Rita Beauchamp, rbc, première [et unique] femme vicaire épiscopale au Québec, membre du comité fondateur de Femmes et Ministères (1982), vient de nous quitter. Elle est décédée à Montréal, le 30 septembre 2016.
Qui est Rita Beauchamp? Qui était-elle pour chacun et chacune de nous?
En faisant une relecture, certainement incomplète, de l’itinéraire de Rita, un personnage des Évangiles s’est imposé à moi, c’est celui du disciple Nathanaël présenté dans l’Évangile de Jean, 1, 45-49.
Philippe dit : « nous avons rencontré le Messie ». Nathanaël répond : « peut-il venir de Nazareth quelque chose de bon? »
Jésus l’a vu sous le figuier: « voici vraiment un Israélite dans lequel il n’y a point de fraude ».
Nathanaël avoue finalement : « Rabbi, tu es le Fils de Dieu, le roi d’Israël ».
1. L’importance de faire la vérité
Rita, comme ce disciple, était une femme sans détour. Elle disait franchement ce qu’elle voyait. Il lui arrivait de ne pas se laisser persuader du premier coup. Elle avait besoin de vérifier, d’obtenir l’avis des experts, de comprendre le bien-fondé d’une affirmation. Était-ce sa façon bien à elle de chercher la « vérité »?
Ce trait de sa personnalité apparaît dès qu’elle entre en discernement vocationnel. Le jour de sa promesse chez les Guides, sa cheftaine lui dit : « Tu n’aimerais pas, plus tard, faire une autre promesse dans une autre chapelle? ». Rita décide de consulter un orienteur : « Je croyais qu’il était prudent de vérifier mes aptitudes ». Elle consultera une nouvelle fois le conseiller en orientation après sa rencontre avec Marie Gérin-Lajoie. Rita entre au postulat en août 1951.
Dès la première rencontre avec Marie-Gérin-Lajoie, notre fondatrice qui était encore supérieure générale de l’Institut (1951), Rita a été séduite par sa simplicité et son accueil cordial et par la manière dont les sœurs s’adressaient à elle. Elle a découvert sa pensée en assistant aux fameuses Instructions du matin aux novices. Rita l’a tellement écoutée et observée que lors d’événements communautaires où nous voulions imaginer ce que nous dirait Mère fondatrice, nous demandions à Rita de jouer le personnage, ce qu’elle faisait merveilleusement pour notre plus grand plaisir.
2. Le désir d’aider les personnes dans le besoin et la sagesse pour le faire
2.1 Aider en service social
Si la quête de la vérité, au plan spirituel et humain, est effectivement une caractéristique de Rita, la seconde disposition évidente chez elle est le désir de consacrer sa vie au service des gens dans le besoin. De toutes sortes de besoins. Pour les aider.
- Ses premières nominations la conduisent au Service social Sainte-Brigide, centre-sud de Montréal, puis au Service social diocésain à Saint-Jérôme : « J’ai travaillé auprès des chômeurs, des personnes recevant le bienêtre social, il s’agissait de leur remettre des bons de nourriture que la municipalité voulait bien leur donner, après enquête. J’aidais également les mères célibataires.»
- Au Centre social d’aide aux immigrants, Rita a vu des gens confrontés aux dures réalités de l’adaptation; « cela m’a donné plus d’ouverture et de compréhension » des diverses cultures.
- Puis pendant une dizaine d’années, au Service social de Valleyfield, Rita trouve amplement à déployer son désir d’aider les gens dans le besoin en travaillant auprès de familles à problèmes multiples, d’enfants placés en foyer nourricier, de couples en quête d’enfant à adopter, autant de situations humaines difficiles, « tout en essayant de les soulager et de les aider ».
2.2 Aider en Église
En 1974, Rita était prête à répondre à l’appel de Mgr Guy Bélanger qui voulait la nommer responsable de la pastorale des milieux – ce qu’on désigne aujourd’hui pastorale sociale ou service de promotion humaine. Devenue membre de l’équipe rapprochée de l’évêque, Rita est nommée Vicaire épiscopale à la pastorale des milieux par Mgr Robert Lebel – ce qui lui a valu des taquineries (et un article récent signé François Gloutnay de l’agence Présence Information Religieuse).
En 1984, après dix ans de loyaux services au diocèse de Valleyfield, un autre vicaire épiscopal, Richard Wallot, lui adresse un mot d’adieu : « Au conseil, tu étais toujours du côté d’une Église sensible aux personnes et ouverte sur la vie. L’Église de la rue et du trafic. L’Église missionnaire était ton souci : comme tu nous dérangeais avec ton obsession constante de nous faire sortir du ghetto de nos patentes d’Église et de nous faire regarder les situations par l’autre côté de la lunette, celle du monde ordinaire, des familles, des travailleurs, des jeunes, des femmes! Sous ta direction, la Pastorale des milieux de vie a su résister à toutes les tentatives pour la rayer du budget et de la carte du diocèse, à toutes les tentatives pour débarrasser l’Église de ce qui fait le sel d la terre. Formidable! »
2.3 Accompagner
À l’IFHIM Comment mieux illustrer cette deuxième caractéristique de Rita, son souci d’aider? Aider comme dans « accompagner » : à l’IFHIM, pendant une vingtaine d’années, ce verbe a pris tout son sens. Son engagement a pris diverses formes : clinicienne, adjointe à la directrice générale, coordonnatrice de programme et superviseur du personnel professionnel. L’IFHIM, c’était une grande portion de sa vie, de son champ de conscience. Rita a participé à l’évolution de cet important service de formation, elle en a partagé les risques et les audaces; quand on l’interrogeait sur les initiatives de l’Institut, elle était fière de les partager dans la discrétion professionnelle de bon aloi.
Au Bon-Conseil Dans la communauté aussi, Rita a accompagné les personnes en formation pendant leurs vœux temporaires; le conseil général comme conseillère et assistante générale, membre du comité de formation à l’action sociale, etc.
Rita a accepté deux mandats de supérieure à la Maison-mère, pendant lesquels elle a supervisé le contrat de la mise aux normes aux côtés de l’architecte chef de chantier. Tout récemment, nous nous disions qu’il était urgent de lui demander de transmettre les connaissances acquises à des plus jeunes afin d’assurer la continuité. Ces dernières années, Rita était membre du conseil local et responsable entre autres du personnel de la maintenance. Elle cherchait sans cesse des solutions aux petits et gros problèmes qui lui étaient référés.
3. À la manière de Jésus et de Marie Gérin-Lajoie
Rita aimait bien sa ville de Montréal, mais elle a demandé à voyager, notamment en Terre sainte et au pays d’Ignace de Loyola. Voyager pour connaître, approfondir sa compréhension de la Parole de Dieu et la spiritualité ignatienne à la manière dont Marie Gérin-Lajoie l’a transmise, avec le souci du respect des cheminements personnels.
Dans ma dernière rencontre avec Rita, je l’ai interrogée sur sa prière lorsque les forces diminuent. Elle m’a répondu simplement et sans détour : « Lorsque j’ai des inquiétudes, je récite le Notre Père et le calme se rétablit ».
Chère Rita, tu es partie bien vite. En fait, tu nous as fait tes adieux dès ton retour de l’hôpital, alors que tu venais à peine d’apprendre ton diagnostic, tu as fait le tour des tables pour le dire clairement à toutes tes compagnes, le dire toi-même, sachant que ton heure était proche. Repose en paix maintenant. Que ton amour de la vérité et ta compassion inspirent notre vivre ensemble en ce moment particulier de notre histoire familiale, personnelle et communautaire, en cette période d’agitations et de grandes disparités économiques et sociales.
Gisèle Turcot, SBC, supérieure générale de l’Institut Notre-Dame du Bon-Conseil de Montréal
Autres références :
Décès de la première femme vicaire épiscopale au Québec
Avis de décès_diocèse de Valleyfield
- 40e : Hommage à Annine Parent par Gisèle Turcot - 28 octobre 2022
- Des femmes pour transformer l’avenir de l’Église - 3 novembre 2021
- Les répondantes diocésaines à la condition des femmes : enracinement et genèse (1971-1981) - 19 février 2021
Merci Gisèle de cette appréciation qui est un minimum pour une grande dame.
pierrette pelletier