Un portrait d’Élisabeth Garant
par Marco Veilleux
lors de la remise du Prix des Journées sociales du Québec 2011
Au nom du comité organisateur, c’est un grand honneur pour moi de vous présenter la récipiendaire du Prix des Journées sociales du Québec 2011 : madame Élisabeth Garant.
J’ai le privilège, Élisabeth, de te côtoyer depuis bientôt 10 ans. Je connais ta discréditation et ton absence totale de ce que saint Ignace appelait « la recherche de la vaine gloire »… Mais pour le bénéfice des gens ici présents, tu me permettras d’esquisser quelques traits marquants de ton parcours exceptionnel qui justifie largement l’hommage qui t’est rendu ce soir…
Même si elle vit depuis des années à Longueuil, Élisabeth est née dans la belle ville de Québec. C’est vers l’enseignement des mathématiques qu’elle oriente d’abord sa formation à l’Université Laval… Cela nous révèle déjà quelque chose de sa personnalité : Élisabeth est l’incarnation même de la logique, de la rigueur et du sens de l’organisation.
Mais d’autres passions l’éloigneront rapidement des mathématiques… Au début des années ’80, en jeune femme volontaire et bien déterminée – ce qu’elle est toujours! –, elle amorce une formation comme missionnaire laïque, avec l’objectif de se rendre en Haïti pour y effectuer un stage de coopération. En lien avec une communauté religieuse, elle s’installe dans le diocèse de Jérémie où elle enseigne à des élèves haïtiens. Elle découvre alors des mouvements sociaux qui organisent la résistance à la dictature de Duvalier. Elle voit aussi une Église diocésaine qui, à l’époque, et sous le leadership de Mgr Romélus, incarne une véritable force de transformation sociale et politique. C’est le début d’une longue histoire d’amour avec le peuple d’Haïti, histoire qui se perpétue jusqu’à aujourd’hui. C’est aussi la racine, chez Élisabeth, d’une passion pour une foi engagée en faveur de la justice sociale et de la solidarité internationale.
À son retour au Québec, en 1984, elle devient animatrice nationale de Jeunesse du monde, un organisme d’éducation qui a contribué à ouvrir tant de jeunes aux enjeux de justice et de solidarité internationale.
Puis, en 1988, c’est un grand départ! Dans le cadre d’un projet avec une équipe de la Société des Pères des missions étrangères, Élisabeth s’installe au Japon pour 6 ans. C’est là qu’elle donnera naissance à ses deux enfants. Elle y apprend d’abord le japonais – ce qui illustre bien son don pour les langues! Puis, elle participe à la fondation d’un Comité de solidarité avec les travailleuses et travailleurs étrangers dans les villes de Kawasaki et de Yokohama. Elle s’investit aussi dans l’accompagnement des jeunes mères et dans la création d’une maison pour femmes victimes de violence. Ces années au Japon plongeront Élisabeth dans une profonde expérience d’ouverture à la différence culturelle et religieuse. Elles deviendront la racine de sa passion pour le dialogue interreligieux, l’ouverture au pluralisme et à la diversité culturelle, la solidarité avec les personnes migrantes.
Ainsi, de retour au Québec au milieu des années ‘90, Élisabeth est la personne toute désignée pour succéder à sœur Thérèse Benguerel à la tête du secteur Vivre ensemble du Centre justice et foi – ce secteur consacré aux enjeux de l’immigration, de la protection des réfugiés et de la diversité religieuse et culturelle dans notre société. Élisabeth développera, comme responsable du secteur Vivre ensemble, une expertise reconnue et recherchée autant dans l’Église que dans le monde séculier. Elle fera rayonner le Centre justice et foi et deviendra un pilier de son équipe. Elle deviendra également responsable du Service pour les réfugiés et les migrants de la Province jésuite du Canada français et, à ce titre, représentera la Province au sein du réseau international des Jésuites.
Au cours de ces années, elle participera activement à différents groupes et instances de l’Église et de la société civile, dont :
• la Commission des affaires sociales de la Conférence des évêques catholiques du Canada – où elle contribuera, entre autres, à la rédaction d’une importante lettre pastorale de l’épiscopat sur l’accueil des immigrants et la protection des réfugiés;
• la Table de réflexion sur le fait religieux du ministère de l’Éducation du Québec;
• la Ligue des droits et libertés du Québec;
• la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes du Québec;
• le Conseil canadien des réfugiés;
• et j’en passe…
Après une année sabbatique où elle complète une maîtrise en service social, Élisabeth revient au Centre justice et foi et devient, en décembre 2007, directrice générale du Centre et de la revue Relations. C’est une première et un fait unique dans la Compagnie de Jésus à travers le monde : une femme devient directrice d’un centre jésuite d’analyse sociale! Élisabeth fait l’histoire!
Travailleuse infatigable, fine analyste de la question sociale, passionnée des droits humains, de la cause des femmes, et de la solidarité avec les plus vulnérables, Élisabeth a contribué aux débats sociaux et ecclésiaux par des prises de position courageuses dans les médias, ainsi qu’à travers la coordination ou la rédaction de nombreux mémoires sur les politiques d’immigration, la diversité culturelle et religieuse, la déconfessionnalisation du système scolaire.
En plus d’un grand nombre d’articles dans le bulletin Vivre ensemble ou dans la revue Relations, je souligne qu’elle vient aussi de publier un chapitre dans le livre « La religion sans confession » où elle défend de manière nuancée le bien-fondé du Cours d’étique et de culture religieuse.
C’est donc pour toutes ces raisons, et pour souligner tes nombreuses années d’engagement où tu as contribué à l’édification d’une société et d’une Église plus justes, plus accueillantes et plus solidaires, que t’es décerné, chère Élisabeth, le Prix des Journées sociales 2011. C’est vraiment une grande joie de remettre ce prix à une femme qui est un modèle d’inspiration et de leadership. Une femme qui est une figure marquante de l’engagement des laïcs en l’Église et de l’engagement des croyantes et des croyants dans la société. Une femme dans la ligne de Pedro Arrupe, de Simonne Monet-Chartrand, de Léa Roback, de Julien Harvey et de Guy Paiement…
Mesdames, Messieurs, applaudissons chaleureusement Élisabeth Garant!
Valleyfield, 4 juin 2011
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