Voix de femmes, voies de passage – chapitre 2
par Lise Baroni, Yvonne Bergeron, Pierrette Daviau et Micheline Lagü
Textes reproduits avec les permissions requises
Entrer dans un univers expérientieli sans le figer; « écouter », plutôt que « lire », avec un immense respect des pages et des pages de récits; donner forme, sans trahison, à un discours balbutiant la vie; voilà le défi colossal de ce chapitre. Une conviction profonde nous habitait. Il y avait là des éléments précieux pour une pratique ecclésiale instituante et un savoir théologique renouvelé. Pour en faciliter le surgissement, il a fallu abandonner nos anciennes grilles, nos cadres intellectuels rigides et accepter l’épreuve d’un questionnement renouvelé par la vie. Avant de prouver, il fallait s’éprouver. C’est-à-dire « théoriser en marchant, en se mouvant, en s’émouvant à la mesure de ses pas et de ses moyens, au gré des surprises, des désarrois, que le monde réserve à celui qui s’y rend réellementii ».
Et comme dans le va-et-vient qui rythme le cœur, il faut s’immerger, puis s’isoler pour garder une ouverture, pour savoir capter la différence, pour rester libre. Il s’agit de procéder par « approches concentriques, par sédimentations successivesiii ». Il n’est plus besoin d’une théorie exclusive; toutes les perspectives intellectuelles sont nécessaires. Si, dans un premier temps, on n’y voit plus rien, c’est parce qu’on y voit tout à la fois. Peu à peu, l’intelligence s’ouvre, des perspectives se dessinent, des formes prennent sens, des sons ressortent, des liens commencent à s’élaborer.
Voilà comment a émergé, lentement, laborieusement, une articulation honnête et juste, souhaitons-le, du discours des femmes rencontrées. Nous avons choisi d’analyser quatre signifiants particuliers : leurs relations, leurs pratiques, leurs contextes et leurs horizons de sensiv. Tout à fait aléatoire, l’ordre de présentation n’exprime aucune gradation quelconque dans les récits. Il ne sert qu’à exposer, d’entrée de jeu, un premier niveau d’analyse, en fournissant à la parole des répondantes un cadre interprétatif qui en souligne la valeur. Cette parole occupera beaucoup de place, la méthodologie d’une recherche-action ne craignant pas la subjectivité :
La subjectivité n’est plus un handicap ou une tare qu’il faut éliminer, mais bien plutôt un tremplin permettant d’avoir une vue plus complète de l’existence sociétale. Accepté en tant que tel, le subjectif peut être le passage pour saisir l’intersubjectif, c’est-à-dire l’altérité ou la communication qui devient une préoccupation de plus en plus fréquentev.
C’est à ce nouvel apprentissage du savoir que nous avons été conviées.
Les femmes engagées en Église et leurs relations
Les femmes engagées en Église et leurs pratiques
Les femmes engagées en Église et le contexte socioreligieux actuel
Les femmes engagées en Église : leurs rêves et visées d’avenir
i Un néologisme employé en philosophie positive pour éviter l’équivoque « empirique ». Cf. « Expérientiel », dans André LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, Presses Universitaires de France, 1985, p. 323.
ii Alain MÉDAM, « Des grilles et des vies », dans Revue internationale d’action communautaire, Montréal, Saint-Martin, 15/55, 1986, p. 153.
iii Michel MAFFESOLI, La connaissance ordinaire. Précis de sociologie compréhensive, Paris, Librairie des Méridiens, 1985, p. 28.
iv Nous aurions pu choisir d’autres référents, tels les sentiments, le langage, l’énonciation, etc. Visant à cerner surtout les pratiques des femmes, nous avons travaillé ceux qui s’y rapportaient davantage.
v La connaissance ordinaire, op. cit., p. 226.
- Dissolution de la corporation Femmes et Ministères - 27 mars 2024
- Des rapports à changer entre l’État et l’Église? - 9 novembre 2023
- Un synode des femmes à Montréal - 9 novembre 2023