Madame Henriette Bouchard retraitée depuis peu comme agente de pastorale et répondante à la condition féminine au diocèse de Nicolet a dû tout au long de son engagement déployer force et courage pour valoriser la place de la femme dans l’Église de son diocèse. Elle a pu compter sur des alliés solides tant chez les prêtres, les laïques que chez les religieux et religieuses.
Au cours des 20 dernières années, Henriette Bouchard a grandement fait avancer la cause des femmes en Église par ses prises de parole et ses convictions profondes. Ce faisant, elle a bousculé les mentalités tant dans le monde ecclésial que laïc parce qu’à priori, sa mission était audacieuse. Effectivement, travailler à faire exister les femmes en Église est né d’un appel du Seigneur pour lequel l’orientation voulait « rendre visible la réalité du monde de Dieu où il n’y a ni hommes ni femmes, ni juifs ni esclaves » (Gal 3,26-28). Parce qu’au-delà des rôles masculins et féminins, reposent des charismes et des talents propres et qu’à partir de ceux-ci peut se vivre, en Église, un partenariat hommes/femmes riche de complémentarité. C’est d’ailleurs avec ce regard de foi que, sans jamais minimiser l’importance de la place occupée par les hommes -prêtres ou laïques-, Henriette Bouchard a lutté pour laisser les femmes prendre la parole et ni plus ni moins les faire sortir de l’ombre
Henriette Bouchard, retraitée depuis peu de la vie ecclésiale à titre, notamment, d’agente de pastorale ainsi que de répondante à la condition des femmes au diocèse de Nicolet, demeure encore aujourd’hui convaincue que pour faire exister les femmes en Église, il faut d’abord les nommer. « Ce qui n’est pas nommé, précise-t-elle, n’existe pas ».
L’Ancien Testament, tout comme le Nouveau, regorge pourtant d’histoires de femmes qui ont joué des rôles importants dans la construction du projet de Dieu. Il semble néanmoins que, malgré leurs grands nombres, on les ait occultées. Le contexte patriarcal de l’époque peut, en grande partie, en expliquer la cause.
Dans la vie de Jésus, la présence des femmes comme disciples du Christ est aussi frappante. Assez pour que dans les évangiles, soulève Mme Bouchard, on les eut non seulement nommées à plusieurs reprises, mais également admises au sein des hommes. « Jésus reconnaissait tellement leur rôle que c’est d’abord à elles qu’il est apparu. Il a chargé ces femmes d’annoncer la Bonne Nouvelle aux disciples », confirme Mme Bouchard. Alors pourquoi aujourd’hui encore les femmes rencontrent-elles autant de résistance quand il s’agit d’être nommées et reconnues en Église? Le langage inclusif apporte peut-être une partie de la réponse.
Le langage inclusif
Ramenés dans leur contexte et leurs époques, alors que le système patriarcal dominait les sociétés, les textes de la Bible ont eu une très grande influence sur la place qu’ont toujours donnée les hommes aux femmes. Jésus a reconnu et aimé ces dernières. Le vocabulaire de l’Église commence à peine, cependant, à les faire exister. On peut simplement se référer à saint Paul qui, dans ses nombreuses lettres, s’adresse uniquement aux hommes.
Certes, en se rapportant aux mentalités du temps, on saisit qu’à priori les textes bibliques n’étaient effectivement adressés qu’à des groupes d’hommes. Par ailleurs, faut-il à présent travailler à ouvrir sur un langage qui, non seulement inclut les femmes, mais les fait aussi exister. D’autant plus qu’on sait qu’un texte sacré ne perd rien de sa valeur s’il s’adresse également aux femmes.
Cette importante bataille, Henriette Bouchard l’a menée à bout de bras avec des religieuses et différents groupes de femmes. C’est d’ailleurs grâce à elles si des formulations telles que frères et sœurs, fils et filles ou hommes et femmes résonnent aujourd’hui dans nos églises. Sauf « qu’il en reste encore à faire parce qu’admettons-le, le langage de la Bible est loin d’être inclusif », confirme Henriette.
Sans ses alliées, point d’avancées
Force et courage décrivent bien ce avec quoi Henriette a dû naviguer tout au long de sa mission. Sans eux, la traversée aurait été impossible. Impensables aussi auraient été ses avancées si l’agente de pastorale n’avait pas eu à ses côtés une équipe d’alliées inébranlables. « Mon cheminement a été celui-là : l’Esprit Saint m’a guidée à travers des gens qu’il a placés sur ma route. J’avais des alliées qui m’ont aidée à percer le mur des résistances ».
Parmi eux, des prêtres, des laïques, des religieux, des religieuses, des frères, des diacres, des agents et agentes de pastorale sans oublier des gens de la communauté. « Ce sont toutes ces personnes qui m’ont aidée et soutenue tout au long de ma mission », témoigne Henriette. Elle parle d’eux comme ayant été des « clins d’œil » de l’Esprit Saint par lesquels la route à suivre lui était indiquée.
D’ailleurs, de ces alliés solides et soutenants est né, dans la paroisse St-Jean-Baptiste de Nicolet, le projet d’un groupe d’homélistes. En formant celui-ci, composé de religieuses, de professionnels ainsi que d’hommes et de femmes mariés qu’elle a intégrés à son équipe pastorale, Mme Bouchard a voulu démontrer que la Parole de Dieu s’incarne dans des états de vie différents en passant par la diversité de son interprétation.
Sa vision fut d’ailleurs largement validée par la communauté qui, pendant et au terme du projet, fut plus que généreuse en appuis de toute sorte. « En aucun cas, stipule Henriette, les paroissiens n’ont minimisé la parole du prêtre. Au contraire, ce qu’ils ont apprécié, c’est la diversité ». Par ce projet qui a duré cinq ans, elle est ainsi venue prouver à tout baptisé que chacun et chacune peuvent lire la Parole de Dieu et se laisser interpeller par elle.
Des résistances aux changements venues de partout
Et voilà que l’audace de la mission a poussé son prophète à amener encore plus loin l’Église à s’ouvrir aux femmes. Non seulement Henriette – comme femme, mère et épouse – commenterait-elle la Parole de Dieu, mais elle la proclamerait aussi! Du jamais vu !
Visiblement, qu’une femme commente et proclame l’Évangile obligeait désormais le monde ecclésial à une ouverture d’esprit sans précédent. Non sans vagues, – avouons-le –, et sans remous, surtout que l’interdit aux femmes de prendre la parole en Église, voire aussi d’occuper le chœur, était encore très présent dans la mémoire collective.
Tout ceci nous amène à dire que dans le concret de la démarche, il a d’abord fallu, à la base, que la parole des femmes en Église soit accréditée par un homme en autorité (évêque, prêtre) afin qu’une pareille transition s’opère. « Quand je prêchais, explique Henriette, les prêtres avec qui je travaillais se faisaient demander si ce que je disais était vraiment théologique ».
Puis d’autres résistances se sont exprimées de diverses façons. Qu’on pense à la distribution de la communion. Il y a des personnes, qui pour éviter qu’une femme leur donne le Corps du Christ, vont changer d’allée pour le recevoir de la main d’un prêtre ou d’un homme laïc. Des préjugés du genre « elle veut prendre la place du prêtre » ou encore « on se fait sermonner par une femme » ont également été entendus dans l’entourage d’Henriette. Mais ce qui, au-delà de toutes ses embûches, demeure son plus grand regret, c’est de devoir admettre, bien humblement, que les résistances les plus fortes ont été rencontrées, non pas chez les hommes, mais bien du côté des femmes. Comme quoi, étonnamment encore, nul n’est prophète dans son pays.
Passer le flambeau
Et d’autres femmes, à la suite d’Henriette Bouchard, prendront la relève, interpellées par la mission qui se poursuit. Pour cette femme de foi, sa certitude est telle. Évidemment, pour celles qui viendront, autant que pour celle qui passe le flambeau, la route n’est pas tracée d’avance. Sauf que « le grand Meneur du projet de Dieu est toujours à l’œuvre, même dans un contexte qui nous dépasse », soutient Henriette.
Ce portrait d’une femme engagée en Église a été présenté dans le Revue Notre-Dame du Cap d’avril 2010. Il est reproduit avec la permission de la Revue.
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