C’est maintenant un fait largement démontré : la société vit une période de mutation sans précédent. L’éclatement surgit de toutes parts. La recherche de l’unanimité, qu’elle soit politique, scientifique, idéologique ou religieuse se présente comme un véritable leurre.
Tout devient contestable, l’unanimité est perdue. Un État post-moderne est une organisation dont le centre a implosé, une sorte de processus éclaté et balkanisé, une réalité qui n’est plus justiciable d’une rationalité unique et englobantexxx.
Spontanéité, individualité, impulsivité, voilà des valeurs qui incitent à l’évitement des manifestations communautaires, qu’elles soient sociales ou religieuses. L’évolution vogue au gré des modes, des inventions, des images. Même les avis spécialisés se contredisent. L’informatisation galopante provoque certains sociologues à prédire une ère de loisirs paradisiaquesxxxi, d’autres dénoncent l’imbroglio socio-économique qui fondera ce paradisxxxii, d’autres enfin, s’intéressent davantage aux forces positives qui habitent le tissu social de la quotidiennetéxxxiii. La réalité, elle, parle de cassures et de pauvretés, mais aussi de recherches et de reprises nouvelles. Les femmes s’y sont montrées particulièrement sensibles. Malgré le désarroi, à travers leur folie d’aimer inconditionnellement, l’espoir n’est pas exclu.
Un contexte social en ébullition
Tel que déjà mentionné, un grand nombre d’interviewées ne démontrent pas de propension, ni d’habileté pour l’analyse des promesses et déviations sociales actuelles. On a parfois l’impression que de l’intérieur des pratiques pastorales, les situations politiques, économiques et sociales apparaissent hors de propos. Un peu comme si l’Église constituait une sorte d’abri face aux aléas de la modernité. Telle cette femme qui rappelait son mari à l’ordre, dans une réunion du conseil de pastorale paroissiale, parce que celui-ci essayait d’expliquer aux autres les problèmes vécus dans son usine : « Arrête un peu, on ne parle pas de cela ici. » Quand même, dans quelques récits, cette préoccupation ressort d’une façon marquante. Ils proviennent surtout des femmes impliquées en milieu populaire. Elles refusent les inégalités d’un système capitaliste exacerbé et réclament, au nom même de leur foi, l’avènement d’un projet de société plus juste et plus humain : « Je suis très engagée dans des organismes populaires. Je vais chercher là quelque chose qui me donne un langage nouveau, celui qui concerne le quatrième axe de la pratique chrétienne, celui de la transformation sociale. »
Chez la majorité, malgré la difficulté de rendre compte du contexte social actuel, des inquiétudes profondément ressenties et exprimées laissent apparaître une préoccupation réelle. Elles parlent de problèmes reliés au divorce, au vieillissement, à l’immigration, au tiers monde, aux médias et, plus considérablement, des problèmes qui assaillent les jeunes générations. Mais toujours, une sorte d’anxiété relative à la pauvreté l’emporte. Ce phénomène massif d’appauvrissement qui envahit villes et régions les peine sincèrement. D’autant plus, qu’elles ne savent pas très bien comment l’aborder.
Pour l’instant, j’écoute et je réfère à des organismes toutes ces personnes démunies qui viennent me voir. Mais je ne sais plus quoi penser. Est-ce qu’en aidant ces gens, nous n’empêchons pas les gouvernements de prendre leurs responsabilités ? Je ne sais plus.
Pareille ambivalence est-elle la cause de cette absence de parole sur des sujets comme l’injustice organisée, l’analyse politique ou le changement de société ? La recherche devra se poursuivre. Mais d’ores et déjà, une conviction habite la minorité de répondantes qui épousent la lutte des groupes marginalisés : seule une transformation des structures de travail et de répartition des revenus pourra permettre des solutions à long terme.
Ainsi donc, l’action qui libère doit dépasser la stratégie de l’assistantialisme qui considère les gens mal pris comme des objets de charité sans plus et engendre fréquemment chez eux une grande dépendance. Elle doit aussi dépasser la stratégie du réformisme, laquelle, tout en cherchant à améliorer la situation des personnes, laisse perdurer le même type de relations et la même structure sociale paralysante. C’est au contraire une action qui adopte une stratégie de transformation des rapports sociauxxxxiv.
Somme toute, la conscience sociale demeure faible dans les visions pastorales. En général, sauf quelques exceptions, les travailleuses en Église contribuent à cet état de fait. Reste leur préoccupation réelle pour les personnes démunies. Espérons qu’il y aura 1à l’espace d’un questionnement prophétique.
Le contexte d’un nouveau religieux
Il n’y a pas lieu ici d’évoquer longuement l’immense déplacement opéré dans la masse catholique québécoise depuis le phénomène de sécularisation amorcé par la Révolution tranquille des années 60, et légitimé de l’intérieur par le Concile Vatican II. Cette démonstration est faite depuis longtempsxxxv. Trente ans plus tard, la majorité de la population a déserté l’Église tout en entretenant avec elle des liens occasionnels pour les fêtes, les rites et les célébrations sacramentelles. Actuellement, beaucoup sont surpris par une montée religieuse qu’ils n’avaient pas prévue. À côté d’un attrait public pour les sectes et le Nouvel Âge, se développe, dans les sphères privées de la socialité, une recherche de sens qui évolue peu à peu en besoin de spiritualité. Chez plus de gens qu’on pense, la foi est à se recomposer nouvellement. L’étude conduite par Jacques Grand’Maison et son équipe en trace un profil saisissant pour toutes les générationsxxxvi.
Chez les pratiquantes et pratiquants réguliers, un « quant-à-soi » religieux se réserve une marge de liberté personnelle, en matière de morale particulièrement. Quoi qu’elles fassent, les instances hiérarchiques des Églises traditionnelles n’y peuvent rien. Au-dehors comme au-dedans des institutions, on fignole sa propre croyance d’origine, que l’on mêle souvent à plusieurs autresxxxvii. Pris dans le mouvement d’une nouvelle religiosité séculière, on en vient à célébrer des valeurs fondamentales pour le christianisme en les excluant complètement de la foi chrétienne. Ces déplacements socioreligieux franchissent les barrières institutionnelles et obligent l’univers ecclésial à revoir ses acquis traditionnelsxxxviii. Mais les révisions sont encore très humbles. Voyons comment nos interviewées y participent.
Les femmes qui œuvrent auprès des jeunes nous ont paru très conscientes de cette situation. Une interviewée travaille dans une maison d’hébergement. Elle ressent bien cette dichotomie :
Une de mes difficultés c’est de travailler avec des incroyants. Ils croient dans les valeurs de justice, d’équité et d’amour, par cela je peux les rejoindre. Mais, nous ne pouvons parler ensemble de la foi en Dieu ou en Jésus. […] Ce serait l’idéal… mais c’est comme ça. Je crois que c’est dû à l’ère où nous vivons.
Les jeunes qui viennent chez nous ont un secondaire trois. La plupart de ces adolescents et de ces adolescentes ne sont rattachés à aucune religion. […] Mais ils se posent des questions sur le sens de la vie et nous parlent souvent du suicide.
Le drame spirituel de la jeunesse actuelle préoccupe parents, éducateurs et éducatrices, intervenantes et intervenants sociaux, juristes et décideurs de tous les paliers gouvernementaux. Dernièrement, maintes recherches ont tenté d’en cerner les enjeux primordiauxxxxix. Il ressort des entrevues faites auprès des agentes de pastorale jeunesse une très grande sensibilité face au désarroi des adolescents et adolescentes côtoyés quotidiennement. De toutes nos interviewées, ce sont elles qui cherchent le plus désespérément la jonction parfaite entre pratiques ecclésiales et contexte socioreligieux contemporain.
Parce qu’elles ne pratiquent pas le dimanche, les filles ont l’impression qu’elles ne sont pas d’Église. J’essaie de leur faire découvrir qu’elles vivent pourtant une page d’Évangile lorsqu’elles participent à tel projet, et qu’elles sont donc aussi l’Église.
Ces femmes, souvent mères de famille elles-mêmes, comprennent que le monde séculier n’est pas moins religieux qu’autrefois, mais qu’il l’est autrement. Nous n’avons qu’à observer les passages opérés dans leur propre vision religieuse. Ces prochains extraits démontrent bien la fécondité d’un juste arrimage entre réalités sociales nouvelles et traditions chrétiennes héritées.
Pour moi le langage du Nouvel Âge a été très interpellant. Il a fallu que je me mette à l’écoute et au respect de ce nouveau langage religieux.
Il est sûr que l’individualisme et le matérialisme de notre société nous empêchent parfois d’aller aussi loin que nous le voudrions. Mais on ne tire pas sur les fleurs pour les faire pousser. Il faut laisser le temps. Nous ne sommes plus dans la société chrétienne d’autrefois. Il faut tenir compte de telle ou telle école avec les difficultés qui lui sont propres et prendre les jeunes comme ils sont. Ce n’est qu’à cette condition que notre discours sera crédible parce qu’il portera le souci du destinataire.
Une question tenaillante surgit. Comment expliquer qu’une telle source prophétique jaillisse des engagements en milieux scolaires particulièrement ? Serait-ce que les transformations de pratiques pastorales adviennent et adviendront seulement lorsque la plupart des intervenants et intervenantes travailleront davantage à l’intérieur de milieux franchement séculiers ? Y a-t-il dans ce constat des brèches ouvertes sur l’avenir? Peut-être. Pour le moment, abordons le dernier aspect du signifiant contextuel.
Un contexte institutionnel particulier
Le troisième et dernier paramètre concernant le milieu occupe une place considérable dans le matériel recueilli. I1 s’agit de l’espace institutionnel dans lequel la totalité des femmes interrogées exercent leurs fonctions. Mais différentes particularités s’imposent selon les lieux d’insertion. Pour la majorité des répondantes, un contrat d’engagement les situe en ligne directe avec le centre névralgique de l’institution, nous parlerons alors de contexte structurel. Il est signifié par le mandat d’un évêque. Il sera paroissial, diocésain, scolaire ou para-ecclésial (hôpital, prison, centre d’accueil, etc.). Pour les autres, minoritairesxl, nous proposons le terme référentielxli car, sans être mandatées formellement par un évêque, ces femmes sont tout aussi concernées par les déclarations, dogmes et politiques de l’Église (Centres de formation spécialisés, médias catholiques, facultés ou départements de théologie, etc.).
L’univers organisationnel de l’Église est complexe. Il doit tenir compte du fondement des origines, de l’histoire, de la grande Tradition, des visions anthropologico-théologiques de ses membres, des diversités culturelles, des sensibilités contemporaines, des incidences sociopolitiques, etc. Notre propos ne cherchera pas à établir les bases théoriques idéales, mais plutôt à rendre compte des lieux-problèmes indiqués par les femmes dans les entrevues. Elles ont surtout parlé de structure et de pouvoir.
Une structure hiérarchique et pyramidale
Les femmes en ont long à dire sur le fonctionnement hiérarchique de l’institution ecclésiale. En haut, le Pape et son magistère; en bas, la population croyante; au milieu, les évêques et leur personnel pastoral. Coincées au dernier palier du niveau central, les travailleuses en Église dénoncent les règles du jeu qu’elles jugent imposées et dominatrices. Qu’on ne s’y trompe pas. Les répondantes ne parlent pas d’intentions machiavéliques contre le sexe féminin. L’idéologie patriarcale n’est pas une expression récurrente dans leurs discours. Mais elles ne sont pas naïves pour autant. Elles savent que dans une institution séculaire comme l’Église s’établit, avec le temps, une sacralisation des structures et des normes qui finit par confondre le moment institutionnel de l’universalité (fondements et valeurs) avec celui de la singularité (formes organisationnelles et juridiques). De cette réalité, elles contestent le fixisme et l’aveuglement devant le questionnement. Ces quelques extraits suffisent pour rendre compte d’une impatience croissante.
Les évêques ont peur et travaillent uniquement à partir de la pensée du magistère et du droit canon. […] Je cherchais à rejoindre l’horizontalité et ainsi mettre les gens ensemble pour élaborer une parole collective. Mais ils ont peur de permettre l’éclosion d’une parole qui appartient aux gens.
Pour moi, ça se vérifie dans le quotidien, la structure est organisée de haut en bas en fonction des clercs. […] Actuellement on manque de prêtres; pourquoi une conférence épiscopale ne profiterait-elle pas de cette nouvelle conjoncture historique pour amorcer un changement de structure ? On dirait que ça ne leur vient même pas en tête.
Ce qui me fait le plus réagir, c’est la justification idéologique, absolument inacceptable, qu’on nous donne de cette structure.
Quand les ordres viennent d’en haut, c’est complètement décroché de la réalité. Je me dis que si ce curé ou cet évêque avait rencontré cette femme, il ne s’exprimerait pas de cette façon… C’est radical, c’est dur, c’est froid.
Cet « ailleurs » sacralisé de la structure ecclésiale et de ceux qui la confortent marque une distance de plus en plus inquiétante avec l’expérience chrétienne actuelle. Du cœur de cet aujourd’hui contemporain, dont elles vivent pleinement la sécularité, les femmes lancent un cri d’alarme.
Le problème sur lequel on a le moins de prise, c’est le fait qu’on ait sacralisé tellement de choses.
Parfois ce ne sont que des méthodes de travail qui n’ont rien à voir avec la sacralité. Je deviens facilement agressive quand je constate que des choses banales sont devenues sacrées, donc tout à fait intouchables. On refuse d’analyser leurs origines… Impossible, elles sont intouchables.
Associées en cela à d’autres intervenants prêtres et laïques, les répondantes participent à un appel collectif qui se fait de plus en plus stridentxlii. Refuser d’entendre, c’est s’exposer à franchir une frontière derrière laquelle un autre univers commence. Il n’est même pas certain que l’institution ne soit pas déjà enfermée de l’autre côté. Aucune interviewée cependant ne croit à une rupture accomplie. Mais la profondeur des propos, le ton, et le refus de se maintenir plus longtemps dans un registre d’actions clandestines crient la colère et l’indignation. Il est intéressant de noter ici la différence des discours tenus dans Risquer l’avenirxliii et Entre l’arbre et l’écorce, recherches réalisées aussi en contexte ecclésial. Non pas que celles-ci gomment les problèmes, mais il est un fait que le style d’énonciation qu’utilisent les personnes rencontrées se présente sous une forme plus retenue, feutrée, filtrée. Tandis que les femmes impliquées dans la présente étude nous ont fait comprendre avec force que l’heure des stratégies silencieuses s’achève et qu’il est devenu impératif de parler et d’agir.
Un pouvoir centralisateur et déconnecté de la base
Une recherche sur la question des femmes et du pouvoir dans l’Église du Québec a été réalisée dernièrement par Anita Caron et son équipe. Si la base des données apparaît restreinte (deux paroisses de la ville de Montréal), la problématique, elle, se déploie d’une façon beaucoup plus exhaustive que nous allons le faire icixliv. Les résultats confirment le silence prudent décelé dans les deux études précédemment citées. Comme Marie-Andrée Roy le fait remarquer :
Quand vient le temps pour les femmes de dresser leur bilan, tout semble aller comme dans le meilleur des mondes; il y a comme un nivellement des difficultés rencontrées et seuls les aspects positifs sont retenusxlv.
Serait-ce le terrain sur lequel les femmes sont rencontrées ? ou l’horizon géographique couvert par l’étude ? Difficile à dire, mais une chose est sûre, nos interviewées n’ont rien gommé de la réalité, aussi sombre puisse-t-elle être. Le premier lieu de friction mentionné est celui des rapports de pouvoir qui régissent les rôles et statuts. Cette parole a quelque chose d’intarissable.
Je fais partie de l’Église mais je ne suis pas identifiée à l’Église. Mon engagement se situe au niveau de la foi et de l’Évangile, parce que je suis en désaccord avec cette institution qui opprime, qui prend des décisions toute seule. Je suis incapable d’être en accord avec cela. Dernièrement je lisais un article publié dans notre diocèse et je communiquais comment il m’avait attristée… On m’a répondu carrément: tu sais, on va toujours rester curés et vous allez toujours rester laïques.
Nous faisons face à une personne qui exerce un pouvoir tout à fait dictatorial. Mais nous n’avons aucune prise sur cette situation. […] Plusieurs ont porté plainte et il n’y a aucun changement. C’est toujours le silence parce qu’il est membre du clergé et qu’il est très utile… Le problème des relations humaines, ce n’est pas important pour eux.
La reconnaissance, là où nous en avons le moins, c’est à l’intérieur de la structure. Nous avons toujours un statut de soumission et de suppléance.
Il y a des problèmes sur lesquels nous n’avons aucune prise; ça revient toujours à la même chose : les femmes n’ont pas de pouvoir décisionnel. Il faut toujours attendre que M. le curé prenne une décision. Bon nombre de dossiers attendent parce que les personnes soit disant compétentes ne prennent pas de décision… Alors rien n’avance.
Nous avons des tâches où, en fait, nous devons exercer une autorité, mais nous n’avons pas le pouvoir qui l’accompagne. Je me sens à la merci de celui qui a actuellement le véritable pouvoir sur la paroisse. Tous les acquis sont soumis à son bon vouloir.
Quelle charge ! Le langage est franc, explicite et dénonciateur; pas de faux-fuyants ni de détours futiles. Ces témoignages nous sont apparus lourds et massifs; nous aurions pu en citer bien d’autres. Ceux-ci devraient suffire à convaincre. Évitons de nous empêtrer dans les nuances : les femmes engagées dans l’Église manifestent de l’exaspération. Elles dénoncent structures, normes et pouvoirs qui s’enroulent sur eux-mêmes et, telle une force centripète, ramènent tout ce qui bouge vers le centre.
Au cours de l’analyse, nous nous sommes demandé comment ces femmes arrivent à rallier énergie, lucidité et persévérance. René Lourau, spécialiste en analyse institutionnelle, affirme qu’une saine déviance qui remet en question les finalités perverses, un type de présence qui interroge, une atteinte subtile mais réelle aux principales règles du jeu, une conscience claire de sa situation, permettent une distance intérieure créatrice de transformations libératricesxlvi. Nous avons pu constater que plusieurs en font l’expérience.
J’ai l’impression que n’ayant pas de place officielle dans la « patente », je n’ai rien à vendre, je suis libre. N’ayant rien à perdre, il est évident que je veux que ça change. Quelque fois je dérange… Je change les règles du jeu et me sens toujours assoiffée de changement. […] Souvent, je me fais remettre à ma place. On tente de me raisonner, de m’expliquer l’importance de la tradition… mais ça ne marche pas, je suis irrécupérable.
Il serait faux de prétendre que la majorité des travailleuses en Église parviennent à une telle intelligence de la situation. Mais nos entrevues en ont dégagé un nombre suffisamment déterminant pour qu’il soit opportun de le mentionner. Encore tout récemment naïve, affective et spontanée, cette forme de déviance institutionnelle accède à un degré de conscience de plus en plus organisée. Graduellement, des femmes comprennent que le pouvoir de domination ne dépend pas des volontés individuelles, mais qu’il s’incarne dans des structures instituées aliénant tout autant les hommes, qu’ils soient diacres, prêtres ou évêques.
Il faut réclamer une transformation radicale, oui, mais pour quel peuple, quel monde, quelle Église ? À travers un dernier signifiant, nous avons pu observer, chez les interviewées, leur conception de cet avenir en gestation.
xxx Gilles PAQUET « État postmoderne : mode d’emploi », dans Relations 53/587, 1993, p. 18. À ce sujet pour une introduction rapide, consulter la revue Relations, vol. 52, 1992 et vol. 53, 1993.
xxxi Gregory BAUM, « Les théories de la postmodernité », dans Relations, 50/561,1990, p. t42.
xxxii Ibid., p. 140.
xxxiii Cf. Michel MAFFESOLI, Le temps des tribus. Le déclin de l’individualisme dans les sociétés de masse, Paris, Méridiens Klincksieck, 1988 et La connaissance ordinaire, op.cit.
xxxiv Yvonne BERGERON, « Contempler et libérer », dans Hélène PELLETIER-BALLARGEON, Claudette BOIVIN, Hélène CHÉNIER et Gisèle TURCOT(dir.), Simonne Monet-Chartrand. Un héritage et des projets, Montréal, Fides/Remue-Ménage, 1993, p. 179.
xxxv Pour un bilan de ce moment historique de la société québécoise, voir Marc LESAGE et Francine TARDIF (dir.), 30 ans de Révolution tranquille, Montréal, Bellarmin, 1989. Voir aussi Fernand DUMONT (dir.), La société après 30 ans de changement, Québec, Institut québécois de recherches culturelles (I.Q.R.C.), 1990.
xxxvi Jacques GRAND’MAISON (dir.), Le drame spirituel des adolescents (10-20 ans), Vers un nouveau conflit de génération (20-35 ans), Une génération bouc-émissaire (35-50 ans), et La part des aînés (55 ans et plus), Montréal, Fides, 1993 et 1994. Les deux derniers volumes sont codirigés par Solange LEFÈBVRE.
xxxvii Pour plus de détails, voir Réginald BIBBY, Religion à la carte, Montréal, Fides, 1988; Raymond LEMIEUX et Micheline MILOT (dir.), Les croyances des Québécois. Esquisse pour une approche empirique, (coll. « Cahiers de recherche en science de la religion »), Québec, Groupe de recherche en science de la religion, Université Laval, 1992.
xxxviii À cet effet, il faut lire le tableau dressé par le comité-conseil mis sur pied par l’exécutif de l’Assemblée des évêques du Québec. Ce comité, présidé par Jean-Guy BISSONNETTE, remettait, en mai 1992, une réflexion intitulée « La médiation communautaire dans l’éducation de la foi », publiée dans L’Église canadienne. (11 mars 1993, p. 113-120 et 1er avril I 993, p. 135 – I 42).
xxxix En voici quelques-unes parmi les plus récentes : Le drame spirituel des adolescents, op. cit.: MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION DU QUÉBEC, Au-delà des apparences; MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX DU QUÉBEC, Un Québec fou de ses enfants; COMITÉ CATHOLIQUE DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ÉDUCATION DU QUÉBEC, Éthique, spiritualité et religion au Cégep; Micheline MILOT, Une religion à transmettre ? Le choix des parents, Québec, Presses de l’Université Laval. Ces recherches ont toutes été publiées depuis 1990.
xl Elles sont minoritaires dans cette recherche parce que minoritaires dans la réalité. Une des raisons est sans contredit le fait que les initiatives « privées » éprouvent beaucoup de difficultés à se maintenir financièrement.
xli Certains sociologues préféreraient « idéologique », soit. Mais si le terme « idéologie » suggère l’idée d’un système de pensée unique, on peut affirmer sans crainte qu’à l’intérieur de l’Église actuelle, il existe plusieurs idéologies religieuses et qu’aucune ne fait l’unanimité. Cependant, les références chrétiennes de base (Jésus Christ ressuscité, les Évangiles, l’existence des premières communautés chrétiennes, etc.) constituent des références auxquelles tous et toutes adhèrent. C’est pourquoi nous préférons le terme référentiel.
xlii À titre d’exemple citons seulement Thérèse BOUCHARD, « Chère et crucifiante Église », dans Relations, 53/589, p. 89, où l’auteure fait une recension de trois publications récentes qui lancent ce même cri d’alarme.
xliii COMITÉ DE RECHERCHE DE L’ASSEMBLÉE DES ÉVÊQUES DU QUÉBEC SUR LES COMMUNAUTÉS CHRÉTIENNES LOCALES, Risquer l’avenir. Bilan d’enquête et prospectives, Montréal, Fides, 1992. Il faut préciser que cette étude ne s’adressait pas au personnel pastoral mais aux membres engagés des communautés. Ce qui peut expliquer, en partie, la différence. Quant à la recherche réalisée à Saint-Jérôme, Entre l’arbre et l’écorce, op. cit., le titre lui-même en dit long sur l’inconfort ressenti et vécu effectivement.
xliv Voir Femmes et pouvoir dans l’Église, op. cit.
xlv Voir Marie-Andrée ROY, « Femmes, domination et pouvoir », ibid., p. 130.
xlvi Cf . René LOUREAU, L’analyse institutionnelle, Paris, Minuit, 1970.
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