Conférence présentée au Centre Le Montmartre à Québec, le 25 octobre 2015
Un belle Marche 2015! Un beau rassemblement de femmes et d’hommes réunis pour une cause commune, soit la « libération » des femmes et par là, des hommes du joug du patriarcat. Peut-être certaines et certains d’entre vous étaient-ils à Trois-Rivières le 17 octobre dernier? Ce moment d’aboutissement d’une longue démarche vaut qu’on s’y arrête.
Le mouvement des femmes pour leur libération n’est pas né d’hier. Comme l’évoquait Annine Parent en mars 2009 lors d’une soirée Relations :
Le mouvement mondial des femmes, n’est pas un mouvement moderne et spontané du XXe siècle. Il est né de la condition même des femmes et s’enracine dans la conjoncture politique, sociale et économique du 19e siècle.
Bref les femmes marchent depuis longtemps. Ce n’est pas d’hier qu’elles luttent pour l’amélioration de leurs conditions. Plusieurs femmes soucieuses non seulement de la reconnaissance de leurs droits, mais aussi du bien-être de la société dans laquelle elles évoluaient, ont lutté. Des « mères » dans ces luttes, au Québec comme ailleurs dans le monde, ont pavé la voie à cette quatrième Marche mondiale des femmes qui s’est déroulée du 8 mars au 17 octobre 2015. Que l’on pense aux Marie Gérin-Lajoie, Thérèse Casgrain, Simone Monet-Chartrand et plus près de nous aux Lise Payette, Françoise David, Alexa Corandi. Et il y en aurait plusieurs autres…
Mon exposé évoquera non seulement la Marche des femmes 2015, mais aussi la marche des femmes en Église dont il a été question sur la scène publique, au cours des dernières semaines, lors du congrès du Women‘s Ordination Wordlwide [WOW], de la visite du pape à Philadelphie, puis du synode sur la famille à Rome.
1. Le Mouvement de la Marche mondiale des femmes
Disons tout d’abord que la Marche mondiale des femmes est un mouvement. Il est à la fois un déplacement dans l’espace et un déplacement dans le sens psychologique du terme, soit un aller vers un ailleurs. Il est important de saisir cette dimension pour comprendre le mouvement de la Marche mondiale des femmes.
La violence, la pauvreté et la protection de l’environnement sont les trois enjeux majeurs pour lesquels des milliers de femmes et d’hommes ont marché à travers le monde à l’occasion de la quatrième action internationale de la Marche mondiale des femmes. Ce grand mouvement de solidarité mérite qu’on s’y arrête pour y jeter un regard critique et en comprendre les enjeux toujours actuels.
La première partie de mon exposé fera un survol de l’historique de cette Marche et du contenu de la Marche 2015 pour ensuite tenter d’en dégager certains enjeux.
Un survol historique
En jetant un regard rétrospectif sur le mouvement de la Marche mondiale des femmes, il est possible d’en retracer deux sources principales, l’une québécoise, l’autre internationale.
Au Québec, le mouvement de la Marche mondiale des femmes est le produit du long travail des femmes qui ont lutté pour l’acquisition de leurs droits. En 1965, pour souligner le 25e anniversaire de l’obtention du droit de vote des femmes au Québec, elles se sont rassemblées grâce à l’initiative de Thérèse Casgrain; celle-ci avait alors proposé la création de la Fédération des femmes du Québec [FFQ] qui a effectivement vu le jour en 1966. L’objectif de départ du « mouvement » était de regrouper, sans distinction de race, d’origine ethnique, de couleur ou de croyance, des femmes et des associations pour coordonner leurs activités dans le domaine de l’action sociale. La FFQ a travaillé et travaille encore pour l’égalité des hommes et des femmes.
En 1994, Françoise David est élue à la tête de la FFQ. Sa priorité : la lutte à la pauvreté. En 1995, elle est, avec son équipe, l’instigatrice d’un grand mouvement, la Marche « Du pain et des roses » qui aura plusieurs retombées positives, dont la loi sur l’équité salariale.
Il existe un lien entre les objectifs de la Marche mondiale des femmes et le travail de l’ONU. Il faut savoir que lors de la création des Nations Unies, en 1945, la lutte pour l’égalité entre les sexes était dans ses premiers balbutiements, que seulement 30 des 51 états membres de l’Organisation accordaient aux femmes les mêmes droits de vote qu’aux hommes ou les autorisaient à travailler dans l’administration publique. Avec les années, la prise de conscience de la grande inégalité entre les hommes et les femmes incita les Nations Unies à agir. Elle inscrivit dans son plan d’action la mise sur pied de quatre conférences mondiales sur les femmes pour faire de l’égalité entre les sexes une préoccupation mondiale. Elles se sont tenues de 1975 à 1995 à Mexico, Copenhague, Nairobi et Beijing.
C’est à Beijing que des Québécoises ont lancé l’idée d’une marche mondiale des femmes. Leur expérience de la Marche « Du pain et des roses » était toute fraîche. Des militantes québécoises et des déléguées de plusieurs pays du Sud venues marcher avec les Québécoises avaient « rêvé » cet Événement qui s’est concrétisé en l’an 2000. « En marchant avec d’autres femmes, les femmes du Québec se sont rendues compte que rien ne pourrait avancer si elles ne s’unissaient pas à toutes les femmes du monde », comme le souligne Alexa Corandi. Elles ont voulu faire de l’enjeu de la mondialisation, une mondialisation des solidarités pour lutter contre la violence et la pauvreté vécues par les femmes.
La Marche de l’an 2000 fut un succès, comme le rappelle Michèle Asselin. Quelque 6 000 organisations non gouvernementales réparties dans 161 pays et territoires ont défilé dans leurs villages, dans leurs quartiers, dans leurs villes et devant le siège de leur gouvernement. Des millions de femmes et d’hommes ont appuyé les revendications portées par la Marche mondiale des femmes et exigé des décideurs politiques et économiques un changement de cap radical au niveau mondial pour en finir avec la pauvreté et la violence envers les femmes. Des petits pas ont été franchi un peu partout dans le monde.
Au Québec, nous avons eu droit à une participation de plus de 40 000 personnes de toutes origines, surtout des femmes. Malgré le peu de gains obtenus en réponses aux 21 revendications, la Marche mondiale des femmes fut, selon Michèle Asselin, un succès à maints égards avec une mobilisation impressionnante, une excellente couverture médiatique, une vaste campagne d’éducation populaire sur la pauvreté et la violence vécue par les femmes, le développement d’une conscience féministe internationale pour les Québécoises et la mise en réseau de femmes de toutes sortes de milieux.
Depuis cette Marche de l’an 2000, des millions de femmes, à travers le monde, ont continué à marcher non seulement pour contrer la pauvreté, la violence et assurer la protection de l’environnement, mais aussi pour dénoncer la marchandisation de la vie et de la nature et la criminalisation des luttes sociales, pour s’occuper d’enjeux qui touchent à la paix et à la démilitarisation, au travail des femmes, à l’accès aux ressources, à la terre, à l’eau, bref au bien commun, aux services publics; tout ceci sans oublier le contrôle du corps des femmes. Le travail qui a suivi la Marche 2000 a mené à l’élaboration commune d’une Charte mondiale des femmes pour l’humanité. Elle voulait répondre à l’urgence de proposer des alternatives économiques, politiques, sociales et culturelles afin de bâtir un monde fondé sur l’égalité entre les femmes et les hommes, entre tous les êtres humains et entre les peuples; ceci dans le respect de notre environnement planétaire. Cette Charte sera relayée mondialement lors de la Marche 2005. Un pas important a été franchi avec cette Marche qui devient alors prise en charge au niveau international. En 2010, elle a rassemblé quelques 4 500 groupes provenant de 150 pays et territoires différents.
La Marche 2015 s’inscrit dans un vaste mouvement d’actions féministes rassemblant des groupes et des organisations de la base oeuvrant pour éliminer les causes qui sont à l’origine de la pauvreté et de la violence envers les femmes. Elle s’est vécue dans les différents continents. Les femmes ont marché dans 60 pays…
La Marche 2015 visait plus spécifiquement la solidarité avec les femmes autochtones d’ici et du monde entier. Son thème « Libérons nos corps, notre Terre et nos territoires » tire d’ailleurs son inspiration des réflexions des femmes autochtones du Guatemala, un pays avec une population autochtone très importante. Elles ont partagé leurs principaux enjeux : l’exploitation du territoire, l’exploitation du corps des femmes, l’appropriation de leur force de travail. Elles ont, pour ce faire, voulu relier l’idée du bien-vivre et de la défense de la Terre à leurs luttes pour la libération des femmes. Il y eut des rencontres à cet effet à l’échelle planétaire.
Au Québec, diverses mobilisations se sont vécues dans différentes régions. Elles se sont concrétisées lors du passage de la caravane des résistances et des solidarités féministes, cet outil pédagogique qui voulait mettre de l’avant les multiples formes de résistances et d’alternatives portées par les féministes. Elle vise à transformer une société qui contrôle le corps des femmes, exploite notre Terre et confisque nos territoires en une société juste, libre de toute domination. La Caravane s’est arrêtée dans 16 régions. Elle est allée à la rencontre de femmes en résistance contre les politiques d’austérité, contre la destruction environnementale, contre le militarisme et pour le droit à l’autodétermination des peuples autochtones. Plus de 4000 km pour construire des résistances et des solidarités féministes. Chaque région avait son propre enjeu principal, ses problématiques, abordées durant la Marche et analysées d’un point de vue féministe selon l’invitation du mouvement de la Marche des femmes. Chaque arrêt de la Caravane, qu’il était possible de suivre sur le Web, démontrait l’originalité et la créativité dont étaient capable de faire preuve les femmes en dépit des faibles moyens financiers mis à leur disposition.
Un élément mérite d’être souligné, soit la collaboration de la Marche 2015 avec différents groupes en accord avec ses objectifs. Cette collaboration venait renforcer la poursuite des objectifs de la Marche en ajoutant une visibilité et une force plus grande à celui créé par la Marche. Il y a eu, entre autres, l’appui de la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées, la Journée nationale de commémoration pour les femmes autochtones disparues et assassinées (4 octobre); la Journée mondiale de l’Habitat (5 octobre), la Journée pour le travail décent (7 octobre), la journée de la Coalition Main rouge, opposée à la tarification et à la privatisation des services publics (8 octobre). Avec tous ces événements, on peut parler d’une société en marche.
Lors de la Marche du 17 octobre, plusieurs situations concernant l’amélioration des conditions de vie des femmes ont été apportées. Je n’en soulignerai qu’une. La Marche 2015 a voulu profiter de l’événement pour exprimer sa solidarité avec les femmes autochtones, les gardiennes de la terre et du territoire; son appui aux résistances des peuples et des femmes autochtones pour la reconnaissance de leur histoire et de leurs langues et pour le respect de leur droit à l’autodétermination. Les représentantes ont dénoncé la disparition et l’assassinat de femmes autochtones et l’indifférence à cet égard, réclamé une commission d’enquête nationale et engagé les féministes québécoises dans la lutte pour la décolonisation. Le tout s’est terminé par un immense die-in. Un die-in est un geste symbolique de protestation au cours duquel les militantes et les militants se couchent au sol pour simuler le fait d’être morts. Il s’agit d’un geste collectif posé dans l’espace public qui vise à rendre visible l’invisible et à dénoncer les impacts des systèmes, deslois et des institutions qui créent des inégalités et des oppressions.Il s’est vécu en solidarité avec les 1186 femmes autochtones disparues et assassinées. Rappelons que les femmes autochtones sont cinq fois plus exposées à la violence que les femmes allochtones.
Que de beaux moments vécus autour de cette marche! De belles solidarités, de belles rencontres, des interpellations essentielles. Mais qu’a-t-elle apportée?
Un bref retour sur la Marche elle-même et ses enjeux
Les femmes ont rêvé la Marche. Nous pouvons nous demander : ont-elles rêvé pour rien? Est-ce que le souhait de libérer les corps, la Terre et les territoires a remporté quelques victoires? Les revendications des différentes marches se ressemblent toujours à certains égards. Se peut-il qu’il n’y ait pas de progrès réels malgré les demandes des femmes? Nous sommes toujours au prises avec ces hommes qui agressent et violentent des femmes sans impunité. Il y a de belles promesses électorales qui ont effleuré la question de la violence faite aux femmes; mais il y a toujours des femmes violées et exploitées. Il y a cependant des dénonciations plus nombreuses qu’avant.
Mais les femmes se tiennent debout, font des alliances. Elles ont manifesté leur capacité de se rallier au-delà de leurs différences. Elles conquièrent peu à peu leur territoire à travers des luttes sans relâche, symbole de leur persévérance. Elles continuent sans cesse à interpeler les gouvernements.
C’est sûr que la Marche n’a pas eu de retombées aussi flamboyantes que celle qui a mené à l’acceptation par le gouvernement du Québec d’une loi sur l’équité salariale. Mais le travail de la Marche 2015 a été un vaste mouvement d’éducation populaire qui a permis une sensibilisation, une éducation dont les fruits n’apparaissent pas instantanément.
Bref, le travail n’est pas terminé. Les femmes du Québec, avec des alliés masculins, doivent continuer à marcher pour contrer la violence, la pauvreté et la protection de l’environnement dans tous lieux où elles sont exclues ou marginalisés, l’Église y compris. Il est d’ailleurs intéressant de constater le lien entre cet événement et la longue marche des femmes en Église qui ont un combat tout aussi semblable à mener au cœur de l’institution ecclésiale.
2. La longue marche des femmes en Église
Les femmes en Église ont participé à toutes les Marches depuis la Marche « Du pain et des roses » en 1995. Elles y ont toujours été très impliquées, non seulement en participant à l’événement lui-même, mais aussi en travaillant à sa préparation, en animant des ateliers, en offrant le gîte, en rendant service là où les besoins se faisaient sentir.
Elles étaient aussi présentes à l’intérieur de la Marche 2015; plus officiellement à travers la participation de l’Association des religieuses pour les droits des femmes [ARDF] et de l’une de ses représentantes, Marie-Paule Lebel. Elles y étaient nombreuses, samedi dernier, les femmes en Église, sans nécessairement être identifiées comme telles ou porter l’étiquette officielle de féministes chrétiennes. Certaines marchaient sous la bannière d’organismes qui travaillent à contrer la violence, la pauvreté; d’autres pour protéger l’environnement à un niveau local comme mondial. D’autres marchaient parce qu’elles luttent contre cette forme de violence du système patriarcal de l’institution catholique qui peut parfois engendrer des petites violences au quotidien pour les femmes engagées en Église. Elles marchent depuis longtemps, les femmes en Église. Et les revendications de la Marche mondiale des femmes les concernent.
Les femmes en Église marchent depuis longtemps
Les femmes en Église marchent depuis longtemps pour la reconnaissance de leurs droits, pour que justice leur soit rendue. Celles qui nous ont précédées ont mené des combats qui sont souvent ignorés à l’intérieur de l’institution catholique.
J’aimerais vous apporter quelques brefs éléments de leur histoire à partir du début du XXe siècle. Dans la foulée de Vatican II, des groupes de chrétiennes et de chrétiens s’organisent. Au Concile, la question des femmes est, non officiellement, à l’ordre du jour… Cette histoire est trop peu connue, pour ne pas dire inconnue, de plusieurs. J’aimerais en apporter quelques éléments.
Je vous parlerai de deux groupes, l’Alliance internationale Jeanne d’Arc et le Women’s Ordination Worldwide [WOW] et de deux individus, Theresia Münch et Ida Raming, étant bien consciente que je ne fais qu’effleurer le sujet. Mais peut-être ce survol historique vous donnera-t-il le goût d’en connaître un peu plus en partant d’ici; car le mouvement de la marche des femmes pour la reconnaissance des femmes en Église n’est pas une génération spontanée. Il a de longues racines.
Certaines personnes parmi vous connaissez peut-être l‘Alliance internationale Jeanne d’Arc. Il s’agit du plus ancien groupe international qui a intégré la cause de l’ordination des femmes à ses objectifs. Fondée à Londres en 1911, cette association a d’abord milité pour le droit de vote des femmes. Actives concernant les droits humains en général, ses membres travaillent à changer l’attitude de la société et de l’Église vis-à-vis les femmes. Déjà en 1961, l’Alliance interpelle le Pape au sujet de l’accessibilité des femmes au diaconat. Après l’annonce de la tenue d’un concile, elle demande que des hommes et des femmes laïcs y soient présents à titre d’observateurs et d’experts. Pendant le concile Vatican II, ce fut la seule organisation féminine à réclamer l‘égalité juridique des femmes dans l’Église catholique romaine (Raming, 2000). Et en 1963, elle y présente une résolution sur l’admission de femmes à la prêtrise. Toujours active en Allemagne, en Angleterre, aux États-Unis et en Italie, l’Alliance est reconnue depuis 1951, comme organisation non gouvernementale ayant un statut consultatif à l’ONU; elle participe ainsi à différents débats de société dont certains incluent les femmes dans les religions. Un fait à noter : il y avait parmi les femmes d’Edmonton qui ont été derrière l’intervention du cardinal Flahif au synode romain de 1971 sur Le sacerdoce ministériel et la justice dans le monde des membres de l’Alliance. Certaines membres de cette organisation sont également très actives dans les mouvements pour l’ordination des femmes (Sevre-Duszynska, 2009). Un autre groupe que je souhaite mentionner, c’est l’organisation internationale Women’s Ordination Worldwide [WOW]. Elle comprend actuellement des représentants de l’Allemagne, de l’Australie, du Bangladesh, du Canada, des États-Unis , de la France , de la Grande-Bretagne, de l’Irlande, du Japon et de la Pologne de même que deux groupes internationaux, soit la Conférence internationale des théologiennes et des théologiens européens [ICETH-(International Conference of European Theologians] et le Roman Catholic Women Priests [RCWP]. Lors d‘un rassemblement qui s’est tenu en 1996 en Autriche, soit le Premier synode européen des femmes, différents groupes militant pour l’ordination des femmes ont décidé d’unir leurs forces pour agir de façon plus visible et efficace dans la sphère publique en vue d’appuyer l’ordination des femmes et leur pleine égalité dans le domaine ecclésial. Elles souhaitaient favoriser la prise de conscience et le développement de vocations de femmes pour un ministère presbytéral renouvelé. WOW vient de tenir un congrès très dynamique à Philadelphie, la semaine précédant la visite du pape, avec des conférencières de marque. Comme dans les groupes féministes, elles ont su donner la parole tant aux théologiennes qu’aux femmes du terrain y incluant celles qui portent un appel à l‘ordination. Il y avait plus de 500 femmes et hommes venant des quatre coins du monde pour participer à cette rencontre.
Je trouvais important de souligner l’existence de nombreux groupes desquels émergent certaines femmes qui ont osé et osent encore se manifester sur la place publique. J’évoquerai maintenant deux femmes, deux Allemandes, qui ont oeuvré parfois seules, parfois en équipe pour l’accessibilité des femmes à la prêtrise.
La première, Josefa Theresia Münch, jeune institutrice qui deviendra théologienne, écrira aux papes Pie XII , Jean XXIII, Paul VI et Jean‑Paul II pour leur exprimer son désir d’être ordonnée prêtre. Elle n’est âgée que de 22 ans lorsqu’elle écrit sa première lettre au pape Pie XII en 1953, inspirée par Catherine de Sienne (Münch, 1991; 1994). Au début du Concile, en octobre 1962, elle se rendra à Rome causant un émoi durant la première conférence de presse lorsqu’elle demandera : « Des femmes ont-elles aussi été invitées au Concile? » Elle osera également demander à l’évêque chargé de cette conférence, Mgr Kampe, alors évêque de Limburg (Allemagne) :
J’ai entendu dire que les supérieurs de certains ordres religieux masculins ont été invités au Concile à la dernière minute. Qu’en est-il des ordres féminins, certains d’entre eux comptant plus de membres que des ordres masculins? Y aura-t-il des invitations de toute dernière minute?
Münch n’a pas voulu se joindre au mouvement de celles et ceux qui se sont fait ordonner en 2002. C’était hors de question pour elle. Elle considérait que ça nuirait à l’unité de l’Église en y créant une scission, ce qu’elle ne voulait pas. Elle est toujours active dans sa paroisse comme organiste et visiteuse à l’hôpital. Elle « sublime » en quelque sorte l’échec de sa lutte pour l’ordination des femmes à travers la prière et l’Eucharistie, selon le témoignage lors d’une entrevue réalisée avec elle en octobre 2013. Une question se pose : se manifestera-t-elle à François?
Ida Raming est une théologienne reconnue qui a signé plusieurs articles pour la revue Concilium. Elle a en quelque sorte voué sa vie à la question de l’ordination des femmes. Elle aussi a soumis, avec une collaboratrice, une requête au concile Vatican II pour qu’il y ait une discussion concernant l’ordination des femmes, demande s’appuyant sur une argumentation théologique. Elle travaillera avec des femmes de la base tout en s’outillant intellectuellement pour argumenter le débat. Elle croit fermement être appelée à la prêtrise et sa communauté la reconnaît (Raming, 1998). J’ai pu constater cette reconnaissance lors du congrès WOW 2001. Très jeune elle se sent attirée par Dieu/e et tout ce qui concerne l’univers de la religion. Devenue étudiante en théologie, elle est bouleversée par l’ordination de compagnons d’étude. Cet événement ravive son désir d’être prêtre. Comme la porte d’aucun ministère ordonné ne peut lui être ouverte dans son Église, elle poursuit ses études en théologie jusqu’au au doctorat. Puis elle travaille à la mise sur pied d’un groupe de partage, d’entraide et d’appui à celles qui croient être appelées à un ministère ordonné. Son cheminement l’amènera à opter pour une ordination contra legem, seule issue possible à ses yeux pour répondre à l’appel qui la tenaille depuis plusieurs années. Elle considère ce geste comme un signe prophétique public démontrant que les appels aux ministères ordonnés ne peuvent pas être toujours réprimées par une loi imposée par les hommes sur les femmes. À l’instar de ses consoeurs qui ont posé ce même geste, elle se réfère à la parole biblique: «Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes» (Actes 5, 29) et aux nombreuses occasions pour lesquelles Jésus enfreignait les lois inhumaines en déclarant : « Le sabbat a été fait pour les êtres humains, et non les êtres les humaines pour le sabbat ». Elle sera ordonnée prêtre en 2002 à l’intérieur du Roman Catholic Women Priests, puis évêque en 2006. (Raming, 2008). Elle a écrit, il y a quelques années, une histoire de l’ordination dans laquelle elle présente le refus d’ordonner des femmes dans l’Église catholique et la perpétuelle dissidence entre le magistère et un nombre croissant de fidèles dans l’Église concernant cette question comme un cas de non-réception.
Ce bref survol historique a un lien direct avec le sujet qui nous concerne.
Comment les revendications de la MMF les concernent
La pleine reconnaissance des femmes en Église ne peut se dissocier du mouvement de la Marche mondiale des femmes. Le thème retenu cette année, « Libérons nos corps, notre Terre et nos territoires », les concernent directement. Les femmes en Église travaillent à la protection de la terre. Le territoire qu’elles occupent ou n’occupent pas a son importance. Et le corps est au cœur de plusieurs de leurs préoccupations. C’est ce dernier thème qui retiendra principalement mon attention avec celui du territoire.
Le corps
Le corps des femmes est au cœur de nombreux discours élaborés par l’institution ecclésiale. Il fait partie des sujets d’inquiétude romains, bien plus que le corps des hommes. Il occupe une place très importante sur lequel on écrit et légifère abondamment. Les nombreuses considérations, réflexions, vues de l’esprit qui émanent de l’univers romain concernant les femmes sont issues d’une pensée masculine et transmises au peuple de Dieu/e aux moments que ceux-ci le jugent opportun… Il n’y a, le plus souvent, aucune femme à l’origine de toutes ces élaborations et ces discours concernant la Femme.
Dans notre Église, le corps de la femme entraîne une forme de déterminisme vocationnel; il empêche toute femme d’espérer un jour devenir prêtre si elle croit que telle serait sa voie et que sa communauté reconnaît chez elle les dons et les aptitudes qu’on attend d’un prêtre. À cause de sa constitution biologique, la femme ne peut représenter le Christ. Elle est née avec un manque au niveau de son anatomie qui fait toute la différence. Il serait un obstacle à toute possibilité d’appel vocationnel.
Ce corps de femme serait voué à la maternité, écrit-on dans plusieurs textes officiels. Qu’on se rappelle Mulieris dignitatem, la lettre apostolique écrite par Jean-Paul II en 1988. Il s’agit d’une véritable louange à l’« être femme ». Il y rappelle, pendant une bonne partie de la lettre, l’importance de la femme, son génie pour déboucher sur l’impossibilité d’accéder à la prêtrise découlant de ce constat. La lettre apostolique Ordinatio sacerdotalis sur l’ordination sacerdotale exclusivement réservée aux hommes, publiée en 1994, officialisait cette pensée. Et le pape François poursuit son chemin sur la même voie. Il continue, à l’instar de Jean‑Paul II, à louer le « génie féminin » et à appuyer les avancées de ses prédécesseurs.
À cause de son corps de femme, la femme ne peut être « icône du Christ ». Seul un individu de sexe masculin peut représenter le Christ. Selon la doctrine officielle, le prêtre, dans l’exercice de son ministère, n’agit pas en son nom, mais représente le Christ qui agit en lui. Il agit in persona Christi. Il est un signe, qui se doit d’être perceptible par les croyants; d’où l’importance que cette fonction soit assumée par un homme puisque Dieu s’est incarné dans un individu de sexe masculin. Pourtant un retour aux sources de l’utilisation de cette expression permet d’y porter un regard différent .Une mauvaise traduction d’une expression grecque au latin (en prosôpo, 2CO 2,10 ) a donné in persona et l’utilisation qui en a été faite par la suite. Le sens de l’expression en serait plutôt « en présence de », « sous le regard de » que la Traduction Œcuménique de la Bible [TOB] comme la Bible de Jérusalem et la Nouvelle Traduction de la Bible [NTB] l’utilisent. Cette expression vient de Paul dans la deuxième épître aux Corinthiens; des théologiens et des théologiennes en ont montré l’origine (Marliengeas, 1978). Malheureusement la signification s’est figée en théologie sacramentaire et a donné le sens unique qui sous-tend l’argumentation rendant la prêtrise exclusive aux individus de sexe masculin.
Un prêtre qui agit « sous le regard » ou « en présence du » Christ pourrait aussi être une femme. Les femmes et les hommes ont reçu le même baptême qui les fait enfants de Dieu. Comme l‘écrit Paul : « Car tous, vous êtes, par la foi, fils de Dieu, en Jésus Christ. Oui, vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ. Il n’y a plus ni Juif, ni Grec ; il n’y a plus ni esclave, ni homme libre ; il n’y a plus l’homme et la femme ; car tous, vous n’êtes qu’un en Jésus Christ. » (Ga 3, 26-28) De plus, ce n’est pas Jésus de Nazareth que le prêtre représente; c’est le Christ ressuscité, qui se situe bien au‑delà du sexe biologique. On a fait d’une métaphore, celle de l’époux et de l’épouse, une réalité concrète. Il est alors nécessaire que le prêtre soit un homme pour être image du Christ, époux de l’Église et actualiser l’image biblique de l’Époux et de l’Épouse. Un corps de femme ne pourrait jouer ce rôle.
Un autre élément doit être pris en considération lorsque vient le temps de réfléchir à l’accessibilité des femmes à l’ensemble des ministères, soit la question du genre que l’Église institution rejette sans nuance en insistant sur les spécificités reliées à chacun des sexes. Ce concept est pourtant rattaché à l’ensemble de la personne, corps inclus. Plutôt que de l’utiliser comme une grille de lecture qui faciliterait la compréhension des relations entre les hommes et les femmes, l’institution catholique en fait un bloc monolithique mettant toutes les écoles de pensée et les lieux de recherches qui réfléchissent sur le genre dans le même panier. Elle déploie une énergie remarquable pour en combattre les différentes théories s’y rattachant, théories qui font toutes référence au fait qu’on ne devient pas homme ou femme de la même façon selon le milieu qui nous a éduqués.
Pourtant, la notion de genre vient ouvrir le discours religieux en ébranlant la compréhension séculaire des spécificités féminines et masculines. Elle aide à défaire l’argumentation basée sur l’identité psychosexuelle amplement utilisée par l’institution ecclésiale pour refuser l’ordination aux femmes, argumentation qui relève davantage d’une tradition dans le sens d’une coutume reliée aux moeurs du temps plutôt que de la Tradition entendue dans un sens dynamique. Je tiens à souligner, par la même occasion, l’apport des évêques de l’Inde qui, avec leur consultante, Astrid Lobo Gajiwala, PhD, et un certain nombre de femmes ont approuvée en septembre 2010, une Politique concernant le genre dans l’Église catholique, politique mise sur pied pour donner des droits égaux aux femmes dans la société et dans l’Église. Le cardinal Oswald Gracias en a fait une politique officielle dans son diocèse, l’archidiocèse de Bombay. Mais, rien n’est parfait… Selon ce qu’il a révélé lors d’une entrevue entourant le Synode réalisée il y a quelques jours, dans le reste du pays, cette politique est plus ou moins en application parce que, même si les évêques ont accepté le document, ils ne le diffusent pas nécessairement; la mise en application étant faite selon le bon vouloir de chacun (Rose-Milavec, 2015, 23 octobre).
Bref, le corps des femmes a une importance majeure aux yeux des décideurs ecclésiaux. Il est sujet d’étude, de contrôle, de pouvoir. Je ne m’attarderai pas ici à la question de la contraception et de l’avortement, sujets des décisions de clercs, et impliquant pourtant largement le corps des femmes. Ils ont été des sujets très présents sur la place publique particulièrement lors du Synode sur la famille. Je n’aborderai pas non plus le volet « austérité », présent à l’intérieur de la Marche. Les femmes engagées en Église sur le plan pastoral font partie des coupures budgétaires des dernières années. On leur retranche des heures de travail. En diminuant leur revenu, il y a un impact sur leur vie physique et psychologique. C’est un élément que nous devons garder en mémoire, mais il ne sera pas davantage développé ici. Je m’attarderai quelques instant au territoire occupé par les femmes dans l’institution ecclésiale.
Le territoire occupé par les femmes dans l’institution ecclésiale
Le territoire occupé par les femmes dans l’institution ecclésiale comme encore trop souvent dans la société est défini par les hommes. Dans maintes situations, ils décident de la visibilité de celles-ci. Deux exemples nous permettent d’en prendre davantage conscience, soit la quasi absence des femmes du territoire symbolique ecclésial et l’impact des images reçues; d’où la nécessaire revendication d’un espace.
- La quasi absence des femmes du territoire symbolique ecclésial
Il suffit de regarder quelques cérémonies en provenance du Vatican pour se rappeler à quel point ce territoire de représentativité catholique est occupé par la gent masculine. D’où l’importance du travail pour lutter afin que des femmes aient accès à ce territoire symbolique. Il en constitue une partie essentielle puisque l’occupation comme la non-occupation de cet espace physique est le reflet de la reconnaissance réelle qu’on accorde à la femme. Il est symptomatique. Rendre quelqu’un visible ou invisible a un lien avec le crédit qu’on lui attribue de même qu’avec la reconnaissance qu’on accorde à son statut. Et les femmes sont souvent invisibles dans l’espace public ecclésial. D’ailleurs deux articles de la théologienne Elizabeth Schüssler Fiorenza (1985) portaient les titres suivants : « Les femmes invisibles dans la société et dans l’Église »et « Briser le silence – Devenir visible »; ce qui est significatif.
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L’impact des images reçues
Il vous est sans doute arriver de regarder des photos ou des extraits de reportages télévisés d’événements rassemblant le clergé anglican ou le clergé catholique. Les images sont parlantes. Des vêtements liturgiques qui se ressemblent dans les deux groupes. Par contre, ils sont portés par des hommes et des femmes chez les anglicans et uniquement par des hommes chez les catholiques. La différence est frappante; des articles se réfèrent d’ailleurs à certaines assemblées catholiques comme à un Boy’s Club…
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La nécessaire revendication d’un espace
Les lieux de l’occupation de l’espace, autorisés ou non pour tel groupe, sont porteurs d’un message. La quantité d’espace alloué comme sa localisation sont significatifs. Dans notre Église, le territoire occupé par les femmes a sans cesse besoin d’être réclamé pour que l’importance de leur rôle soient reconnue. Combien de fois devons-nous insister pour que les agentes de pastorales soient visibles avec le clergé lors de célébrations. Le cardinal Léon Joseph Suenens de Bruxelles avait compris le sens de cette non-visibilité; d’où son interpellation aux Pères conciliaires à la deuxième session du concile Vatican II : « Où sont les femmes? Elles constituent pourtant la moitié de l’humanité ». Il va sans dire que son intervention avait créé une onde de choc. Mais elle avait entraîné la nomination par Paul VI de 16 femmes comme auditrices parmi les 2000 hommes (Wijngaards, 2005).
Vous comprenez sans doute l’importance de l’occupation du territoire physique comme psychologique à l’intérieur du territoire ecclésial. Elle est l’expression d’une reconnaissance, d’un statut et, osons le dire, d’un pouvoir réel. D’où la nécessité de réclamer l’accessibilité à toutes les fonctions dans l’Église.
Certains trouveront peut-être mes critiques sévères puisqu’il y a eu certaines ouvertures à la place des femmes depuis l’arrivée du pape François : la nomination d’une rectrice à l’Université pontificale, la tenue de colloques sur la question des femmes sur le terrain du Saint Siège, le droit de parole de quelques femmes au Synode. Mais un long chemin reste encore à parcourir. Tant qu’on ne déverrouillera pas la question de l’ordination des femmes, de son accessibilité à toutes les fonctions ecclésiales, on ne pourra parler d’égalité réelle des femmes et des hommes dans l’Église. Elle demeurera l’indice, le signe de l’inégalité entre les hommes et les femmes dans l’Église et ce, même si on détache la prêtrise des prises de décision.
Conclusion :
Il y a, comme vous pouvez le constater, certaines convergences entre les luttes des femmes dans la société et dans l’Église. Il y a eu de nombreuses avancées dans l’Église du Québec grâce à l’action de plusieurs évêques. Vous pouvez retrouver plusieurs de leurs interventions courageuses dans Devoir de mémoire rédigé par Annine Parent et sur le site du réseau Femmes et Ministères. Ils étaient devenus frileux nos évêques québécois ces dernières années. Mais la dernière intervention de monseigneur Paul-André Durocher au synode sur la famille apporte un peu d’espoir. Les appuis reçus ne viennent pas nécessairement du Synode, mais de groupes et d’individus dont 8 300 signataires d’une pétition de soutien qui lui a été remise jeudi dernier, par Debora Rose-Milavec, la responsable de l’organisation américaine Future Church.
Le mouvement de la Marche mondiale des femme et celui des femmes en Église ont des points de convergences.
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Les deux travaillent à donner davantage de visibilité aux femmes
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Les deux ont à coeur la solidarité
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Le deux dénoncent les injustices
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Le mouvement de la Marche invite à dénoncer l’absence ou le peu de représentativité des femmes dans certains milieux.
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Celui de l’Église invite à faire sortir de l’ombre les femmes qui portent l’Église. Dans ce sens l’intervention de sœur Maureen Kelleher au Synode vient éclairer ce propos (Rose-Milavec, 21 octobre 2015). Elle a rappelé qu’en 1974, lors du synode sur l’évangélisation, il y avait deux religieuses nommées pour y représenter l’Union des supérieures majeures. Aujourd’hui, 40 ans plus tard, elles ne sont que trois au synode sur la famille malgré la proposition faite par les représentants de l’Union des supérieurs majeurs prêts à leur céder cinq de leurs dix sièges. À ce rythme, si on ajoute un femme à tous les 40 ans, il faudrait attendre au moins l’année 7220… Soyons patientes!…
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Les deux manifestent une forme d’impatience par rapport aux changement; ils sont trop longs à venir et ils ont des conséquences
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Dans la société, ça génère des drames, tels ceux qui viennent d’être dévoilés à Val d’Or avec les abus de la police locale envers les femmes autochtones.
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Dans l’Église, ça finit par donner une perte de crédibilité de la population, des femmes, des jeunes; une perte de crédibilité également venant de femmes engagées en Église qui délaissent l’institution pour aller oeuvrer dans le domaine social en ignorant même dans certains cas celles qui continuent à oeuvrer au sein de l’institution catholique.
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Face à ces différents constats, devons-nous baisser les bras? Sûrement pas… La persévérance continue d’être à l’agenda des femmes et de leurs supporteurs. Et pour la maintenir, on se doit de maintenir nos solidarités et d’agir. Voici quelques pistes d’action que votre expérience vous permettra sûrement de compléter :
- Sensibiliser la population civile et religieuse à nos préoccupations.
- Dénoncer et réfuter le non-sens de certaines déclarations concernant l’accessibilité des femmes aux différents ministère en les appuyant sur des arguments solides
- Appuyer les alliés masculins; par exemple : souligner les bons coups qu’ils réalisent lorsqu’ils dénoncent un situation inacceptable pour les femmes ou font une place réelle aux femmes
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-Se souvenir de belles paroles de certains évêques et les utiliser le plus souvent possible; par exemple, l’intervention de Louis-Albert Vachon, alors primat de l’Église canadienne et archevêque de Québec, lors du synode sur « La réconciliation des hommes et des femmes dans l’Église » en 1983 : « Mais ces appels de l’Église au monde pour la promotion du statut des femmes n’auront bientôt plus d’impact, si ne se réalise parallèlement à l’intérieur de l’Église la reconnaissance effective des femmes comme membres à part entière. »
J’aimerais en terminant vous apporter trois réflexions ou commentaires.
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La première vient de la théologienne Monique Dumais. Cette ursuline, membre de la collective L’autre Parole, écrivait ceci en 2010 concernant la Marche des femmes de Rimouski :
Et qu’en est-il dans l’Église catholique ? Sommes-nous en marche pour l’avancement de nos droits ? Au contraire, nous sentons que l’institution romaine a toujours le pied sur les freins pour que des femmes pleines d’élan ne s’aventurent pas trop loin. On entend toujours répéter que l’Église est pour la dignité des personnes, en incluant les femmes, mais les femmes sont hélas! plutôt perçues comme des moyens pour maintenir la famille stable, pour profiter du bénévolat et de la main-d’oeuvre à prix réduit dans les activités pastorales, comme des servantes qui ne doivent jamais revendiquer car elles sont alors accusées de rechercher le pouvoir. Mais il n’y a pas de pouvoir dans l’Église, dit-on!
Alors que faire? Se résigner ou oser prendre la parole et faire les choses inédites qui nous intéressent. Nous ne pouvons laisser périr les dons et talents que nous avons pour annoncer la Bonne nouvelle. C’est là que nous devons scander les pas de notre marche!
- La deuxième du regretté Robert Lebel, alors évêque deValleyfield, dans une entrevue qu’il accordait à la revue RND en1992 :
[…] je maintiens qu’il faut absolument laisser ouverte la question de l’ordination des femmes. Il ne faut pas avoir peur de se poser des questions. Autrement, cela veut dire qu’on a peur des réponses. […] Si le fait de ne pas laisser les femmes accéder à l’ordination est discriminatoire, il faut ordonner des femmes ou penser autrement l’exercice de la prêtrise. On ne sort pas de ce dilemme.
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Et la troisième, pour terminer ce retour sur la Marche 2015, une parole de Chantal Locat, coporte-parole de cet événement :
Tant qu’il restera une femme, peu importe où, qui ne sera pas libre, nous serons en marche et nous résisterons. Nous serons le sable dans l’engrenage du patriarcat, du capitalisme et du colonialisme. (Locat, 2015; citée par Richer-Boivin)
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- Décès d’Olivette Genest, un témoignage - 22 mars 2024
- Décès de Micheline Laguë1940 – 2024 - 22 mars 2024
- Gisèle Turcot - 28 avril 2023
Merci pour ce rappel des étapes historiques de la « marche » des femmes et d’arguments pertinents pour conscientiser à notre réalité contemporaine de certains enjeux primordiaux.