Le torse nu , amputée, d’une femme avec des seins nus, le ventre et le pubis attachés avec une corde
La Vénus restaurée (1936) est l’œuvre de l’artiste, Man Ray (1890-1976). Le site mentionne que « Tout en prenant note de la colère exprimée, le cardinal Ravasi a choisi de ne pas supprimer l’image puisqu’elle évoque clairement l’un des points centraux du document, à savoir que de nombreuses femmes, hélas, continuent à lutter pour la liberté (lien avec la corde), leurs voix et leur intelligence souvent non entendues (sans tête), leurs actions méconnues (sans membres). »
Comment une représentation d’une femme attachée, sans tête, tronquée, nue, a-t-elle acquis récemment une place de choix sur le site d’un Vatican uniquement constitué d’hommes?
Le Conseil pontifical pour la culture est une section de la curie romaine chargée de la relation de l’Église catholique avec les différentes cultures. Il est dirigé par le cardinal Ravasi et est constitué de 31 membres, en majorité des clercs et quelques laïcs, « hommes cultivés ». Il n’y a pas une seule « femme cultivée ».
Il y a également des consultants internationaux, des experts pour conseiller le Conseil. Il y avait 17 hommes et 5 femmes parmi les consultants lorsque François y a nommé 10 autres hommes et 2 femmes en 2014, réduisant encore la faible proportion de femmes.
Le Conseil tient habituellement son assemblée plénière à Rome et le thème cette année était « Femmes et cultures : égalité et différence ». Après une journée d’ouverture, publique, les principales réunions, qui se sont tenues entre le 4 et le 7 février, ont été réservées aux membres et aux consultants.
En prévision de la rencontre, un document de discussion a été rendu public et affiché sur le site Web du Conseil pontifical de la culture.
Pour introduire ce document sur les femmes et les cultures, le Conseil a choisi de l’illustrer par une image très percutante. L’image est une représentation de face de la Vénus restaurée, un plâtre d’un torse nu féminin amputé avec les seins nus, le ventre et la région pubienne solidement attachés avec une corde. Il n’y a aucune tête/visage, pas de bras et pas de jambes. La Vénus restaurée (1936) est l’œuvre d’un artiste masculin, Man Ray (1890-1976). Comme d’autres artistes masculins liés aux mouvements Dada et surréalistes, Man Ray faisait des femmes des objets et les considérait comme des subordonnées : il y avait un lien étroit entre la réussite artistique et les prouesses sexuelles, en particulier concernant le pouvoir sur les femmes.
Désir masculin
Comme objets du désir masculin, les femmes étaient les sujets de fantasmes sexuels violents. La violence domestique était également considérée comme un moyen légitime de contrôler les partenaires féminines. Man Ray était un partisan du marquis de Sade et il y a une tendance sadique récurrente dans son oeuvre de même que dans ses relations avec les femmes, caractérisées par la domination et l’agression.
Selon ce qu’il a déclaré, Man Ray aurait, alors qu’il était adolescent, agressé sexuellement une fillette de 10 ans et, plus tard, agressé brutalement son ex-épouse.
Comment, pourquoi et par qui a été choisi cette image troublante? On ne retrouve aucune référence dans le document.
À la défense de ce choix
Micol Forti, directrice de la collection d’art contemporain dans les musées du Vatican et l’une des quelques rares femmes consultantes, a d’abord défendu le choix de l’image lorsqu’elle a été interrogée : elle représente le passé comme un « point d’ancrage susceptible de générer de nouvelles idées ».
Et même si ce n’est pas parfait pour articuler pleinement l’objectif de l’assemblée, « il ne s’agit pas d’un corps sans tête ou sans bras, mais d’une réflexion sur la tradition classique et la possibilité de retrouver un rôle dans la vie contemporaine ».
Une autre explication est finalement apparue sur le site Web du Conseil: « Certaines plaintes ont atteint le dicastère concernant l’image ci-dessus.
Tout en prenant note de la colère exprimée, le cardinal Ravasi a choisi de ne pas supprimer l’image puisqu’elle évoque clairement l’un des points centraux du document, à savoir que de nombreuses femmes, hélas, continuent à lutter pour la liberté (lien avec la corde), leurs voix et leur intelligence souvent non entendues (sans tête), leurs actions méconnues (sans membres). »
Fait-il allusion à l’exclusion des femmes de la gouvernance de l’Église et des ministères ordonnés?
Et le fait qu’aucune femme n’aura droit de vote au synode sur la famille en octobre prochain, comme en octobre dernier?
Je ne me vois pas, de même que d’autres femmes, à travers les yeux d’un homme et certainement pas à travers les yeux de Man Ray. Je me vois comme magnifiquement faite à l’image de Dieu, entière et libre.
Je ne crois pas que cette image soit un symbole approprié pour nous représenter, nous les femmes, avec notre souffrance et l’oppression vécue dans l’Église (et à l’extérieur), ce dont j’ai une expérience personnelle.
Cette image ne libère pas, mais soutient et perpétue ce qu’elle représente : un fantasme masculin de pouvoir sur les femmes. C’est non représentatif des femmes tout comme Prayer [Prière], une autre œuvre de Man Ray, ne l’est pas de la prière.
C’est une perversion de l’Évangile que cette image de femme attachée sans tête et sans membre pour représenter les femmes alors que toutes les images de femmes présidant l’Eucharistie qui ont été envoyées par des femmes ont été censurées sur l’affichage lors de la journée publique.
Il est maintenant temps pour l’Église de se rappeler qu’une femme peut, en vérité, dire : « Ceci est mon corps. »
Dublin (Irlande)
Le17 février 2015
Traduction : Pauline Jacob
Texte publié en anglais dans le Irish Times
La traduction est reproduite avec l’autorisation de l’auteure.
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Pleinement d’accord pour cette dénonciation de l’œuvre utilisée sans égard à ce qu’elle susciterait chez la plupart des femmes. Et sans autre explication que la justification qu’en fit après coup le cardinal Ravasi. Comment a-t-il pu se servir de cette œuvre dont l’auteur traîne une si lamentable réputation? Quelle ouverture « culturelle » si soudainement affichée par le responsable de ce dossier. Je n’ose imaginer qu’elle lui serve de méditation libératrice du rôle asservi des femmes dans notre Église.
Domination du patriarcat, il est temps que cela change !