femmes-dans-l-eglise
Très bon article, Micheline! Merci de signaler les ouvertures qui se dessinent au Vatican, même s’il y a encore beaucoup de chemin à faire pour que les femmes soient réellement entendues et prises en compte dans toutes les décisions qui les concernent!
J’en étais venue à ne plus y croire, mais voilà que l’espoir pointe à nouveau son bourgeon têtu! Il faut donc continuer dans cette percée et tenter de l’élargir avec toute la théologie des femmes que nous avons déjà écrite ensemble!
Dans cet espoir et avec mes cordiales salutations..
Pour différentes raisons, je viens tout juste d’entreprendre la lecture de Femmes et ministères.
Votre article, Micheline, fait du bien au peu d’espérance que j’ai déjà exprimé… Très avancée sur l’autre versant de la montagne de ma vie, comme religieuse en sus, il me reste peu de temps pour me réjouir d’une presque égalité pour celles qui forment la moitié du monde (cf. Chanson de Jacqueline Lemay en 1975).
De son âge avancé, ce cher François ne verra pas non plus cette lumière surgissant de ces efforts…
Merci pour ces parcelles d’espoir qui tombent une à une de la table vaticaniste.