Portrait d’une religieuse engagée qui interpelle ceux et celles qui croisent sa route
« Quand on entre en vie religieuse, on se donne au Seigneur pour toute la mission. Mais la mission est immense, et on n’a jamais fini d’ouvrir et d’ouvrir ».
En quelques mots, Manette Milot vient de résumer son parcours de vie; vie qu’elle a donnée aux autres dans le plus grand don de soi. « J’ai attrapé le mal de l’autre, s’amuse-t-elle à dire, et je ne veux pas en guérir! »
Dans sa prière d’enfant, Sr Milot demandait d’être religieuse. Puis un jour, l’appel est venu. Elle était pourtant presque engagée.Des projets de mariage avaient même été élaborés, sauf que l’appel la tiraillait. « Je n’étais pas capable de me décider face au mariage », raconte-t-elle. Un simple essai chez les Sœurs de l’Assomption lui a cependant très vite confirmé sa place comme religieuse.
Déjà enseignante, Sr Milot devrait dès lors emprunter un chemin tout tracé d’avance : professeure dans les écoles du Québec. Mais les plans de Dieu sont insondables, et voilà qu’interpellée par des soeurs missionnaires au Brésil, Mariette allait très vite demander de partir pour la mission lointaine.
Onze ans de sa vie ont ainsi été investis auprès des communautés de base brésiliennes avec lesquelles Sr Mariette a travaillé. « Je n’ai pas été missionnaire au Brésil toute ma vie, mais j’ai toujours continué à être en lien, à créer des ponts de toutes sortes ».
Investie d’une mission nouvelle
Puis vint un jour où la mission s’est déplacée. Sr Mariette fut nommée au sein du conseil général de sa communauté. Deux termes de cinq ans se sont alors succédés après quoi il était écrit dans le ciel que sans hésitation, elle retournerait au Brésil.
Voilà cependant qu’à la fin de son mandat, Sr Milot se voit investie d’une vocation nouvelle. L’évêque brésilien Helder Câmara reconnaît l’excellence du travail des missionnaires canadiens dans le pays; mais il leur dit : « Si les choses ne changent pas au Nord, la misère au Sud perdurera. Vous devez y travailler. »
Bien capable de prendre la parole et de nommer les choses telles qu’elles sont, Mariette est alors encouragée par ses soeurs du Brésil à aller faire de la conscientisation au Canada. Durant cinq ans, Sr Milot voyagera d’un océan à l’autre dans le but de conscientiser les Canadiens aux réalités du Sud. Dans les écoles et les paroisses où oeuvrent des Soeurs de l’Assomption, elle se présente avec le même discours : « Nous sommes responsables de la pauvreté dans le Sud, mais nous pouvons aussi faire changer les choses ». Elle affirme d’ailleurs encore aujourd’hui, avec une foi et une espérance inébranlables, qu’on peut, oui, changer le monde rien qu’en posant de petits gestes.
Nouvelle mission auprès des femmes
Le dossier majeur sur lequel Sr Mariette travaille depuis quelques années maintenant pourrait difficilement, je pense, être mené sans cette même certitude qu’ensemble, on peut faire bouger les choses. Dans la foulée de ses engagements auprès des femmes du monde, Sr Milot fait maintenant partie du comité d’action contre la traite humaine interne et internationale qu’on appelle le CATHII Celui-ci a été mis sur pied par des religieuses et des laïques afin de lutter contre la traite humaine. « Les femmes sont vendues, achetées, revendues, maltraitées et souvent tuées, informe-t-elle. Ce n’est pas rien : il y a deux millions de femmes chaque année qui sont trafiquées partout dans le monde ».
Pour Sr Mariette, la cause des femmes aura d’ailleurs toujours été sa préoccupation. « J’ai toujours eu beaucoup d’appels de ce côté-là parce que je suis femme et féministe (…). On est la moitié de l’humanité, déclare-t-elle. On a droit d’avoir chacune notre place. »
Or, comme petit train va loin, au même titre que peut s’élargir à l’infini la mission sur le monde, Mariette passe donc du CATHII à UNANIMA international dont elle est également membre et représentante des Soeurs de l’Assomption. L’organisme a ses bureaux à New York et réalise des actions auprès de l’ONU (organisation des Nations Unies). Il regroupe à ce jour 18 communautés religieuses présentes dans près de 80 pays du monde. UNANIMA international lutte contre la traite des femmes et des enfants, mais il porte également comme dossiers l’environnement et l’immigration. Bref, si Sainte-Monique de Nicolet a vu naître Mariette Milot en 1934, aujourd’hui c’est New York qui l’accueille deux fois par an.
Force est d’ailleurs d’admettre que depuis la petite école de rang jusqu’au siège de l’ONU, rares sont les femmes, encore moins les religieuses, qui ont un pareil parcours. Peut-être parce qu’on les avait davantage vues et connues dans les écoles et les hôpitaux. Peut-être aussi parce que l’Église de Rome ne leur a jamais vraiment donné leur vraie place. Bien qu’il en soit, pour Sr Milot le retrait des religieuses des écoles et hôpitaux n’aura pas été catastrophique. « Ça nous a juste ouvert les yeux sur le fait qu’il y a bien d’autres choses à faire! »
Quand la mission prend de nouveaux visages
Pour dire vrai, si l’actualité regorge toujours tellement d’événements de toutes sortes, connaître les nouvelles du monde sera pour Mariette Milot aussi important que sa messe du matin. « Pour une religieuse, c’est important d’être ouverte à ce qui se passe dans le monde afin de pouvoir faire ce que Jésus faisait. Il se tenait parmi le monde, il allait dans des endroits qui déplaisaient aux Pharisiens, il s’approchait des pécheurs, se tenait là où est le vrai monde, avec les gens qui souffrent. C’est là, complète Sr Milot, « que tu vois ce que tu pourrais faire ».
J’admire cette femme pour qui être fière et heureuse de sa vie implique, sans contredit, « un engagement pour les autres ». Véritable source d’inspiration autant chez les croyants que les incroyants, Mariette Milot en aura inspiré, en fait, plus d’un dans sa vie.
C’est ce qui est arrivé à Nicole Campeau dont l’idée est un jour venue de faire un documentaire sur le parcours sans précédent de Sr Milot. Je vous salue Mariette appelle, de fait, à la réflexion. À l’ouverture aussi.
Dans son langage bien à elle, Mariette se révèle sans pudeur. Jusqu’à maintenant, jamais n’avait-elle osé parler ouvertement d’un appel à la prêtrise, reçu alors qu’elle avait 10 ans. « Sauf qu’à l’âge où je suis rendue, cet appel a une portée encore plus grande parce que s’il tient encore après 65 ans, c’est qu’il y a quelque chose de sérieux là-dedans ».
Elle admettra aussi dans une simplicité bien à elle : « J’allais à l’église et je souffrais de ne pas aller servir la messe, de ne pas avoir le droit d’être accueillie à l’autel. Le sacerdoce c’est un sacrement. J’aurais pu être prêtre et religieuse! »
Aux yeux de Sr Milot, le sacerdoce, c’est aussi le don aux personnes, la remise au peuple de Dieu. C’est célébrer, avoir le droit d’être ministre du corps et du sang du Christ. C’est également la proximité des gens, la communauté et son animation. « Je trouvais que j’avais les qualités pour le faire (…) Les arguments théologiques qui prétendent que seuls les hommes y sont appelés ne tiennent plus », dénonce-t-elle.
Comme rien dans la vie n’est pur hasard, l’absence de prêtres dans les communautés brésiliennes aura permis à Sr Mariette de vivre sa vocation sacerdotale dans sa presque totalité. « Le Brésil m’a permis de ne pas en mourir, avoue-t-elle (…) Le mal de l’autre ne donne pas un bonheur sans douleur ».
Mais ce mal de l’autre dont souffre Mariette Milot demeure, je pense, la cause de cette joie profonde qui l’habite. Joie qui lui permet encore de dire : « Je fais ce que je peux pour les autres, et j’accueille ce que les autres font aussi pour moi! »
Je vous salut Mariette
Après un séjour de plusieurs années au Brésil, c’est maintenant au Québec que Soeur Mariette Milot mène ses luttes avec notamment différents groupes de solidarité qui se battent pour une justice sociale, une Église différente et la protection des droits des femmes. Mais à 76 ans, elle doit se rendre à l’évidence, son rêve de devenir prêtre ne se réalisera jamais. Elle reste toutefois dans cette Église car elle croit fermement que pour changer les choses il faut le faire à l’intérieur des structures en posant de petits gestes à répétition. À travers ce film, Pauline Voisard dresse le portrait d’une femme engagée.
Durée 33 minutes. www.videofemme.org
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Soeur Mariette a été ma titulaire de classe en 4ème année (1961) de l’école Christ-Roi rue Louvain à Montréal. J’ai toujours gardé dans mon album de première communion sa photo avant qu’elle quitte pour le Brésil. Je garde toujours un excellent souvenir de cette religieuse si dévouée et si douce. Lorsque par hasard, je regardais l’émission Second regard, sans savoir de qui il s’agissait, j’ai immédiatement reconnue soeur Mariette. Elle n’a tellement pas changée! J’ai d’ailleurs partagé ma joie de la revoir via la télé à mes amies d’enfance que j’ai toujours gardées. Bonne continuation dans votre oeuvre et que Dieu vous garde soeur Mariette.
Lyse Brassard