Extrait 3, p. 203 à 221 de Voix de femmes, voies de passage
par Lise Baroni, Yvonne Bergeron,
Pierrette Daviau et Micheline Laguë
Loin de nous la prétention de vouloir traiter ex professo du concept de réception. II s’agit plutôt ici de livrer quelques réflexions susceptibles de faire percevoir à quelle profondeur se situe la réalité ecclésiologique de la réception4 . Et d’abord un mot sur la redécouverte de ce thème en ecclésiologie.
La redécouverte du concept
Le thème de la réception présent dans plusieurs disciplines (l’histoire littéraire, la sociologie et le droit, entre autres) est revenu avec force dans la littérature théologique récente5 . Pratiquement occulté de la réflexion, le concept ancien de la réception refait surface durant les années 70. Deux situations ecclésiales contemporaines expliquent sa soudaine émergence : la tenue du Second Concile du Vatican (1962-1965) et l’avancée de l’oecuménisme dans l’Église6 . Aussi parler de la redécouverte du concept plutôt que de sa nouveauté s’avère-t-il beaucoup plus exact7 . Cela est d’ailleurs confirmé par le fait que l’on puisse évoquer son histoire dans la tradition théologico-canonique.
Dès les premiers siècles, le concept de réception désigne le processus par lequel les différentes communautés ecclésiales accueillent, grâce à l’envoi de lettres synodales, les décisions d’un synode local ou régional. La réception implique donc le procédé d’échanges entre les Églises, lequel exprime éloquemment leur souci d’ecclésialité. Car une Église particulière n’est authentiquement Église qu’en communion avec les autres Églises locales. Puis, avec l’avènement des conciles oecuméniques au IVe siècle, le terme sert davantage à décrire le processus par lequel l’autorité s’assure, après de longues et parfois pénibles discussions, de la réception des décisions d’un concile par un autre, et ensuite de la réception des décisions conciliaires par le peuple de Dieu8 . Dans ce contexte, et durant tout le premier millénaire de l’ère chrétienne, le sens technique du mot réception vise surtout «l’exercice de l’autorité en matière de doctrine de foi, surtout quand il s’agit d’accueillir des expressions nouvelles de la tradition9 ».
Toutefois, c’est dans le domaine du droit canonique que l’on fera un usage plus large de ce concept. La doctrine au sujet de la réception du droit a sa première formulation claire dans le Décret de Gratien (1140). Si des lois sont instituées lors de leur promulgation, leur confirmation dépend de leur approbation par les membres du peuple de Dieu qui les mettent en pratique. On le voit, une sorte d’autorité extrinsèque, celle du peuple, est reconnue à côté de l’autorité intrinsèque détenue par les législateurs. Pour être efficace, la législation doit composer avec la réalité de la réception. En faire l’économie équivaudrait à risquer l’échec. Dans une telle optique, la non-réception apparaît comme «un signe éventuel d’inadéquation de la loi10 ». L’importance reconnue à l’autorité du peuple expliquerait-elle la disparition, dès la fin du XVIIe siècle, de la réception dans la discussion canonique? Toujours est-il que la réception réapparaît dans le nouveau Code de Droit canonique à la suite de son utilisation par le Concile Vatican II, mais c’est au seul profit de la fonction du Pape qu’elle est officiellement retenue. La Constitution sur l’Église Lumen gentium affirme «qu’il ne peut y avoir de concile oecuménique qui comme tel ne soit confirmé ou au moins reçu par le Successeur de Pierre» (no 22). De même, le pape peut appeler les évêques à exercer une action collégiale et ainsi recevoir librement l’action conjointe des évêques. Le nouveau Code passe sous silence la question d’un concile oecuménique et ne retient que l’action collégiale «librement reçue» par le Pape (can. 341, § 2).
Pourtant, la même Constitution ouvre sur une perspective plus large la réalité de la réception et ce, à l’avantage de l’ensemble du peuple de Dieu :
II s’agit du n°12 qui traite du sensus fidei et des charismes de l’ensemble du peuple de Dieu. Rappelons-en le passage central «L’universalité des fidèles qui ont l’onction du Saint-Esprit ne peut faillir dans l’acte de croire; ce don particulier qu’elle possède, elle le manifeste par le moyen du sens surnaturel de la foi qui est celui du peuple tout entier, lorsque “des évêques jusqu’aux derniers des fidèles laïcs”, elle apporte aux vérités concernant la foi et les moeurs un consentement universel11 .»
D’autres textes conciliaires viendront d’ailleurs renforcer la perspective d’un peuple de Dieu sujet de la réception. Perspective même de l’ecclésiologie de communion qui sera reprise comme constitutive de la théologie actuelle de la réception. Quant au Code de Droit canonique, il ne semble aucunement retenir le concept de réception par l’ensemble du peuple de Dieu. Même «les mots “sensus fidei” qui sont à la racine de la réception ne se trouvent nulle part dans ce même code. Sur ce point donc le Code de 1983 n’a pas “reçu” Vatican II12». Affirmation lourde de conséquences, il va sans dire. Heureusement la théologie actuelle, poursuivant la réflexion, met spécialement en lumière le rôle actif des chrétiens et des chrétiennes dans le processus de la réception. De plus, elle s’enrichit de la contribution novatrice qui découle des dialogues oecuméniques.
En effet, depuis quelques années, le terme réception est devenu le mot-clé de l’oecuménisme contemporain, un mot «sacré», écrit Thomas Ryan13 . La publication d’accords survenus entre diverses commissions oecuméniques14 soulève l’importante question de leur réception par les différentes confessions chrétiennes. En plus du problème d’autorité que sous-tendent ces accords et dont on n’a pas à traiter ici se trouve posé celui de la méthodologie.
Ainsi, la pratique oecuménique oblige à penser autrement le processus de la réception. Si autrefois celle-ci exprimait l’unité ecclésiale, aujourd’hui le processus met en présence des partenaires de traditions différentes en quête précisément de cette unité. S’impose alors la nécessité d’inventer une méthodologie. Car, pressées par le souci impérieux de garder intacte la foi apostolique reçue, les Églises interrogent leurs interprétations de la Tradition. Dans ce contexte, on parle d’«une méthode de légitimation» qui est aussi «une méthode de confrontation15 ». Nous le voyons, l’interpellation réciproque des Églises au moyen de cette méthode devient chemin de conversion. Chaque Église est invitée à revoir ses interprétations en référence à l’Évangile et à relativiser certaines de ses traditions, lesquelles sont plus redevables au contexte historique qui les a suscitées qu’au message évangélique lui-même. Enfin, il faut encore souligner que la résurgence du concept de réception va de pair avec la redécouverte de 1’ecclésiologie de communion. Pourrait-il en être autrement puisque l’Évangile se retrouve au coeur de ces deux phénomènes interreliés? Le premier conditionne le second : la communion en Église passe par la réception de 1’Evangile du Christ. Cette affirmation nous conduit d’emblée au prochain développement.
Théologie actuelle de la réception
Vivre en cohérence avec l’Évangile reçu, telle est bien la logique qui sous-tend l’ecclésiologie de communion, laquelle cherche à rendre compte de l’accueil de la Parole de Dieu dans la vie de la communauté croyante. Nous pouvons déjà entrevoir que la réception comme concept ecclésial renvoie à une réalité complexe que nous présenterons sous trois angles : elle est un fait constitutif de communion, un processus et l’acte-d’un-peuple. Voilà ce que les pratiques des femmes nous ont aussi donné de vérifier.
La réception: un fait constitutif de communion
La réception décrit autant le phénomène de la naissance de l’Église que sa consolidation à travers le temps et l’espace. En effet, de la réception de l’enseignement et de la pratique de Jésus est née la communauté des disciples du Christ. Mais si l’Église vient du Galiléen, elle est aussi née de l’événement pascal, c’est-à-dire de l’accueil de l’Esprit du Christ glorifié. Et on ne peut parler réellement d’Église qu’à partir de ce moment où la communauté réunie se voit aussi mandatée pour annoncer le Règne du Christ et, à travers cette proclamation, poursuivre l’annonce du Règne de Dieu inauguré par Jésus au coeur de son action libératrice (Luc 4, 18; Matthieu 25, 31-46)16 . Ainsi ce qui préside à la naissance de l’Église et la maintient dans l’être, ce n’est pas l’application d’une doctrine, mais une structure de tradition et de réception: «C’est sous cette forme de relation qu’est constituée l’Église17 .»
Or, par la catégorie de l’appel notamment, nous voyons comment les femmes engagées en Église illustrent concrètement le processus de la réception. Nous l’avons abondamment souligné, c’est Jésus le Christ et son Esprit qu’elles reçoivent à nouveau aujourd’hui. Cette re-réception, pour reprendre une expression employée dans le milieu oecuménique, se vérifie de façon existentielle dans leur souci de la mission ecclésiale et de son accomplissement authentique. N’est-ce pas d’ailleurs ce primat de la mission qui ressort des pratiques pastorales des femmes? Et parce que la réception décrit l’«être et la mission de l’Église», elle est un fait de communion.
Pour comprendre cette affirmation, il faut remonter à la source de la communion: la mission reçue de l’Esprit. Le mot communion, comme nous l’avons déjà rappelé, ne vient pas d’abord des termes cum (avec) et unio (union), mais bien de cum et munus (tâche). La communion signifie en premier lieu: prendre part à la tâche. Ce sens du mot rejoint la signification du terme grec koinônia: action d’avoir en commun, de participer. Que l’union des coeurs s’ensuive, rien de plus normal, de plus désirable! Mais cette union des coeurs ne précède pas la tâche, elle en exprime une conséquence. Force est de constater que c’est la tâche, donc la mission, qui met ensemble des personnes et fonde ainsi la communion. Le fait d’avoir accueilli la Bonne Nouvelle du Ressuscité rend donc femmes et hommes partenaires d’une même tâche et les constitue en «communauté de réception», suivant l’expression de Michael J. Scanlon18 .
Ici encore, une autre catégorie, celle de l’interdépendance, vient illustrer l’affirmation précédente. Elle le fait en rendant compte de la réalité d’un NOUS ecclésial responsable d’une unique mission. Les femmes, avons-nous montré largement, comprennent que la communion ne peut s’accomplir que dans le processus des rapports d’interdépendance. Interdépendance inscrite dans l’être ecclésial lui-même et qui renvoie au partenariat comme une manière d’être et de vivre en Église. Voilà ce que les pratiques pastorales des femmes entendent à la fois traduire et revendiquer. Aussi pouvons-nous affirmer que le partenariat, loin d’être une concession à la mentalité contemporaine, trouve dans la mission son fondement théologico-ecclésiologique. L’ecclésiologie du partenariat est l’ecclésiologie de communion. Et seule une ecclésiologie de communion de type missionnaire peut respecter en tous points l’égalité des chrétiens et des chrétiennes. Car les ecclésiologies de communion de types eucharistique et trinitaire, commandées par une vision hiérarchique de l’Église, ne peuvent le prétendre. Pour cette raison, entre autres, l’ecclésiologie de communion de type missionnaire a de l’avenir. Plus encore, elle est celle de l’avenir. D’où l’urgence de la faire advenir.19
La réception: un processus
Fait constitutif de communion, la réception n’a rien d’une réalité statique. Elle est un processus continuel qui touche la Tradition, les rapports Monde/Église et, ultimement, elle devient un processus de conversion.
Nous l’avons vu, la réception implique non seulement l’accueil de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, mais aussi sa transmission tout au long de l’histoire. Et c’est à cette source que l’Église puise sa notion de Tradition. Aussi souscrivons-nous au point de vue de la théologienne américaine, Letty Russell, qui soutient que «la Tradition est la Mission20 ». Tradition qui désigne essentiellement l’accueil continu de l’événement Jésus ressuscité dans l’histoire. En d’autres termes, la Tradition n’est-elle pas «ce mouvement incessant de transmission de l’Évangile à travers les âges, par lequel l’Église ne cesse de recevoir et de donner21 »? Et parce qu’un processus se vit toujours au présent, il n’y a pas de transmission fixée sur un passé: la Tradition est fondamentalement vivante. En conséquence, elle exige une réinterprétation tout au long de l’histoire, l’interprétation de la foi n’étant jamais achevée. Sous l’action de l’Esprit qui conduit l’Église vers la vérité (Jean 16, 13), la Tradition ouvre sans cesse un espace de nouveauté et de créativité.
Sur cet horizon de la Tradition s’insèrent des traditions particulières, c’est-à-dire des pratiques concrètes, circonstanciées selon les époques, que le magistère établit en référence à la Tradition vivante et pour mieux réaliser la mission historique de l’Eglise. Ces traditions peuvent et doivent être modifiées, et même disparaître au nom d’une plus grande fidélité à l’Évangile Qu’on se souvienne, par exemple, de Paul qui rejetait l’obligation d’observer les prescriptions rituelles juives pour les non-Juifs. Pierre, de son côté, voulait les maintenir comme une condition d’entrée dans la communauté chrétienne. Jésus lui-même ne les avait-il pas observées? Devant la gravité de la question, la communauté de Jérusalem fut convoquée et donna raison à Paul (cf. Actes 15, 28). Qu’on se souvienne également, plus près de nous, de la suppression, par les autorités ecclésiales, de la loi de l’abstinence du vendredi. On le voit, c’est dans une fidélité créatrice à sa mission et dans une recherche de vérité plus totale22 que 1’Église est constamment appelée à réinterpréter ses traditions. L’innovation est donc inhérente à la vitalité de 1’Eglise. N’est-ce pas d’ailleurs la logique de la loi de l’incarnation ?
N’est-ce pas également pour entrer dans cette logique que les femmes interviewées font état des défis posés par la rencontre entre la culture contemporaine et l’Évangile? La catégorie de l’acculturation montre concrètement que les femmes mettent en corrélation l’expérience chrétienne fondamentale présentée dans le Nouveau Testament et l’expérience vécue par les humains d’aujourd’hui. Elles réalisent aussi, parfois douloureusement, l’inadéquation de certaines traditions : disciplines, lois, structures… Rien d’étonnant alors que l’urgence d’une réinterprétation ressorte avec autant de force non seulement dans leurs discours mais aussi de leurs pratiques. Ne pas recevoir leur interpellation, c’est risquer de trahir la mission, qui consiste à «transmettre la réalité vivante de la Parole divine, destinée à des hommes [et à des femmes] de contextes historiques différents23 ». Telle est ultimement la portée de la réalité de la réception dans l’Église. Ces affirmations nous conduisent directement à la question suivante: qui est sujet de la réception?
La réception: acte-d’un-peuple
Nous avons affirmé que la réception est un fait constitutif de communion. Et, parce que les femmes et les hommes qui accueillent l’Évangile sont mis ensemble pour une même mission, il faut en conclure que tout le Peuple de Dieu, animé d’un même Esprit, est sujet de la réception24 . Cela implique qu’il ait une part active dans l’interprétation de la Parole de Dieu, laquelle, comme l’a rappelé Vatican II, est confiée avant tout à l’Église tout entière, à la catholica, comme Corps du Seigneur, comme Peuple de Dieu à travers le temps et l’espace25. Cela implique aussi qu’il soit tout autant actif dans la mise en oeuvre des décisions conciliaires et des enseignements du magistère ordinaire. La même réalité peut d’ailleurs jouer dans les cas d’une non-réception, rendant ainsi inopérantes les lois formulées. La théologie actuelle de la réception, nous le voyons, insiste davantage sur la part active prise par les laïques dans l’interprétation de ce qui leur est proposé. Ce faisant, elle rompt avec une compréhension qui réduisait la réception à une attitude plutôt passive des baptisés: obéir aux directives des autorités.
Or, parties prenantes du Peuple de Dieu, les femmes sont de droit et de fait des sujets à part entière. Dans l’Église, «c’est par le baptême qu’on obtient la personnalité juridique26 ». Rien ne justifie que les femmes soient considérées comme un cas d’espèce ainsi que le sous-tend «la théologie de la femme27 » préconisée par les autorités ecclésiales. Le vécu ecclésial des femmes s’avère porteur de signification pour toute l’Église. Aussi doivent-elles être entendues afin que le service de la Parole soit mieux accompli. Afin également que soient tirées les conséquences des déclarations conciliaires sur la vocation baptismale comme source de toutes les vocations, sur l’égalité, la dignité, la sainteté et la mission. Ces dernières affirmations, en exprimant déjà les interpellations qui montent du vécu des femmes engagées en Église, nous obligent à pousser plus loin la réflexion en établissant le bien-fondé du droit de ces chrétiennes à être entendues.
LE FONCTIONNEMENT INVERSÉ DE LA RÉCEPTION:
LE DÉFI DE LA CONFRONTATION
L’accueil réservé présentement dans l’Église à la notion de réception indique que l’on assiste à de profonds changements dans la manière de comprendre 1’Eglise comme communion28 . Sans prétendre que les femmes sont au fait des théories portant sur la réception, nous constatons qu’elles vivent au quotidien la réalité visée par le concept. Leurs engagements découlent de l’Évangile reçu. Tout est là! Toujours revenir à la Parole de Dieu, la réentendre, la réactualiser, la dire autrement. Voilà ce que les travailleuses en Église affirment sur tous les tons. Femmes de Tradition, elles interpellent les autorités ecclésiales car, entre les exigences évangéliques et leurs réalisations dans le temps, entre le contenu des discours officiels et les pratiques concrètes de l’institution, un large écart existe toujours. Faut-il alors s’étonner que les pratiques des femmes questionnent certaines interprétations de la Tradition? L’interpellation prendra toute sa place dans la communauté ecclésiale si on l’accepte comme un acte légitime de l’autorité reconnue aux chrétiens et aux chrétiennes. Qu’est-ce que cela suppose?
Le fondement de l’autorité du peuple chrétien
La structure pyramidale de l’Église romaine masque une donnée importante du vivre-ensemble ecclésial, à savoir: «le peuple catholique est le sujet actif et autorisé de la foi exprimée29 ». En effet, aussi bien chez ses responsables que chez les autres membres de l’Église, perdure l’idée que seul le clergé, notamment les évêques en communion avec le pape, est habilité à interpréter les données de la foi. Pourtant, la légitimité d’une autorité des croyantes et des croyants en cette matière est bien fondée. Reconnaître une part active aux fidèles dans l’interprétation de la Tradition découle de la réception du baptême, qui est le sacrement du don de l’Esprit et de l’incorporation à 1’Eglise. D’où l’affirmation que le peuple a une autorité d’enseignement. Cette autorité exprime une harmonique du «sens de la foi»(sensus fidei), lequel s’entend comme «une capacité de percevoir la vérité de la foi et de discerner son contraire30 ». II s’agit
[d’] un libre charisme appartenant à tous les membres de l’Église, charisme d’accord intérieur avec l’objet de la foi, en vertu duquel l’Église dans sa totalité, qui s’exprime dans le consensus de la foi, connaît l’objet de foi et le confesse dans le concret de la vie, en consonance constante avec le magistère ecclésial31 .
Cette sorte de jugement instinctif concernant le contenu de la foi, qui pourtant n’est pas un instinct mais bien un mode particulier de connaissance32 , appartient à toute personne qui croit à la révélation de Dieu.
Cet ensemble d’affirmations globales et valables pour toute la communauté croyante ne dénie pas cependant l’existence de fonctions particulières dans l’Église. Fonctions ministérielles diversifiées dont l’objectif consiste à accompagner le peuple de Dieu dans sa manière de comprendre et de vivre l‘Évangile. Trouve ici sa place et sa raison d’être, par exemple, la fonction magistérielle de l’Eglise assumée par le pape et les évêques33 . Celle-ci toutefois ne doit jamais s’exercer comme un monopole: elle doit, au contraire, toujours composer avec le «sens des fidèles» (sensus fidelium). Ce « sens » relève de «l’expérience de l’Évangile dont il représente comme le commentaire par la vie34 ». Ne l’oublions pas, ce qui est fondamentalement normatif dans l’Église, ce n’est pas l’autorité magistérielle, mais le dépôt confié35 , c’est-à-dire l’Évangile :
le fondement tant de la vie revêtue d’autorité de la communauté croyante que de l’autorité ministérielle qui s’y exerce est la Seigneurie de Jésus Christ qui gouverne l’Église par son Pneuma, qui est le Pneuma de Dieu36 .
C’est dire que tout pouvoir-autorité s’inscrit dans la visée même de l’action de Jésus: la libération intégrale de l’être humain. Resitué dans la perspective néo-testamentaire, le pouvoir-autorité se conçoit d’abord et avant tout comme un «service de la vie». Nous rejoignons en cela ce que les femmes expriment quand elles parlent de ministères.
Or, parce que n’existe pas ce rapport d’interdépendance entre l’autorité du magistère et l’autorité du peuple dans l’Église, certaines décisions prises par les dirigeants apparaissent souvent déconnectées des réalités concrètes vécues par les femmes et les hommes. De ce fait, des malaises surgissent, des voix s’élèvent, des protestations se multiplient, des résistances s’accentuent jusqu’à en arriver à la non-réception, c’est-à-dire au refus de faire sien un enseignement venu d’en haut. En ces diverses manifestations, les dirigeants des communautés chrétiennes se voient interpellés au nom même de l’Évangile reçu. N’est-ce pas d’ailleurs dans ce sens que les travailleuses demandent à être entendues? Ce faisant, elles exercent un droit rattaché au processus même de la réception — processus dont la dimension bidirectionnelle doit être soulignée.
La bidirectionnalité du processus de la réception37
La réalité même de la réception dans l’Église, rappelons-le, engage de par sa nature tous les membres de l’Église, laïques et clercs, à se mettre à l’écoute des uns et des autres afin de garder vivante la Parole du Ressuscité. La communauté chrétienne représentant le lieu de la présence de l’Esprit de vérité, le magistère se doit de saisir «ce que croient et professent les fidèles38 ». Le processus de la réception comporte, en effet, une «bidirectionnalité»: l’échange du bien à recevoir emprunte une voie à double sens. En clair cela signifie que le processus de réception joue dans les deux sens ; laïques↔pasteurs. C’est ainsi que :
sensus fidelium et magistère hiérarchique sont en consonance, en écoute mutuelle, dans le respect des compétences réciproques, chacun étant à sa façon normatif pour l’autre. C’est là la forme fondamentale de communion39 .
Cette «forme fondamentale de communion», faut-il s’empresser de dire, reste encore à venir puisque l’écoute caractérise presque exclusivement l’attitude des laïques. L’incapacité des autorités ecclésiales à simplement entendre l’expérience chrétienne des fidèles demeure, malheureusement, un constat trop répandu pour le taire ici. A trop vouloir insister sur le fait que «tout le corps ecclésial agit suivant la structure hiérarchique sacramentelle donnée par le Seigneur40 », les autorités laissent dans l’ombre l’obligation qu’elles ont de se montrer attentives aux désirs des fidèles41 . Non seulement elles entretiennent sous une forme tautologique le rapport qui les lie au reste de l’Église, «les fidèles attestent ce qui leur a été enseigné par leurs pasteurs42 », mais elles laissent entendre que le processus de la réception fonctionne suivant une seule direction : de haut en bas.
En somme, la réception est comprise et expliquée selon l’ecclésiologie adoptée, en l’occurrence une ecclésiologie de peuple hiérarchisé43 : c’est la communauté croyante qui reçoit de ses autorités les enseignements. Quant à l’ecclésiologie de communion entrevue dans ces pages, elle équilibre cette vision du processus de la réception en montrant que «le bien à recevoir» vient aussi «de la base». Se trouve ici inclus le mouvement ascendant: de bas en haut.
On le pressent, ce n’est qu’en sauvegardant la bidirectionnalité du processus de la réception que le passage d’une Église hiérarchique à une Communauté de disciples égaux pourra s’effectuer. Alors le mouvement réciproque de la réception fonctionnerait non plus sur le mode vertical, mais bien sur le mode horizontal. Déjà, par leurs pratiques, les femmes se sont mises à la tâche pour modeler autrement la vie de l’Église, mais elles se heurtent continuellement à des résistances qui retardent la réalisation du vivre ensemble communionnel. Voilà pourquoi, au nom même d’une «autorité d’interpellation» propre au processus de la réception, elles réclament que leurs pratiques pastorales soient reçues comme l’expression d’un vécu ecclésial accordé aux exigences évangéliques, un vécu qui soit signe du Royaume dans le monde d’aujourd’hui.
L’autorité d’interpellation et l’exigence de la conversion
Parler maintenant d’autorité d’interpellation44 , c’est désigner le pouvoir que possède la communauté croyante de questionner l’autorité institutionnelle en l’occurrence. Ce pouvoir découle de l’autorité d’enseignement du peuple et en l’exerçant, la communauté s’acquitte d’un rôle de vigilance, de gardienne, qui lui est imparti en tant que sujet du témoignage porté à l’Évangile. Le pouvoir de l’autorité d’interpellationn’a donc pas à se réclamer de l’«autorité d’opinion publique», pratiquée dans les démocraties, pour exercer la fonction de régulation45 , il lui vient de l’Évangile reçu et de la responsabilité de garder vivante la Tradition. II n’en demeure pas moins cependant que l’expression de «l’opinion publique» compte parmi les droits des fidèles. Les chrétiennes et les chrétiens,
selon le devoir, la compétence et le prestige dont ils jouissent, ont le droit et même parfois le devoir de donner aux Pasteurs sacrés leur opinion sur ce qui touche le bien de l’Église et de la faire connaître aux autres fidèles, restant sauves l’intégrité de la foi et des moeurs et la révérence due aux pasteurs, et en tenant compte de l’utilité commune et de la dignité des personnes (can. 212, § 3).
En dépit de l’énonciation « précautionneuse » de ce canon à l’égard de l’exercice d’un tel droit, «l’opinion publique» appartient bel et bien à une dynamique de communication nécessaire pour la réalisation d’un dialogue fécond au sein de l’Église. D’ailleurs le Pape Jean-Paul II reconnaît que «la vérité est indissolublement liée à la liberté d’expression, et qu’elle est le facteur principal du progrès dans tous les domaines de la vie humaine…46 ». Malheureusement, à l’intérieur de l’Église, le silence imposé aux voix dissidentes en dit long sur ce beau principe recommandable pour les institutions civiles, mais dont l’application connaît des entorses dans l’institution ecclésiale même. C’est là une autre illustration de l’écart entre un enseignement officiel et sa mise en pratique. Un autre paradoxe dénoncé maintes fois par les travailleuses en Église.
C’est au nom de ce droit reconnu à la communauté ecclésiale que les femmes engagées en pastorale brisent un silence trop longtemps gardé pour interpeller les dirigeants de l’Église. En questionnant une théologie de l’appel, les travailleuses en Église demandent aux représentants de cette institution de respecter le fait «prioritaire et même décisif» de l’action de Dieu qui prend l’initiative d’appeler qui II veut et, par là même, de bannir de l’Église la discrimination exercée à l’égard des femmes. En dénonçant le primat accordé à certaines pratiques et disciplines ecclésiales au détriment des personnes et des communautés chrétiennes, les croyantes engagées incitent les autorités ecclésiales à réviser le maintien de certaines traditions, à changer des lois et des structures inadéquates afin de promouvoir despratiques acculturées inhérentes à la «réception» de la Bonne Nouvelle du Royaume. Finalement, en questionnant la structure pyramidale et masculine de l’Église, les femmes réclament de ses dirigeants qu’ils fassent en sorte que l’institution ecclésiale reflète la réalité de l’interdépendance pour faire advenir dans les faits la communauté des disciples égaux du Christ.
Voilà les interpellations qui demandent à être «reçues» par les dirigeants de l’Église. Si l’autorité et le pouvoir reconnus aux baptisés découlent de la réception de l’Évangile, il s’ensuit que le droit d’interpeller apparaît comme une forme d’expression de cette autorité, de ce pouvoir. Les femmes entendent exercer ce droit47 . C’est alors que nous voyons le processus de la réception fonctionner dans le sens inverse : de bas en haut. De bas en haut, faut-il continuer de dire, puisque la structure hiérarchique demeure bien implantée dans 1’Église.
Il n’y a pas là une utilisation indue du processus de la réception, mais sa mise en application intégrale. Loin de porter un préjudice à la compréhension de la réception, cette manière de s’exprimer, au contraire, fait ressortir son aspect bidirectionnel. Parler de fonctionnement inversé montre que la réception ne se restreint pas au mouvement descendant, des autorités vers les laïques, mais qu’elle inclut également le mouvement ascendant, des laïques vers les autorités.
Il s’ensuit que l’exercice de l’«autorité d’interpellation» comporte une inévitable confrontation, laquelle consiste à comparer des disciplines, des pratiques, des lois ecclésiales toujours en vigueur, avec l’esprit du message évangélique. De ce point de vue, la confrontation occasionnée par les pratiques des femmes est loin d’être négative, elle conduit plutôt à une plus grande fidélité à la Tradition. Nous l’avons déjà dit, il existe trop souvent une confusion entre des traditions et la Tradition; la confrontation oblige ainsi à mettre au clair ce qui appartient à des pratiques ecclésiales «canonisées» et ce qui relève véritablement de la foi au Ressuscité. La confrontation met sur la voie de la conversion: ne pas s’enfermer dans une certitude qui refuse la remise en question, mais au contraire s’ouvrir aux changements nécessaires au renouvellement de l’Église. C’est à cette condition que la Tradition demeure vivante, elle qui invite a une continuelle «re-réception» de la Bonne Nouvelle du Royaume sous l’action de l’Esprit. N’est-ce pas la le sens et la portée des interpellations qui surgissent des pratiques pastorales des femmes ? Chose certaine, c’est ce que veulent, à leur tour, faire entendre et illustrer les enjeux formulés dans le chapitre suivant.
NOTES
4 Cf. Y. CONGAR « La “réception” comme réalité ecclésiologique », dans Revue des Sciences philosophique et théologique, 56, 1972, p.363-403.
5 G. ROUTHIER donne plus de deux cents titres d’ouvrages, livres et articles dans la bibliographie de son livre La réception d’un concile, Paris, Les Éditions du Cerf, p.243-261. Le concept de réception qui concerne d’abord la sociologie de la culture est aussi considéré comme un concept majeur par les historiens du droit en Allemagne. De même, dans ce pays, l’école de Constance compte parmi ses théoriciens de l’histoire littéraire Hans Robert JAUSS reconnu pour ses travaux portant sur l’esthétique de la réception. Une traduction française livre l’essentiel de ses études sur cette question, Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, 1990. D’ailleurs G. ROUTHIER reconnaît que la théologie gagnerait à fréquenter cette école littéraire, laquelle pourrait l’aider à mieux définir les mécanismes de la réception dans la communauté ecclésiale (cf. p. 235-236). Un article récent d’Ormond RUSH vient illustrer cette possible contribution dans la manière de comprendre le développement du dogme, « Réception Hermeneutics and the “Development” of Doctrine », dans Pacifica, 6, 1993, P. 125-140.
6 Dans le contexte de l’oecuménisme, la réémergence de l’idée de réception comme concept de base apparaît lors des consultations (Oxford en Angleterre, Badgastein en Autriche) sur les conciles de l’Église primitive et lors des recherches provoquées par Foi et Constitution dans les années 1965-1966. L’idée aurait percé officiellement lors de la réunion de la commission Foi et Constitution à Louvain en 1971, cf. Jean-Marie R TILLARD, Église d’Églises, Paris, Cerf, 1987, p. 156, note 106.
7 G. ROUTHIER rapporte des opinions qui font la preuve d’une ignorance au sujet de l’usage du concept dans le passé «La “réception” au sens théologique et ecclésiologique est « un concept extrêmement jeune», déclare Hermann Fischer; ou encore Johannes Bauer: «Le terme “réception” est aussi nouveau que le processus qu’il décrit est ancien», La réception d’un concile, op cit.., p. 16.
8 Cf. Ulrich KUHN, «Reception: An Imperative and Opportunity », dans Ecumenical Perspectives on Baptism, Eucharist and Ministry. Édité par Max THURIAN, (coll. «World Council Churches Studies», 116), Genève, World Council Churches, 1983, p. 166-167. C’est une histoire complexe que celle de la réception des conciles. «La foi de Nicée n’a été « reçue » et totalement qu’après 56 ans de démêlés ponctuels de synodes, d’excommunications, d’exils, d’interventions et de violences impériales. […] Le concile de Constantinople de 381 a marqué la fin des querelles», Y. CONGAR, «La « réception » comme réalité ecclésiologique», loc. cit., p.372.
9 Ion BRIA, « La “réception” des résultats des dialogues », dans Les dialogues oecuméniques hier et aujourd’hui, (coll. « Études théologiques », 5), Chambéry-Genève, Éditions du Centre orthodoxe du Patriarcat oecuménique, 1985, p. 289.
10 La non-réception représente alors un aspect positif puisqu’elle ne signifie pas en soi une opposition à l’autorité intrinsèque comme le fait remarquer Geoffrey King dans son article « Réception, consensus et droit ecclésiastique», dans Concilium, 243, 1992, p. 50. Faut-il préciser que la validité ne dépend pas totalement du consensus ou de la volonté du peuple, par contre sans ce consensus une loi n’a pas à être gardée. Ce principe est même reconnu dans le Droit canonique romain, cf. Anton HOUTEPEN, « Réception, Tradition, Communion », dans Ecumenical Perspectives on Baptism, Eucharist and Ministry, op. cit., p. 145. Il existe des exemples contemporains de non réception : la Constitution apostolique de JEAN XXIII Veterum sapientia (1962) pour le développement de l’étude du latin; l’Encyclique de PAUL VI Humanae vitae (1968) sur les moyens artificiels de contraception; plus près de nous, la directive contenue dans le Motu proprio Ministrae quaedam (1972) interdisant aux femmes d’être préposées à l’autel lors de célébrations eucharistiques. A l’occasion de la visite du Pape Jean-Paul II au Canada, le monde entier a pu constater, grâce aux images télévisées, la non-réception de cette directive par l’Église canadienne.
11 Emmanuel LANNE, « La notion ecclésiologique de réception », dans Revue théologique de Louvain, 25, 1994, p. 35 [30-45.
12 Ibid., p. 36
13 Th. RYAN, «Démystifier ce nouveau mot sacré: réception », dans Œcuménisme, 72, 1983, p. 28.
14 A cet égard, le texte de Lima, Le Baptême, l’Eucharistie et le Ministère — désigné le plus souvent par les lettres BEM— de la COMMISSION FOI ET CONSTITUTION du Conseil oecuménique des Églises, apparaît comme une belle réussite au point de dire qu’il « se présente lui-même comme le moment actuel de la foi apostolique, communément reçue et proclamée », comme le reconnaît Th. RYAN, « Démystifier ce nouveau mot sacré réception», loc. cit., p. 31.
15 Cf. I. BRIA, « La “réception” des résultats des dialogues », op. cit., p. 287-288. L’auteur soutient qu’il faut créer une méthodologie théologique de convergences qui cherche à exprimer la foi commune de l’Église une et catholique, p. 291.
16 Y. BERGERON synthétise très bien les recherches sur la double origine de l’Église dans Partenaires en Église, Montréal, Éditions Paulines, 1991, p. 44-49.
17 La réception d’un concile, op. cit., p. 210.
18 Michael J. SCANLON, «Catholicism and Living Tradition: The Church as a Community of Reception », dans Patrick.J.Hewell et Gary Chamberlin (ed.), Empowering Authority. The charism of Episcopacy and Primacy in the Churchh today, Kansas City Sheed and Ward, 1990, p. 1-16.
19 Voir Yvonne BERGERON, Micheline LAGUË, «Partenariat intégral: l’à-venir d’une réalité », dans Femmes et Hommes en Église. Partenaires autrement, Colloque oecuménique international 1991, Livre des communications, Paris, 1992, p. 32-41.
20 L’auteure continue et précise sa pensée : «L’origine de la tradition remonte à l’action missionnaire de Dieu envoyant le Christ. L’objet de cette action est le Christ 1ui-même. Le moyen par lequel tous participent à la tradition consiste pour chacun à recevoir et accueillir le Christ », Letty RUSSELL, Théologie féministe de la libération, Paris, Cerf, 1976, p. 91-92.
21 Bernard SESBOÜÉ, « Tradition et traditions », dans Nouvelle Revue Théologique, 112, 1990, p. 574.
22 Cf. B. SESBOÜÉ, «Tradition et traditions », loc. cit., p. 583.
23 Jean-Marie AUBERT, L’exil féminin, Paris, Cerf, 1988, p. 231.
24 Cf. Hermann J. POTFMEYER, «Vers une nouvelle phase de réception de Vatican II. Vingt ans d’herméneutique du Concile », dans La réception de Vatican II, édité par Giuseppe ALBERIGO et Jean-Pierre JOSSUA, Paris, Cerf, 1985, p. 46. William G. RUSH écrit : «All stages of reception involve the who baptised people of God with their sense of faith (sensus fidelium), the “sense of the faithful believers” », « Reception. An Ecumenical Opportunity », dans Lutherian World Federation Report, 22, 1988, p. 60.
25 Cf. La Constitution dogmatique La Révélation divine, Dei verbum, n° 10. D’ailleurs G. ROUTHIER reconnaît que la théologie gagnerait à fréquenter cette école littéraire, laquelle pourrait l’aider à mieux définir les mécanismes de la réception dans la communauté ecclésiale (cf. p. 235-236). Un article récent d’Ormond RUSH vient illustrer cette possible contribution dans la manière de comprendre le développement du dogme, « Réception Hermeneutics and the “Development” of Doctrine », dans Pacifica, 6, 1993, p. 125-140.
26 Joseph RATZINGER, «Démocratisation de l’Église?», dans Joseph RATZINGER et Hans MAIER, Démocratisation de l’Église. Possibilités, limites, risques, Paris/Montréal, Apostolat des Éditions/Éditions Paulines, 1971, p. 44.
27 L’élaboration d’une « théologie de la femme » par des théologiens commence avec les années 50. Une théologie discourant sur la nature de la femme se concentre sur un point précis : la femme est faite pour être mère. C’est là sa dignité, sa vocation, sa mission. Il nous semble que le courant «spiritualiste» qui traverse actuellement les écrits de certaines femmes prend le relais de cette théologie. Au nom d’une anthropologie différentielle, fondée toutefois sur la reconnaissance d’une unique nature humaine, la féminité est exaltée au point d’«affirmer que la femme, dans sa relation à Dieu spécialement, est établie dans un rapport de supériorité vis-à-vis de l’homme». Faut-il alors se surprendre que l’auteure de cette citation, Janine HOURCADE, ait intitulé le chapitre 3 de son volume: «Le sexe féminin, le sexe religieux», dans Pourquoi la femme?, Paris, Desclée, 1992, p. 57-74. La citation se retrouve à la p.58. Dans le cas présent, l’expression «dérive de la féminité» employée par Suzanne TUNC s’applique très bien. Cf. Féminité et ministère, Paris, Femmes et Hommes en Église, 1994.
28 Cf. Michael J. HIMES, «The ecclesiological significance of the reception of doctrine», dans Heytrop Journal, 23, 1992, p.156.
29 Christian DUQUOC, «Le peuple de Dieu, sujet actif de la foi dans l’Église , dans Concilium, 200, 1985, p. 95.
30 Salvador PIÉ-NIN0T, «Sens de la foi», dans René LATOURELLE et Rino Fisichella (dir.), Dictionnaire de théologie fondamentale, Montréal/Paris, Bellarmin/Cerf, 1992, p. 1248. L’expression «sens de la foi» a été forgée par la scolastique du XIIIe siècle.
31 Définition de W. Beinert et citée par Herbert VORGRIMLER, «Du “sensus fidei” au “consensus fidelium”», dans Concilium, 200, 1985, p. 14.
32 Point de vue de M. Seckler repris par Henrich Fries dans son article «Existe-t-il un magistère des fidèles?», dans Concilium, 200, 1985, p. 107.
33 Il va sans dire que, pour nous, le fait de reconnaître le bien-fondé du magistère n’implique aucunement que cette autorité pastorale officielle doive prendre la forme pyramidale. L’ecclésiologie de communion telle qu’entrevue dans ces pages a déjà montré comment la réalité du « partenariat» donnerait de concevoir autrement la structure de l’Église.
34 Jean-Marie R. TILLARD, «Théologie et vie ecclésiale», dans Initiation à la pratique de la théologie. Introduction, t. 1, Paris, Cerf, 1982, p.163. La notion de «sensus fidelium» apparaît chez les théologiens de la moitié du XVIe siècle comme «fruit d’une étude de la critériologie doctrinale», S. PIÉ-NINOT, «Sens de la foi», op. cit., p. 1248.
35 Cf. 1 Timothée 6, 20; 2 Timothée 1, 14.
36 Edward SCHILLEBEECKX, L’histoire des hommes, récit de Dieu, Paris, Cerf, 1992, p. 326.
37 G. ROUTHIER remarque que l’aspect de la bidirectionnalité de la réception est peu étudié, cf. La réception d’un concile, op. cit., p. 230-233, voir aussi p.123, note 156.
38 S. PIÉ-NIN0T, «Sens de la foi», op. cit., p. 1248.
39 J.-M. R. TILLARD, Église d’Églises, op.cit., p. 145.
40 Card. Johannes WILLEBRANDS, «The Ecumenical Dialogue and its Reception», dans One in Christ, 21, 1985, p. 222.
41 Cf. La Constitution dogmatique sur l’Église, n° 37.
42 H. FRIES, «Existe-t-il un magistère des fidèles?», loc. cit., p. 112. L’auteur- caractérise ainsi une tendance de la théologie de l’école romaine au XIXe siècle.
43 La Constitution dogmatique sur l’Église parle de l’Église comme étant «une société organisée hiérarchiquement», n° 8.
44 L’expression est utilisée par J.-M. R. TILLARD dans le cadre d’une réflexion sur l’autorité reconnue aux commissions d’experts appelées à soumettre des accords survenus entre partenaires de dialogues oecuméniques. «L’autorité en question n’a donc pas le poids d’un “magistère”. Ses vues ne peuvent qu’interpeller chaque groupe en lui demandant de s’interroger devant l’Évangile et sa propre tradition. Il s’agit d’une autorité d’interpellation, non de décision», Église d’Églises, op. cit., p. 158.
45 «L’autorité reconnue à l’opinion publique dans les démocraties s’inscrit sur l’horizon d’un consensus: la volonté de vivre ensemble, volonté qui postule qu’aucun groupe n’impose sa loi particulière. Ce vouloir vivre ensemble implique la tolérance, l’opinion publique joue en ce sens un rôle de régulation», C. DUQUOC, «Le peuple de Dieu, sujet actif de la foi dans l’Église», loc. cit., p. 100.
46 Propos tenus en février 1986 devant un millier de journalistes, cité par Jan KERKHOFS, «Le Peuple de Dieu est-il infaillible? L’importance du sensum fidelium dans l’Église postconciliaire», dans Freiburger Zeitschrift für Philosophie und Theologie, 35, 1988, p. 15.
47 Cf. E. Schüssler FIORENZA, «Revendiquer notre autorité et notre pouvoir. L’ecclésia des femmes et le patriarcat ecclésiastique», Concilium, 200, 1985, p. 61-71.
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