Scène 1
On est en 1971.
Une jeune étudiante en sociologie demande à sa mère, une agente de pastorale engagée pour la cause des femmes en Église, de l’aider à préparer un exposé oral qu’elle doit présenter le lendemain.
Tout en préparant le souper, les deux femmes apprennent par la radio, que le cardinal Georges B. Flahiff, président de laConférence des évêques catholiques du Canada, dans une intervention au synode sur Le sacerdoce ministériel et la justice dans le monde, vient de déclarer qu’il n’y avait aucun obstacle dogmatique qui s’oppose à ce que soit réexaminée toute la question d’une place pour la femme dans les ministères de L’Église et qu’il condamne la discrimination basée sur le sexe qui est contraire au Nouveau Testament et aux décrets de Vatican II . L’annonceur affirme que c’est à la suite d’une rencontre avec un groupe de femmes, que les évêques ont adopté une proposition, à savoir, de recommander au Saint-Père la formation immédiate d’une commission formée d’évêques, de prêtres, de laïcs des deux sexes, de religieuses et de religieux afin d’étudier en profondeur la question des ministères féminins dans l’Église. Ils affirment que le temps presse si on ne veut pas être dépassé par les évènements.
La mère, croit rêver. Elle a de la difficulté à croire ce qu’elle entend se dépêche de communiquer la bonne nouvelles aux amies avec qui elle milite.
Scène 2
L’étudiante présente son exposé à la salle.
Elle termine en rappelant que le mouvement mondial des femmes est issu de la condition même des femmes. Elle rappelle les principales luttes des femmes ici au Québec pour obtenir entre autres le droit à l’éducation supérieure pour les filles, le droit de vote des femmes et un statut juridique égalitaire pour les femmes mariées … La grande majorité de ces femmes sont issues de l’action catholique et appuient leurs revendications sur la doctrine humaniste et sociale de l’Église.
Pas surprenant alors que cinq ans après la mise en œuvre de Vatican II, ces femmes courageuses prennent la parole en affirmant que de travailler à faire reconnaître en fait et en droit la pleine participation des femmes à la vie sociale et à la vie ecclésiales, c’est faire œuvre d’évangile.
Baptisées et par conséquent membres de l’Église à part entière elles se sentent autorisées de réclamer que cesse les inégalités fondées sur le sexe dans la société et aussi dans l’Église. Le lien entre foi et engagement social est à la source même de leurs revendications
Scène 3
L’agente de pastorale Monique entre au bureau de son évêque. (L’évêque est invisible et inaudible)
On est en 1994
Elle vient de prendre connaissance du document Ordinatio Sacerdotalis du pape Jean Paul II. Elle est déçue et bouleversée car elle a entendu son évêque appuyer en quelque sorte la lettre apostolique en disant qu’il faut relativiser et y voir une valorisation de la femme.
« C’est un affront aux femmes », dit-elle, Un affront qui me heurte et me blesse, une gifle à mon intelligence ». Elle lui rappelle des extraits de cette lettre qui déclare que le pape « ne se sent pas autorisée de conférer l’ordination sacerdotale aux femmes et que cette position doit être définitivement tenue par tous les fidèles de l’Église ». Elle est outrée, elle est incapable de recevoir les arguments mis de l’avant. Que Marie n’a pas reçu le sacerdoce ministériel et surtout, évidemment, que Jésus n’a choisi que des hommes pour apôtres. Elle comprend mal ou pas du tout que les évêques, qui ont appuyé les luttes des femmes d’ici depuis des années soient soudainement devenu si silencieux.
Elle rappelle les déclarations des évêques de chez-nous qui ont jadis porté jusqu’à Rome leur préoccupation pour une reconnaissance effective des femmes en Église. Elle lui rappelle le contenu de plusieurs synodes, les consultations répétées à travers le pays, les recherches, le travail et la vigilance des femmes qui leur a permis de rester attentifs et éveillés sur la question. Elle lui dit la fierté qu’elle ressentait devant leurs prises de positions audacieuses et leur souci de se laisser imprégner de la culture contemporaine et d’avoir fait de la question de la reconnaissance pleine et entière des femmes dans l’Église et la société une de leurs priorités pour la crédibilité de l’Église.
Elle lui dit qu’elle ne baissera pas les bras et qu’avec d’autres femmes et d’autres hommes, elle continuera son travail inlassablement.
Elle le quitte en l’invitant à marcher avec les femmes tel un leader prophétique
Scène 4
On est en 2011
On aperçoit des pancartes. Sur chaque pancarte, on retrouve une prise de parole d’un évêque québécois réclamant reconnaissance et égalité pour les femmes en Église. Une femme de l’assemblée est invitée à prendre une pancarte et à clamer haut et fort la citation qu’elle tient en main.
Soutenus par l’action des femmes, nos évêques ont pris la parole ici et à Rome en faveur des ministères pour les femmes. Les pancartes rappellent :
¤ La participation véritable de la femme est essentielle pour que la société humaine et même le Royaume de Dieu atteignent leur perfection et leur plénitude.
¤ Une étude théologique sur la question de l’ordination des femmes doit être réalisée.
¤ La reconnaissance de l’égalité entre femmes et hommes est perçue comme une exigence fondamentale de la vie en société et en Église.
¤ Il n’y a pas d’humanité selon le cœur de Dieu sans l’apport irremplaçable et l’alliance de l’homme et de la femme. Il en va de la crédibilité de l’Église et c’est l’intuition originelle de la Genèse.
¤ Un appel à résister à la désespérance de ne jamais voir un jour toutes les inégalités abolies, toutes les compétences reconnues, la justice enfin réalisée entre hommes et femmes, dans l’Église comme dans la société tout entière
Scène 5
La mère est assise dans une berçante, et sa fille arrive.
On est en 2011.
Femmes et Ministères prépare un rassemblement pour rappeler le courage et la ténacité des femmes qui, depuis 40 ans, depuis la déclaration de Mgr Flahiff à Rome au synode sur la justice, n’ont cessé de travailler pour qu’advienne leur rêve d’une pleine reconnaissance dans l’Église.
La fille vient chercher sa mère qui ne semble plus trop empressée de se rendre à la fête.
Elle est découragée par la lenteur de voir les choses évoluées. Rien ne change. Les femmes se retrouvent devant un mur qui paraît infranchissable. Rome reste sur ses positions, les évêques sont de plus en plus silencieux, de nombreuses femmes ont quitté les rangs, les femmes engagées en pastorale sont, pour plusieurs, à des lieux de ses préoccupations; les jeunes femmes sont ailleurs. Elle n’a pas le cœur à la fête. Pourquoi s’accrocher?
La fille finit par convaincre sa mère en lui rappelant que de célébrer le courage et la ténacité incroyable des femmes malgré le machisme ambiant et les déclarations romaines est important même si c’est difficile, et même si le féminisme a évolué. Elle pourra renouer des amitiés et des solidarités aves beaucoup d’autres femmes, faire le point et peut-être se donner le courage de continuer. Les arguments portent et toutes deux partent pour la fête, confiantes et résolues.…
Le 29 octobre 2011
Metteur en scène Blaise Gagnon
Recherchiste Annine Parent
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