D’entrée de jeu, il nous faut affirmer que les femmes n’ont aucun rapport spécial à l’Eucharistie. Comme tous les membres de la communauté ecclésiale, les chrétiennes confessent la foi au Ressuscité, présent au milieu de l’assemblée qui fait « mémoire de la Cène ». Le Pain eucharistique est nourriture spirituelle et source de vie venues d’En-Haut qui les soutient dans leur marche vers plus d’humanité. Par le baptême, les chrétiennes ont « revêtu le Christ » (Ga 3,27) et elles sont appelées à Le configurer. Cette vocation est commune à tous les baptisés ; elle engage tout l’être afin qu’il soit sans cesse « renouvelé à l’image de son créateur » (Col 3, 10).
Dès lors, pourquoi faudrait-il traiter les femmes différemment des hommes dans l’Église de Dieu en ce qui a trait à leur capacité de représenter le Christ ? Une question sans cesse soulevée par les catholiques, femmes et hommes, et qui s’est retrouvée au coeur de la Première conférence internationale sur l’ordination des femmes. On y a rappelé, une fois de plus, que les vocations ministérielles ne sauraient être conditionnées par le sexe[1] .
L’exclusion des femmes de la charge presbytérale est un fruit de l’évolution historique plutôt que d’une fidélité à la volonté du Christ. Car du point de vue de l’exégèse aucun argument décisif ne peut être avancé dans ce sens ni dans l’autre, d’ailleurs. Le présent article ne cherche pas tant à débattre des tenants et des aboutissants de la question de l’ordination des femmes au ministère presbytéral, il vise plutôt à mettre en évidence comment le sacrement de l’Eucharistie représente la pierre de touche de l’inclusion des femmes dans les ministères ecclésiaux.
Le premier point de cet article tente de mesurer le chemin parcouru entre l’exclusion des femmes de toutes les fonctions liturgiques jusqu’à leur inclusion actuelle, aussi partielle soit-elle. Le second point porte sur quelques aspects du rituel eucharistique en rapport avec la part accordée aux femmes. Quant au troisième point, il s’interroge sur les images du Christ Époux et Tête de l’Église en lien tant avec le rôle de la présidence de la célébration eucharistique que celui de l’assemblée. Finalement, une brève conclusion propose de retenir le sens biblique de l’expression in persona Christi non seulement par fidélité à la pensée de saint Paul qui l’emploie, mais pour en éliminer l’interprétation discriminatoire à l’égard des chrétiennes.
1. De l’exclusion des femmes des fonctions liturgiques à leur inclusion actuelle
Dans la foulée de Vatican II, des chrétiennes exercent plusieurs fonctions qui, encore hier, étaient réservées aux hommes, aux prêtres en particulier. Pour les personnes d’un certain âge qui viennent rarement à l’église, leur étonnement est grand à la vue d’une femme qui préside [2] une liturgie du baptême ou de funérailles. Pour bien des gens, la surprise est aussi grande lorsque, par exemple, ils voient apparaître sur le seuil de leur chambre d’hôpital « madame l’aumônier ». Pourtant ces scènes sont devenues familières et elles se répètent partout dans les secteurs de la vie socio-ecclésiale, et ce aux quatre coins du monde. Mais de telles scènes ne doivent pas faire oublier que l’accès des femmes aux fonctions liturgiques est une histoire toute récente.
1.1 Interdiction d’être membre du choeur liturgique
Il n’est pas si lointain, en effet, le temps où il était interdit aux femmes d’appartenir aux groupes de chantres liturgiques. Il ne leur était pas interdit cependant de chanter avec le reste de l’assemblée. Une touchante concession qui n’a pas empêché certains évêques du VIe siècle de la restreindre : même si le peuple chante avec les clercs, ils recommandaient aux femmes de se taire ou de chanter tout bas. Des échos de ces enseignements se font encore entendre dans certaines directives du Pape Pie X au début du XXe siècle. En tant que substitut des « lévites », écrivait-il, seuls les hommes et garçons doivent faire partie de la schola ou choeur d’église, parce que le chant
est un véritable office liturgique, et les femmes étant incapables d’un tel office, il s’ensuit que celles-ci ne peuvent être admises à faire partie du choeur ou de la chapelle musicale. Si donc on veut employer les voix aiguës de soprani ou de contralto, cela devra être des voix d’enfants, conformément à l’usage très ancien de l’Église[3].
Donc, pas de femmes chantres, pas de femmes mêlées au choeur liturgique, telle est la portée de la norme édictée. Mais des Églises locales ont passé outre à la directive, tant et si bien que devant le fait accompli, le Pape Pie XII accepte que les femmes et jeunes filles soient admises à coopérer, mais uniquement hors des limites du choeur et complètement séparées des hommes et des garçons, par quoi on éviterait toute inconvenance (1955)[4] .
1.2 Défense d’entrer au sanctuaire
Jusqu’à une époque récente, les femmes ne sont pas admises à entrer dans le sanctuaire[5] . A fortiori, elles n’exercent pas les fonctions du service de la parole (lectorat) ou du service de l’autel (acolytat). Du ressort des ordres mineurs, donc rattachées au sacrement de l’Ordre, seuls les hommes sont appelés à remplir ces fonctions, suivant la tradition universelle de l’Église. Paul VI, dans sa lettre apostolique Ministeria quaedam publiée en 1972[6] , le rappelle avec fermeté tout en assouplissant la règle en faveur des hommes laïcs, même s’ils sont mariés. Il importe de remarquer qu’avec ce document la nature même des ordres mineurs s’en trouve changée. Désormais, ces « ministères institués » (lectorat et acolytat) sont considérés comme distincts du ministère ordonné (diacre, prêtre, évêque). Mais du même coup et sans ambiguïté le changement confirme l’exclusion des femmes. Curieusement, c’est sous la rubrique « obligations et droits des fidèles » que le paragraphe 1 du canon 230 du Code du Droit canonique de 1983 « limite l’aptitude d’un membre des christifideles laici à être installé dans les ministères de lecteur et d’acolyte en raison d’une distinction juridique se fondant spécifiquement sur le sexe[7] »
Heureusement que le droit ne dicte pas la vie. Au contraire, il en découle généralement. Ainsi dès les années 1969-1970, les Conférences épiscopales pouvaient, « à défaut d’un homme », autoriser les femmes à faire publiquement la lecture de la Parole de Dieu et des prières universelles, mais non de proclamer l’Évangile. Une restriction néanmoins est imposée : les femmes ne peuvent pas exercer ces fonctions à partir de l’ambon du choeur. Puis, en 1972, la condition « à défaut d’un homme » disparaît et la détermination du lieu fut laissée aux conférences épiscopales[8] .
Tandis que le service de l’autel demeure toujours officiellement interdit aux femmes, par contre, la pratique de les admettre se répand de plus en plus dans les Églises locales. Une pratique qui n’est pas étrangère au changement de la législation qui survient en 1994[9] . La lenteur à lever l’interdiction trouverait une explication dans l’expérience pastorale suivante : « le service de l’autel a, du moins jusqu’à une époque relativement récente, provoqué chez les enfants et les adolescents le désir du sacerdoce[10] ». Faut-il conclure qu’avec l’arrivée des fillettes et des adolescentes le désir n’existerait plus ? Difficile à dire ! De toute façon, la nouvelle législation porte un grand coup au motif de « convenance »[11] , évoqué pendant des siècles, pour tenir à distance les femmes du sanctuaire[12] .
Ce motif est lié, en partie, aux motivations archaïques de l’impureté du sang menstruel. Des textes d’hommes d’Église montrent de façon très claire la référence à ce tabou qui s’enracine dans la culture et la mentalité religieuse des peuples. On connaît, entre autres, celui qui demande aux chrétiennes de « s’abstenir d’entrer dans la maison de Dieu… pendant toute la période de leur menstruation et également de recevoir la communion[13] ». Au XIIe siècle, un canoniste byzantin propose une explication à la disparition de l’ordre des diaconesses. Il impute à « la souillure des menstrues » le fait que leur ministère ait été écarté du divin et saint sanctuaire[14] . Même au XXe siècle, des théologiens orthodoxes évoquent que « l’état d’impureté des femmes » ne leur permettrait pas d’« accomplir les devoirs sacerdotaux[15] ». Ce tabou archaïque a aujourd’hui totalement disparu de l’argumentation orthodoxe officielle opposée à l’ordination des femmes. Élisabeth Behr-Sigel se pose tout de même la question si elle a pour autant « disparu des mentalités populaires et des inconscients[16] ? »
La théologienne orthodoxe n’est pas la seule à s’interroger en ce sens. Il est à se demander, en effet, si l’on ne doit pas voir un dernier vestige de ce tabou dans le refus de catholiques de recevoir le pain eucharistique de la main des femmes ? La scène se répète en plusieurs endroits depuis 1962, période où les laïques sont autorisées à distribuer la communion. Faudrait-il, pour qu’elles soient acceptées en ce rôle, ressusciter la règle ancienne du « linge blanc » exigeant qu’on en couvre les mains des femmes au moment de communier[17] ? De même, le tabou de l’impureté n’est probablement pas étranger à l’existence dans l’Église du rite de la purification de la mère suite à la naissance de son enfant[18] . Un rite qui a subsisté jusqu’au XXe siècle.
Toujours est-il qu’à l’évidence, les changements dans la législation des trois fonctions liturgiques du chant, du lectorat et de l’acolytat, sont survenus à la suite d’initiatives prises par les Églises locales. Force est de constater que l’inclusion graduelle des chrétiennes dans ces fonctions a dû emprunter le chemin de la transgression des normes établies. Faut-il en conclure, que dans certaines circonstances, transgresser constitue une démarche essentielle ? Celle qui consiste à « s’avancer au-delà des chemins balisés, attiré par des valeurs nouvelles ou insuffisamment reconnues. Elle n’est contre rien, elle est pour une indispensable ouverture[19] ». Si le symbole donne à penser, l’expérience le fait également !
1.3 Animation du rassemblement dominical
Ainsi, à la faveur de l’évolution des mentalités, des femmes, toujours plus nombreuses exercent au sein de leur communauté chrétienne diverses tâches pastorales. Au nombre de ces dernières, il y a celle de convoquer, en l’absence d’un ministre ordonné, le rassemblement dominical de la communauté. Les chrétiennes et les chrétiens se réunissent pour écouter la Parole de Dieu et pour partager le pain eucharistique[20] . Il revient à l’animatrice de présider l’assemblée et de la guider dans l’approfondissement des mystères de la foi. Le souci est grand chez l’animatrice de mener vers les sources vives de la foi la communauté, dont elle a souvent la charge. La sollicitude qu’elle manifeste n’est pas sans évoquer celle du Christ Pasteur.
La célébration du Jour du Seigneur sans le sacrement du mémorial de la Pâques met en évidence l’aptitude des femmes à rassembler et animer la communauté, à commenter la Parole de Dieu. Cette situation engendre, par contre, un profond malaise, car elle encourage une pratique « qui n’est pas de tradition dans l’Église catholique[21] ». Mais qu’il nous suffise ici de rappeler la gravité du problème qui affecte la situation actuelle et l’urgence d’y remédier. Essentiellement, le problème tient au fait que de nombreuses communautés chrétiennes sont privées de l’Eucharistie. Pourtant, ce sacrement structure la vie même de l’Église. Il est, déclare avec insistance le Concile Vatican II, « la racine, le centre et le sommet de la vie chrétienne, de l’évangélisation[22] ». Aussi l’étonnement est-il grand face à une certaine relativisation de cet enseignement et du peu d’attention qu’on y apporte lorsqu’elle prive des communautés chrétiennes de l’Eucharistie sous prétexte d’un manque de prêtres. Cela ne peut être que néfaste pour la vie de l’Église pour son avenir[23] .
2. L’assemblée : sujet de la célébration et visibilité des femmes
L’assemblée est le sujet de la célébration. Le renouveau de la liturgie eucharistique a fait de cette donnée l’axe central des réaménagements survenus durant le XXe siècle, notamment depuis le Concile Vatican II. Le rituel déployé lors des célébrations invite donc à refléter l’identité des membres de l’assemblée, du Corps du Christ. Comment expliquer alors que « c’est dans la vie liturgique, précisément, que les femmes sont devenues le plus manifestement étrangères[24] » ? Le langage, le choix très limité d’histoires des femmes dans le lectionnaire et l’emploi des images masculines pour parler de Dieu, sont, outre la question ministérielle, au coeur de la problématique actuelle.
Un juste équilibre entre les genres masculin et féminin commence d’abord par l’emploi d’un langage inclusif. Un nombre croissant de femmes partage cette conviction ainsi qu’un grand nombre d’hommes. À ce chapitre, les femmes reconnaissent que leurs efforts pour un changement de mentalité ont déjà porté fruit. En dépit de résistances, manifestées quelques fois avec virulence, l’usage du langage inclusif se répand de plus en plus dans le monde ecclésial. Sa pratique est même devenue chez certaines personnes un réflexe naturel. Expression d’une sensibilité nouvelle à l’égard des femmes, le phénomène tend à s’étendre à d’autres dimensions du rituel liturgique, en l’occurrence dans le choix des lectures bibliques et des images de Dieu.
En effet, l’actuel lectionnaire dominical et des fêtes n’accorde qu’une place infime aux récits des femmes qui jalonnent l’histoire du Peuple de Dieu. De même, rarement fait-on appel à des images féminines de Dieu qui appartiennent pourtant à la tradition biblique. En somme, trop peu nombreux sont les textes « qui mettent en lumière les traits féminins de Dieu ou des personnages féminins en action[25] ». Comment l’être-femme, créé à l’image de Dieu (Gn 1,27), peut-il être reconnu dans toute sa beauté et sa grandeur s’il ne génère pas des images, des métaphores, des noms pour parler de Dieu[26] ?
Comment apprécier le rôle joué par les femmes dans l’histoire du salut lorsqu’un faible pourcentage de dix sur cent des lectures bibliques choisies leur font référence ? Et encore là, dans la plupart des cas, les femmes sont présentées non pas pour ce qu’elles sont, mais en lien avec la maternité ou avec un personnage masculin (Sara, épouse d’Abraham, Rebecca, épouse d’Isaac aussi bien que Myriam, soeur de Moïse). Que savent les chrétiennes de l’esprit de justice de la juge Deborah, de la sagesse de la digne Esther et du courage audacieux de la belle Judith ? Des femmes qui sauvèrent les Israélites des mains ennemies, grâce à leur habileté à élaborer et à exécuter de fines stratégies. Mettre de côté de tels récits, comme on le fait actuellement, prive les femmes de références susceptibles de les dynamiser dans leur vécu de foi. De plus, l’occasion est perdue pour la communauté entière d’apprécier la manière divine d’agir au coeur de ces héroïnes de l’histoire du salut.
Des voix se font de plus en plus entendre sur la nécessité de réviser le choix des textes afin de remédier à la situation présente. Le sentiment que les femmes ont moins de valeur que les hommes dans la communauté ecclésiale[27] sera de moins en moins justifié et, peut-être, disparaîtra-t-il de lui-même.
Car c’est l’absence de références féminines (langage, symboles, personnages, expériences) qui pousse des chrétiennes à se réunir entre elles pour célébrer leur foi. Sous le nom de « liturgies féministes »[28] , le pouvoir de proclamer et de commenter la Parole de Dieu, de bénir, et même de « célébrer la Cène » y est exercé sans contrainte par des femmes. La question de légitimité et de validité des actes posés n’a pas à être soulevée ici. Que le seul fait de les signaler conscientise le Corps ecclésial de la profondeur du mal-être des femmes en son sein. Le méconnaître serait nier l’ampleur de la fracture qui est en train de s’opérer au sein de l’Église catholique romaine. Le Repas du Seigneur, au lieu d’être l’expression de la communion entre les convives, devient le signe d’un clivage entre les sexes, ce qui est contraire à l’esprit de la Cène. La situation est grave, il va sans dire !
La problématique se cristallise autour de l’interprétation des images Christ Époux et Tête de l’Église. Seuls les hommes sont aptes à représenter symboliquement le Christ en ce double rôle. Négliger de faire une réflexion à ce sujet, aussi brève soit-elle, serait refuser de prendre en considération les acquis de la réflexion anthropo-théologique ainsi que les développements récents de la théologie de la liturgie.
3. Images et représentation du Christ
Les images pauliniennes du Christ-Époux et du Christ-Tête appellent à être représentées par la gente masculine, dit-on. Penser autrement serait ne rien saisir du sens profond de la double image évoquée. Et, par conséquent, ce serait ne pas comprendre le rôle de l’assemblée eucharistique comme Épouse du Christ. Dans ce cas-ci pourtant, le principe féminin fonctionne aussi bien pour les femmes que pour les hommes. On le pressent, l’application du symbolisme de l’union nuptiale à des personnes soulève de sérieuses interrogations pour ne pas dire des inquiétudes tant ce procédé s’éloigne de la perspective biblique.
3.1 L’image du Christ Époux de l’Église (Ep 5,25-32)
L’image du Christ Époux de l’Église plonge ses racines jusque dans les textes des prophètes, Osée et Jérémie en tête. YHWH aime Israël comme sa fiancée, son épouse. Avec elle, il fait alliance. Ainsi en est-il du Christ qui accomplit « la nouvelle alliance » en « son sang versé pour la multitude » (Mt 26,28). L’Église est l’Épouse qui accueille « la coupe de la nouvelle alliance » (Lc 22, 20 ; cf. 1 Co 11,25) et qui n’a d’autre désir que d’aimer son Époux en retour.
L’attitude de l’Épouse décrit en quelque sorte le rôle qui est dévolu à l’assemblée eucharistique. Celle-ci n’est pas une personne, pas plus que l’Église ou Israël d’ailleurs, mais bien une personnalité collective représentative de l’humanité. Dieu offre son alliance à ce partenaire. Prendre acte de ce fait fondamental, c’est comprendre que femmes et hommes peuvent symboliser l’Épouse du Christ. D’ailleurs, n’est-ce pas ce qui arrive dans les communautés religieuses ? L’assemblée eucharistique est formée seulement de femmes ou d’hommes. Le facteur sexuel ne s’avère donc pas déterminant dans la représentation symbolique de l’Épouse du Christ.
Le même raisonnement tient tout autant en ce qui a trait à l’Époux de l’Église. Le Christ en tant que Sauveur universel assume l’humanité entière. Autrement, ce serait prétendre que la masculinité du Christ est essentielle à l’oeuvre du salut. Une prétention qui met directement en cause le salut des femmes. Car selon un adage de l’Église primitive, « ce qui n’est pas assumé ne peut pas être sauvé[29] ». Les chrétiennes et les chrétiens rendent grâce de ce que le Verbe de Dieu se soit fait chair, et non pas de la masculinité du Christ. Aussi l’expression « nouvel Adam » doit-elle s’entendre dans le sens « homme nouveau » au sens générique de l’humanité et, en conséquence, elle n’a pas à être identifiée au fait de la masculinité du Christ. Or, c’est précisément ce que fait Ansgar Santogrossi, pour ainsi conclure à l’impossibilité pour les femmes d’être l’icône du Christ. Pour étayer son point de vue, cet auteur reprend les expressions de saint Jean Chrysostome :
Le Christ est un homme, le nouvel Adam, et par là différent de la femme. Si le prêtre répète les gestes du Christ, et qu’il prononce sur le pain et le vin ce que le Christ seul peut convenablement dire, et si le pain et le vin deviennent en fait le corps et le sang du Christ, alors le prêtre « prête sa langue et fournit sa main » au Christ. Mais les mains et la voix humaines appartiennent soit à un homme soit à une femme. Et s’il est indifférent [sic] que le prêtre soit homme ou femme, l’homme et la femme comme tels sont tous les deux absents de la liturgie. Mais si au contraire le prêtre doit être homme et non pas une femme, la femme dans sa différence consciente est par là présente à la conscience comme différente de l’homme qui « prête sa langue et fournit sa main » à l’homme qui est le Christ[30] .
Pourtant, au contraire de Santogrossi, Élisabeth Berh-Sigel, théologienne orthodoxe, interprète dans un sens inclusif le texte de ce Père de l’Église[31] :
C’est le Christ présent par l’Esprit qui est le véritable officiant du mystère, déclare saint Jean Chrysostome. S’effaçant en tant qu’individu, le prêtre-ministre, c’est-à-dire serviteur, prête au Christ ses mains et sa langue. Pourquoi ces mains et cette langue ne pourraient-elles être celles d’une chrétienne, baptisée et chrismée, appelée en vertu de ses charismes personnels au ministère de direction pastorale, impliquant la présidence de l’eucharistie[32] ?
La question posée garde non seulement toute sa pertinence pour l’Église catholique romaine mais, également, elle s’inscrit en faux contre l’interprétation mariale de Santogrossi. Ce dernier prétend que
la féminité est là, pour l’auteur divin de l’économie sacramentelle, comme pouvant renvoyer réellement à la Theotokos, dans sa différence du Christ Dieu qu’elle porte, et symboliquement à l’Église dans sa différence féconde avec le Christ lors du sacrifice de la messe[33] .
Sur cet horizon de pensée, « la femme chrétienne est appelée à refléter en elle-même et à révéler l’identité de l’épouse-Église, dont le type suprême est une femme nommée Marie…[34] ». Comment de pas s’étonner de cet appel au « couple Marie-Christ » (R. Spiazzi) pour justifier une interprétation du symbolisme liturgique ? La perspective mariale n’appartient pas à la métaphore nuptiale paulinienne. Toutefois, il faut reconnaître qu’à certains égards cette dernière est déficitaire.
Dans cette description, Paul utilise un procédé comparatif fondé sur le rapport autorité-soumission, qui est propre à la conception patriarcale du mariage. « Le mari est le chef de la femme tout comme le Christ est le chef de l’Église, Lui le Sauveur de son corps » (Ep 5, 25). Le contexte socio-religio-politique de l’Apôtre le met, semble-t- il, dans « l’impossibilité de mettre sur [un] pied d’égalité la femme et l’homme sans disqualifier son message[35] ». Le procédé comparatif mène quasi inévitablement à soutenir que « la masculinité de l’homme attire de son côté la masculinité du Christ et la féminité de la femme se voit attribuer la situation de l’Église[36] ». Mais une lecture qui répartit les rôles en fonction du sexe demeure-t-elle encore dans l’ordre de la symbolique de la relation YHWH-Israël et Christ-Église, où le partenaire divin n’est pas affecté de différenciation sexuelle[37] ? Par ailleurs, n’est-il pas étonnant de constater que le genre féminin ne pose pas de difficulté pour décrire le partenaire humain en tant qu’Épouse du Christ ? Tenir compte de la subtilité et de la polyvalence des symboles ne va pas de soi, on le voit bien. « Si les hommes peuvent représenter l’Église comme Épouse, pourquoi les femmes ne pourraient-elles pas représenter le Christ comme Époux ?[38] » La règle des deux poids deux mesures jouerait-elle dans l’interprétation des symbolismes ? En termes quelque peu différents, l’image Christ-Tête soulève également la même question.
3.2 L’image Christ Tête du Corps (voir Col 1,15-18 ; Ep 1,22)
Depuis le Concile Vatican II, l’image du Christ-Tête est fréquemment utilisée dans les documents magistériels et les publications en théologie[39] . Elle sert à spécifier la nature du ministère ordonné, reconnaît un expert au Concile, Henri Denis[40] . Il y a là une nouvelle façon de discourir et de soutenir que l’ordination rend la personne capable « d’agir au nom du Christ Tête ». À ce titre, la personne est apte à présider la communauté chrétienne, d’en être le chef, comme le veut le sens premier de la notion de tête (képhalè en grec) : être au-dessus.
Tel est le sens que lui donne Paul lorsqu’il dit « que le chef de tout homme, c’est le Christ ; le chef de la femme c’est l’homme ; le chef du Christ, c’est Dieu » (1Co 11,3). Située au sommet, la tête est première. C’est la position du Christ par rapport à la création et à l’Église. « Premier-né de toute créature […], il est, lui, la tête du corps, qui est l’Église » (Col 1,15.18).
Le fait suivant ressort de cette symbolique : la tête n’est pas un membre comme le reste du corps. Elle désigne le Christ comme le principe transcendant et invisible de l’Église. Le Christ Tête est le principe de vie, de cohésion et de croissance de tout le Corps (voir Col 2,19 ; Ep 4,15s). Il est la norme d’existence de l’Église[41] . En somme, l’image de la Tête renvoie au Christ en tant qu’Autre. Il est « l’image du Dieu invisible » (Col 1,15). Ainsi faut-il reconnaître que l’image du Christ-Tête, en tant que désignant le partenaire divin de l’Alliance, n’appelle pas de facto la représentation masculine[42] .
L’interprétation autre des images du Christ Époux et Tête de l’Église nous engage à nous appuyer sur le caractère baptismal d’une personne pour justifier sa capacité de représenter le Christ. En effet, « la liturgie baptismale, jusqu’à aujourd’hui, signifie la réalité que la capacité fondamentale d’être icônes du Christ est un don qui n’est pas limité par le sexe ; les femmes sont le Corps du Christ[43] ». Basile le Grand, n’évoque-t-il pas, dès le IVe siècle, dans son Traité sur le Baptême, « la beauté du prototype, le Christ qui brille, les transfigurant en ses images que sont tous les baptisés, hommes et femmes[44] » ? Serait-il possible que créées à « l’image de Dieu », les femmes n’aient pas la capacité de représenter le Christ sacramentellement ? Une telle situation serait fort paradoxale et plutôt gênante. À ce chapitre, l’expression « image ajustée et de typologie arrêtée » de Kari É. Børrensen, historienne des idées théologiques, illustre de façon judicieuse le paradoxe évoqué[45] .
En effet, près de vingt siècles ont été nécessaires à l’exégèse catholique pour interpréter sans restriction que la femme est créée à l’image de Dieu. Il en découle que « l’image ajustée » entraîne de soi la possibilité pour des chrétiennes de symboliser le Christ dans les sacrements, l’Eucharistie compris. Autrement, il faut reconnaître que l’on a affaire à une « typologie arrêtée » laquelle met en évidence une contradiction flagrante: d’une part, reconnaître que les femmes sont créées à l’image de Dieu et, d’autre part, soutenir qu’elles sont incapables de symboliser le Christ. C’est le délai à harmoniser les deux termes du paradoxe (image de Dieu et incapacité de symboliser le Christ) qui empêche de parler de l’inclusion totale des femmes dans les fonctions ministérielles et liturgiques.
Finalement, le rôle de la présidence de l’Eucharistie n’a-t-il pas, lui aussi, à être ajusté à la théologie de la liturgie des dernières décennies ? C’est le Christ qui préside l’Eucharistie, soutient-elle. C’est dire que le ministre n’agit pas à la place du Christ, comme peut le laisser entendre des textes de Vatican II[46] . Son rôle est de « manifester la présidence du Christ vivant dans la communauté[47] ». Une vision des choses qui fait écho à l’enseignement des Pères de l’Église, en particulier à celui de saint Jean Chrysostome dont les propos ont été rappelés un peu plus tôt. Il importe alors de questionner l’axiome théologique in persona Christi sans cesse évoqué pour justifier l’impossibilité pour les chrétiennes de représenter le Christ.
L’expression in persona Christi trouve son point de départ le texte 2Co 2,10. Le passage du grec au latin a transformé le sens donné par Paul à ce verset. En effet,
les versions latines (dont la Vulgate est un témoin) ont traduit littéralement le texte grec « en prosôpo » par « in persona », changeant ainsi complètement le sens de l’affirmation de S. Paul qui y parle de ce qui est donné « en présence du Christ », alors que la version latine dit : donavi (…) in persona Christi ». Ce que l’ensemble des Pères latins a interprété d’emblée au sens de : « pardonné au nom du Christ »[48]
Au XIIIe siècle, saint Thomas invoquera ce verset « pour donner un sens très fort à l’usage qu’il va faire de l’expression ‘in persona Christi’ en théologie sacramentaire[49] ». Toutefois pour le Docteur angélique, la vérité sous-jacente à l’expression relie non pas au prêtre mais « au mystère de la Présence réelle ». Aussi lorsque relié à un langage et à une imagerie « représentationaliste », l’axiome se situe « dans le contraste le plus total avec saint Thomas », affirme le théologien Dennis M. Ferrara [50] .
En effet, l’expression in nomine a une forte teinte juridique qui ne dit pas exactement ce que Paul voulait signifier. In nomine comporte l’idée d’un mandat alors que in persona Christi renvoie à la réalité de la présence du Christ, voire au Christ qui agit. Dans certains documents magistériels les deux expressions sont souvent employées ensemble, il est difficile alors de ne pas penser à une synonymie, tant les deux axiomes apparaissent interchangeables. Pour obvier à une telle lecture, les théologies des ministères et de la liturgie ont tout à gagner à reprendre l’expression biblique en son sens grec qui signifie « en présence du Christ ».
La conclusion jaillit d’elle-même : la présidence est une fonction qui s’exerce « sous le regard du Christ » ( 2 Co 2, 10, TOB). Placée devant l’assemblée — ce que ne dit pas l’image de la tête — la personne assume un service avec, dans et pourl’assemblée qui « fait mémoire de la Cène[51] ». À travers son agir présidentiel, elle est engagée « dans la ‘visibilisation’ de l’action évangélique de Jésus[52] ».
Dès lors, c’est comprendre que la « ressemblance naturelle avec le Christ » ne peut pas être évoquée comme argument décisif pour réserver aux hommes seuls l’ordination presbytérale. Car la ressemblance avec le Christ réside plutôt dans « la forme narrative de sa vie dans le monde, miséricordieuse, libératrice, par la puissance de l’Esprit[53] ». Si on admet que les disciples du Maître de Nazareth, femmes et hommes, sont appelés à configurer dans leur existence les images du Christ miséricordieux, du Christ libérateur, il est difficile de saisir pourquoi les chrétiennes ne pourraient pas également représenter le Christ Pasteur. Au nom de quel principe d’interprétation en arrive-t-on à dissocier ainsi l’agir du Christ qui aurait « confié seulement aux hommes le devoir d’être ‘icône’ de son visage de ‘pasteur’ et ‘d’époux’ de l’Église à travers l’exercice du sacerdoce ministériel [54] » ? De la réponse à cette question dépend l’inclusion des femmes dans toutes les sphères de la vie ecclésiale.
Micheline Laguë
Université Saint-Paul, Ottawa
Article paru dans Théologiques, vol. 10, n° 1, 2002, p. 207-228.
NOTES
[1] Conférence qui s’est tenue à Dublin du 29 juin au 1er juillet en 2001. Plus de 400 femmes et hommes (ces derniers étaient environ 15%), venus de 26 pays des cinq continents, ont participé à cette conférence organisée par le réseau mondial pour l’Ordination des femmes (Women’s Ordination Worldwide, WOW) et le groupe irlandais Brothers and Sisters in Christ (BASIC).
[2] Le terme est employé selon son sens usuel : « avoir la direction, le soin, la surveillance de qqch. », Le Petit Robert, Paris, 1977, p. 1521. La précision est rendue nécessaire en raison de la tendance de réserver les mots « présider » et « présidence » pour le ministère ordonné. Il faudrait alors inclure aussi les termes « diriger » et « direction » utilisés dans le Missel romain. Si cette tendance se maintient, on va bientôt se retrouver à court de mots pour décrire les tâches pastorales assumées par les laïques, qui pourtant hier étaient celles des ministres ordonnés !…
[3] Motu proprio Tra le sollecitudini du 22 novembre 1903, no 13. Cité par Paul BAYANT, « Chantres », dans R. NAZ, dir.,Dictionnaire de Droit Canonique, t. 3, Paris, Letouzey & Ané, 1942, col. 515.
[4] Voir l’encyclique Musicae sacrae disciplina du 25 décembre 1955 et l’instruction De musica sacra du 3 septembre 1958 ; J. LENGELING, « Liturgie/Science liturgique », trad. par H. ROCHAIS, dans P. EICHER, dir., Nouveau dictionnaire de théologie / adaptation française sous la direction de B. LAURET, 2e édition revue et augmentée, Paris, Cerf, 1996, p. 518- 532 (citation de la p. 526).
[5] « Le canon 813, qui permet aux femmes de répondre à la Messe quand il n’y a pas d’homme présent et pour une juste cause, ajoute qu’elles ne doivent pour aucune raison “approcher de l’autel” », Les Cloches de Saint Boniface, 30/11 (1931), p. 259.
[6] « Lettre apostolique en forme de motu proprio («Ministeria quaedam ») réformant la discipline de la tonsure, des ordres mineurs et du sous-diaconat dans l’Église latine », La Documentation catholique, 69 (1972), p. 852-854.
[7] É. MCDONOUGH, « Les femmes et le nouveau droit ecclésiastique », Concilium, 205 (1986), p. 105.
[8] Voir Missel romain, Paris, Desclée, no 70.
[9] Voir la Lettre de la CONGRÉGATION POUR LE CULTE DIVIN ET LA DISCIPLINE DES SACREMENTS, « Les fonctions liturgiques exercées par des laïcs, hommes et femmes », La Documentation catholique, 91 (1994), p. 509-510.
[10] A.-G. MARTIMORT, « La question du service des femmes à l’autel », Notitae, 16 (1980), p. 15.
[11] Ou « d’inconvenance », suivant l’expression employée, entre autres, par Pie XII dans son encyclique de 1955, Musicae sacrae disciplina.
[12] Dès le IVe siècle, le concile de Laodicée établissait quod non oportet mulierem ad altere ingredi, can. 44, cité dans R. GOLDIE , « Femme », dans D. SARTORE et A.M. TRIACCA, dir., Dictionnaire encyclopédique de la liturgie / adaptation française sous la direction d’H. DELHOUGNE, t. I, Turnhout / Montréal, Brépols / Science et culture, 1992, p. 414.
[13] Il s’agirait d’un décret du Concile de Nicée (325) d’après M.C. JACOBELLI, Sacerdozi, donna, celibato. Alcuna considerazioni antropologiche / presentation de M.D. CHENU, préface de T. TENTORI, Rome, Borla, 1981, p. 57, cité par R. GOLDIE , « Femme », dans Dictionnaire encyclopédique de la liturgie, p. 414. À la note 18, le traducteur avertit qu’il n’a pas trouvé ce texte dans les actes de Nicée I ni de Nicée II.
[14] Voir A.G. MARTIMORT, « Le service des femmes à l’autel », p. 12.
[15] N. CHITESCU, dans CONSEIL OECUMÉNIQUE DES EGLISES, De l’ordination des femmes, Genève, COE, 1964, p. 60, cité par É. BEHR-SIGEL et Mgr K. WARE, L’ordination des femmes dans l’Église (Théologies), Paris, Cerf, 1998, p. 20.
[16] É. BEHR-SIGEL, « L’ordination des femmes : un point chaud du dialogue oecuménique », Contacts, 53/15 (2001), p. 239. Dans certaines Églises locales de la tradition romaine de l’Afrique et de l’Asie notamment, des chrétiennes éprouvent de la difficulté à se défaire de l’enracinement culturel et religieux de ce tabou. Par exemple, des Indonésiennes considèrent « l’Eucharistie comme un rite si sacré qu’elles ne sentent pas dignes d’y participer pendant leurs règles », M. KATOPPO,Compassionate and Free. An Asian Woman’s Theology, Orbis Books, Maryknoll (New York), 1981, p. 81 ; voir aussi les exemples fournis par S.A. PARK, « Religion and Menstruation », dans S. FARIA et al., dir., The Emerging Christian Woman. Church and Society Perspectives, Indore, Satprakashan Sanchar Kendra ; Pune, Ishavani, 1984, p. 12-18.
[17] Une coutume attesté en Occident dès le IIIe siècle : M. BRILLANT, dir., Eucharistia. Encyclopédie populaire sur l’Eucharistie, Paris, Bloud et Gay, p. 505.
[18] P. ROUILLARD écrit que que le rite au cours des ans aurait davantage mis l’accent plutôt sur la bénédiction que sur la purification de la nouvelle accouchée (« Les relevailles », dans Catholicisme, t. 12, Paris, Letouzey & Ané, 1990, col. 767-768). Un accent toutefois qui n’a pas réussi à extirper complètement l’idée de purification rétorque W. von ARX : « Il est indubitable que dans l’histoire de la liturgie, la bénédiction de la mère a été conçue comme une purification de la mère après la naissance » [« La bénédiction de la mère après la naissance », Concilium, 132 (1978), p. 89].
[19] P. de LOCHT, «Discours propectifs», dans FEMMES ET HOMMES EN ÉGLISES, CENTRE FEMMES ET CHRISTIANISME,Au tournant de l’histoire, chrétiens et chrétiennes vivent de nouvelles alliances / Actes du Colloque, Université Catholique de Lyon 7-8 mai 1997 (Profac 58), Lyon, PROFAC, 1998, p. 217. On trouve une illustration de la fécondité d’une transgression dans le fait que l’Église anglicane, après avoir dénoncé l’ordination à Hong Kong d’une diaconesse chinoise durant la Seconde guerre mondiale par l’évêque Hall, accepte depuis quelques années d’ordonner au ministère presbytéral des chrétiennes. Les autorités romaines interpréteront-elles comme un signe de l’Esprit, l’initiative de l’Évêque Félix Davidek (1921-1988) qui, en 1970, ordonna des chrétiennes dans l’Église clandestine de Tchécoslovaquie, nommément Ludmila Javorova ? L’histoire de cette dernière fait l’objet du livre de M. T. WINTER, Out of Depths. The Story of Ludmila Javorova Ordained Roman Catholic Priest, New York, Crossroad, 2001. Pour une vue d’ensemble de la situation, voir P. FIALA et J, HANUS, « La pratique de l’ordination des femmes dans l’Église actuelle. Préparation théologique et établissement de l’ordination des femmes dans l’Église clandestine en Tchécoslovaquie », Concilium, 251 (1999), p. 155-168.
[20] On parle d’ADAP, l’assemblée dominicale en l’absence (en attente) du prêtre, ou encore, d’ADACE, l’assemblée dominicale dans l’attente de la célébration eucharistique. En fait l’expression la plus exacte est ADAL, l’assemblée dominicale animée par des laïques.
[21] Mgr R.G. WEAKLAND, « La création de nouvelles paroisses et le manque de prêtres », La Documentation catholique, 88 (1991), no 43, p. 400. En outre le danger de confusion est réel. « On en vient à préférer ‘la messe de la soeur’ à celle du prêtre qui arrive à la célébration souvent fatigué et à toute vitesse. C’est presque une messe, pense-t-on, puisqu’il y a la communion », N. PROVENCHER, « Un regard théologique sur nos pratiques ministérielles », Studia canonica, 29 (1995), p. 362. L’article est paru dans une forme abrégée sous le titre « Interrogations sur nos pratiques pastorales », L’Église canadienne, 29 (1996), p. 138-144.
[22] Décret sur Le ministère des prêtres, Presbyterorum ordinis, § 5 et 6 ; La Constitution dogmatique sur l’Église, Lumen gentium , § 11 ; Décret sur La charge pastorale des évêques dans l’Église, Christus Dominus, § 30. Voir aussi la Constitution dogmatique sur La Révélation, Dei Verbum, qui affirme que l’Eucharistie donne à « l’Église vie et croissance continuelle », § 21 et 26.
[23] Déjà en 1975, le document de la Commission pastorale de la CONGRÉGATION POUR L’ÉVANGÉLISATION DES PEUPLES intitulé « Fonction de la femme dans l’évangélisation » faisait état de l’angoisse des religieuses face au sort « des communautés chrétiennes menacées d’anémie et de mort ». Aussi la requête de ces femmes engagées « d’assumer des activités pastorales accrues naît précisément de cette angoisse, et non d’esprit de revendication », La Documentation catholique, 73 (1976), p. 615. Voir aussi L. BARONI, Y. BERGERON, P. DAVIAU et M. LAGUË, Voix de femmes, Voies de passage. Pratiques pastorales et enjeux ecclésiaux (F), Montréal, Paulines, 1995, p. 224-232.
[24] T. BERGER, « Les femmes, éléments étrangers dans le Corps du Christ ? Regard sur la place des femmes dans la liturgie »,Concilium, 259 (1995), p. 159-168 (citation de la p. 159).
[25] L. MELANÇON, « Femmes et liturgie », Liturgie, Foi et Culture, 26 (1992), p. 35. Voir aussi R. FOX, « Où sont les femmes-clés de l’Écriture dans le Lectionnaire d’aujourd’hui », dans Lumen Vitae, 50/2 (1995), p. 185-194.
[26] Voir entre autres, I. RAMING, « Le discours masculin sur Dieu dans la liturgie et ses effets sur les femmes », Lumen Vitae, 54/1 (1999), p. 47-57.
[27] Consulter M. PROCTER-SMITH, « Images des femmes dans le Lectionnaire », Concilium, 202 (1985), p. 71-84 ; M.K. MARTIN, « Woman and Worship. The Conversation Continues », Église et Théologie, 28 (1997), p. 301-317.
[28] Un certain nombre de publications ont vu le jour depuis quelques années sur ce sujet. D. NEU, « Nous nous appelons l’Église : l’expérience de liturgies féministes catholiques chrétiennes », dans Concilium, 172 (1982), p. 115-128 ; J. WALTON, « Bénédiction ecclésiastique et féministe. Les femmes, objets et sujets du pouvoir de bénir », dans Concilium, 198 (1985), p. 95-103 ; R. RADFORD RUETHER, « L’Église des femmes. Apparition de communautés liturgiques féministes », Concilium, 206 (1986), p. 71-80 ; M. COLLINS, « Principles of Feminist Liturgy », dans M PROCTER-SMITH et J.R. WALTON, dir., Women at Worship. Interpretations of North American Diversity. Wesminster-Louisville, John Knox Press, 1993, p. 9-26 ; J.R. WALTON, Feminist Liturgy. A Matter of Justice (American Essays in Liturgy), Collegeville, Liturgical Press, 2000.
[29] La formule de Saint Athanase au IVe siècle sert à défendre la réalité de la condition humaine du Christ. Celui-ci est vraiment un être humain et non pas une simple apparence comme le soutenaient, entre autres, Arius et ses disciples.
[30] A. SANTOGROSSI, « Pourquoi ordonner des hommes plutôt que des femmes ? », Communio, 20/6 (1995), p. 176-177.
[31] Homélies sur l’évangile de Jean, 86,4 (Patrologie grecque 59, 472-474).
[32] « L’ordination des femmes : un point chaud du dialogue oecuménique », dans Contacts, 53/195, p. 250. L’auteure est proche de la pensée de Mgr Kalllistos Ware qui fait référence aussi au texte de saint Jean Chrysostome.« Ce n’est pas un être humain qui fait que le pain et le vin deviennent le Corps et le Sang du Christ : c’est l’action du Christ lui-même, crucifié pour notre salut. Le prêtre se tient devant nous, faisant ce que le Christ a fait et disant les mots que le Christ a dits ; mais le pouvoir et la grâce sont de Dieu… C’est le Père, le Fils et l’Esprit qui accomplissent tout ; mais le prêtre prête sa langue et fournit sa main », Sur la trahison de Judas, 1,6 [PG, 49, 380), cité par BEHR-SIGEL et WARE, L’ordination de femmes dans l’Église orthodoxe, p. 89.
[33] SANTOGROSSI, « Pourquoi ordonner des hommes plutôt que des femmes ? », p. 177. La citation se poursuit ainsi : « Le sacerdoce exclusivement masculin est inséparable du fait que le mariage a été assumé par les écrits johanniques et pauliniens comme symbole du Christ et de l’Église ». On aurait aimé connaître les textes visés par cette interprétation…
[34] R. SPIAZZI, Osservatore Romano (10 février 1977), p. 6-7, cité par J. FIELD-BIBB, « Praxis contre image. Les femmes pour la prêtrise dans l’Église catholique romaine », Concilium, 263 (1996), p. 114.
[35] P. RÉMY, « Le mariage, signe de l’union du Christ et de l’Église. Les ambiguïtés d’une référence symbolique », Revue des Sciences philosophiques et théologiques, 66 (1982), p. 404.
[36] RÉMY, « Le mariage, signe de l’union du Christ et de l’Église », p. 405.
[37] Voir l’excellent article de la théologienne et exégète O. GENEST, « Un nouveau contrat femmes/hommes sur fond d’alliance biblique », dans FEMMES ET HOMMES EN ÉGLISES, Au tournant de l’histoire, chrétiens et chrétiennes, p. 35.
[38] BEHR-SIGEL et WARE, L’ordination de femmes dans l’Église orthodoxe, p. 95.
[39] Décret Le ministère des prêtres (Presbyterorum Ordininis), § 2 en particulier.
[40] Au Concile, le choix de l’image a rencontré l’assentiment unanime des experts si bien que « de fait, la formule in persona Christi Capitis n’a jamais été contestée ou retouchée. […] Si l’on cherche, en effet, en quoi la tâche du prêtre est originale par rapport à celle du chrétien, on est renvoyé à ce signe essentiel à l’Église : le signe du Christ-Tête, pour son Corps » — H. DENIS, « La théologie du presbytérat de Trente à Vatican II », dans Les Prêtres en formation, ministère et vie (Unam Sanctam 68), Paris, Cerf, 1968, p. 216, cité par R. PARENT, Prêtres et évêques. Le service de la présidence ecclésiale (Brèches théologiques 12), Montréal/Paris, Éditions Pauline/Cerf, 1992, p. 143.
[41] Voir Y. CONGAR, « Le Christ Chef invisible de l’Église visible d’après saint Paul », dans H. BOUËSSE et J.J. LATOUR, dir.,Problèmes actuels de Christologie, Burges, Desclée De Brouwer, 1961, p. 370.
[42] En ce qui a trait à l’aspect d’autorité, rattaché aussi au symbole de la tête, il ne peut pas servir non plus de raison pour nier aux femmes la capacité d’agir au nom du Christ. L’expérience montre que l’autorité s’exerce aussi bien par les hommes que par les femmes. En plus des exemples donnés de femmes responsables de communautés chrétiennes, elles sont, en effet, nombreuses les femmes à la tête d’entreprises de toutes sortes, d’organismes nationaux et internationaux, de ministères gouvernementaux, voire de pays.
[43] E. JOHNSON, « La masculinité du Christ », Concilium, 238 (1991), p. 153-154.
[44] Cité par BEHR-SIGEL, « L’ordination des femmes : un point chaud du dialogue oecuménique », p. 249.
[45] K.E. BØRRENSEN, « Image ajustée, typologie arrêtée », dans Penser la foi. Recherches en théologie aujourd’hui. Mélanges offerts à Joseph Moingt, Paris, Cerf, 1993, p. 799-803. L’auteure retrace les trois étapes de l’évolution doctrinale pour inclure les femmes dans l’humanité théomorphe. 1) Adam théomorphe, Ève dérivée. Le texte sur l’image, Gn, 1, 26-27a, est interprété avec Gn 2,7 dans le sens d’Adam théomorphe, tandis que le texte concernant la différenciation sexuelle et la bénédiction de fécondité, Gn 1,27b-28, est interprété avec Gn 2,18, 21-24 dans le sens d’Ève non théomorphe, est créée pour être épouse et mère ; 2) Image asexuée. Les femmes sont définies théomorphes dès la création parce qu’elles possèdent l’âme rationnellement asexuée ; 3)Image holistique. L’être humain sexué est théomorphe en tant que féminin ou masculin. Affirmation soutenue d’abord par l’exégèse féministe, puis par l’exégèse protestante du XIXe siècle et enfin par l’exégèse catholique du XXe siècle.
[46] La Constitution sur l’Église (Lumen gentium), § 28, en parlant des pasteurs, dit ceci : « C’est dans le culte ou synaxe eucharistique que s’exerce par excellence leur charge sacrée : là, agissant en nom et place du Christ […] », dans Concile oecuménique Vatican II, Paris, Centurion, 1967, p. 60.
[47] G. LAPOINTE, « La présidence de l’assemblée : une fonction à libérer », Liturgie, Foi et Culture, 28 (1994), p. 24.
[48] B.-D. MARLIENGEAS, « In persona Christi- In persona Ecclesea », Spiritus, 19 (1978), p. 20.
[49] MARLIENGEAS, « In persona Christi », p. 20. Voir aussi son livre Clés pour une théologie du ministère. In persona Christi. In persona Ecclesiae (Théologie Historique 51 ), Paris, Beauchesne, 1978.
[50] D.M. FERRARA, « In persona Christi. Valeur et limites d’une formule », Maison-Dieu, 215 (1998), p. 67-68.
[51] Il faut le rappeler, le rite eucharistique « n’a pas la forme d’un mariage mais d’une anamnèse de la dernière Cène, dans l’obéissance au commandement du Christ », FERRARA, « In persona Christi… », p. 68.
[52] LAPOINTE, « La présidence de l’assemblée», p. 25.
[53] JOHNSON, « La masculinité du Christ », p. 153.
[54] JEAN-PAUL II, « Lettre du pape aux femmes », La Documentation catholique, 92 (1995), p. 721.