« Moi, mes souliers ont beaucoup voyagé », chante Félix Leclerc.
Aujourd’hui, chère Annine, ce serait l’heure de t’offrir une nouvelle paire de chaussures pour remplacer celles que tu as usées à parcourir autant de kilomètres depuis 40 ans.
Je me souviens de l’enthousiasme que tu as manifesté à l’idée de rassembler des femmes pour échanger sur leur expérience de travailleuses en Église. Tu es entrée dans la danse, heureuse de chausser tes escarpins pour entraîner d’autres femmes mandatées par leur évêque.
Tu étais déjà membre de l’équipe de pastorale sociale et nommée répondante à la condition des femmes au diocèse de Québec. Dès les premiers échanges entre nous, praticiennes en pastorale et enseignantes en facultés de théologie, tu as proposé d’agir discrètement, en réseau, pour garder notre liberté de réflexion et de parole. Autrement dit, tu nous invitais à chausser nos pantoufles pour ne pas faire de bruit, pour ne pas faire peur.
Peu de temps après la création du Réseau, on te voit très active au Comité de la CECC sur le rôle et la mission des femmes en Église. Là, en 1984, tu as fait valoir les souffrances de celles qui se voient traitées comme citoyennes de seconde zone. Tu avais rapidement délaissé les pantoufles pour enfiler les bottes de marche qu’on porte au combat. À certains moments tu étais dans tes petits souliers tellement le message ne passait pas. Ce qui a sauvé la donne, c’est ton talent de conteuse – dommage que le cadre de cet événement ne nous permette pas de t’entendre raconter les 12 heures qui ont changé le cours du dossier désormais connu sous le nom de « kit vert ».
Puis tu as fait partie de la délégation canadienne au Synode sur La vocation et la mission des laïques dans la société et dans l’Église. Cette expérience t’a démontré, une fois de plus, qu’il importe de prendre la parole « à temps et à contretemps » lors de divers événements.
Chaque fois nous vivions avec toi un temps de formation à l’analyse des situations, du vécu, et nous cherchions en quoi l’attitude de Jésus de Nazareth allait inspirer et guider notre action. En un mot, tu ne t’es jamais départie de la logique du Voir-Juger-Agir, acquise dans le mouvement Jeunesse Ouvrière Catholique (JOC).
Grâce à la complémentarité des membres du réseau, nous avons pu mener et publier des recherches, des cahiers d’animation, organiser des colloques. Nous avons aussi exprimé notre solidarité en participant à des initiatives du mouvement social des femmes, entre autres à la Marche du pain et des roses et à la Marche mondiale des femmes.
Sous ta présidence, nous avons appris à attendre des réponses à nos lettres, à nos demandes de rendez-vous, à nos confessions de foi en une communauté de disciples égaux.
Une espérance têtue t’a permis de traverser les 40 ans du Réseau la tête haute, parfois en souliers tachés de boue et parfois, les jours de fête, comme aujourd’hui, en souliers vernis.
Nous te saluons affectueusement, chère Annine, pour ta longue fidélité au réseau Femmes et Ministères.
Gisèle Turcot
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