Le 9 août 1939, Monique Dumais voyait le jour portée par les marées du Bas du fleuve Saint-Laurent, plus clémentes en cette saison. Elle est restée fidèlement attachée à ce coin de pays qui rayonne à partir de Rimouski, ville aux multiples institutions dont l’Université du Québec à Rimouski [UQAR] qui accueillait Monique à son retour d’études doctorales à Harvard et à New York. Monique nous a quittées après une maladie qui lui ont rendu difficiles les dernières années, jusqu’à son décès le 16 septembre 2017.
Il n’est pas possible dès maintenant de rendre justice à l’ensemble de son œuvre et pourtant, le portrait saisissant que Marie-Andrée Roy a publié au nom de L’Autre Parole dans l’annonce du « Décès de Monique Dumais » nous donne accès à diverses facettes de la première théologienne féministe reconnue en milieu québécois. Les titres qui lui sont attribués soulèvent spontanément notre admiration parce qu’ils sonnent juste et vrai : « pionnière audacieuse, théologienne percutante, éthicienne interpellante, femme résiliente ». Telle fut celle qui a innové non seulement par son enseignement mais en fondant, en 1976, avec Louise Melançon et Marie-Andrée Roy, la collective L’autre Parole.
Femme de vision et d’espérance. Ainsi nous apparaît cette femme qui a ouvert des chemins pour une meilleure intelligence de notre existence de femmes croyantes au sein d’une société et d’une Église marquées sous le sceau de traditions patriarcales. Sa démarche s’inscrivait dans la relance des mouvements féministes au Québec au tournant des années 1970. La théologienne a utilisé son pouvoir de parole en milieu universitaire et associatif pour communiquer sa vision transformatrice de la contribution des femmes. Elle a franchi un pas de plus en invitant étudiantes, chercheuses et théologiennes à créer un mouvement porteur de sa vision. Ainsi est née L’autre Parole, lieu de célébration joyeuse et créatrice, de réécriture des textes bibliques à la lumière d’une conscience féministe renouvelée.
Le bulletin de la collective L’autre Parole nous a gratifiées depuis une quarantaine d’années des études, des essais, poèmes et témoignages de ses membres. Monique Dumais y a d’ailleurs contribué depuis sa fondation. Elle a même eu la joie de participer aux célébrations du 40e anniversaire de fondation de la collective, en août 2016. Il faut espérer qu’un recueil de ses écrits paraîtra un jour grâce aux soins de quelques membres de ce groupe.
Monique Dumais nous a invitées à relire les Écritures à l’aide des travaux d’exégètes, notamment Elisabeth Schlüsser-Fiorenza. Quelle bonne bouffée d’air frais! Comme plusieurs l’ont affirmé, elle a accordé place à l’expérience des femmes, corps et âme, comme lieu de la rencontre du salut, du divin et de l’autre. Elle offrait comme outil, entre autres, la relecture des pages d’Évangile illustrant que Jésus de Nazareth avait choisi de s’entourer de femmes et hommes disciples, accueillant à part égale leur service et leur parole de chercheuses dans la foi.
La connaissance ne suffit pas, Monique préconisait une relecture pour une transformation de la condition des femmes trop souvent emmurées dans la violence, la pauvreté et la non-reconnaissance. Elle avait cette conviction que toutes les femmes ont une dignité fondamentale qui doit être prise en compte, d’abord par les femmes elles-mêmes. La liste de ses publications en est une belle illustration. Sa participation à plusieurs organismes régionaux ou nationaux de lutte à la pauvreté et à l’Association des Religieuses pour les Droits des Femmes [ARDF] en témoigne aussi.
« En mémoire d’elle », dirions-nous spontanément, continuons à faire émerger l’expérience des femmes en quête d’une spiritualité incarnée. Restons à l’écoute des femmes encore trop nombreuses à subir les contraintes de la pauvreté et de la violence qui limitent leurs aspirations à devenir pleinement humaines. Dans la confiance, ajouterait Monique, que notre solidarité fera une différence.
Le 12 décembre 2017
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Cette nouvelle du départ de Monique Dumais me rend très triste.
J’ai gardé un souvenir lumineux d’elle : nous l’avions invitée en juillet 1981
à Orléans, pour le colloque « Marie et le femmes », organisé par Femmes et Hommes dans l’Eglise. Malheureusement nous en avons perdu les actes. Mais la mémoire de Monique reste intacte, vivante.