Au nom de Femmes et Ministères, nous sommes heureuses de vous accueillir au Colloque Virage 2000. Merci d’être avec nous. Depuis près de trois ans, nous caressions le rêve de vivre avec vous cet événement d’Église, événement que nous voulons dynamisant et prometteur de changement.
Dès le départ, il faut le souligner, c’est grâce au travail, à la collaboration et à l’intérêt soutenu d’un très grand nombre de femmes si nous sommes réunies dans cette salle prêtes à travailler ensemble pour trouver des alternatives libératrices à nos situations jugées insatisfaisantes comme femmes dans l’Église.
C’est aussi grâce à toutes ces femmes d’ici et d’ailleurs qui, depuis des années, ont multiplié les recherches, les études et les analyses qui ont servi de fondements, de bases à notre travail. Il me faut mentionner de façon toute spéciale, la contribution généreuse des membres de Femmes et Ministères ainsi que la collaboration des répondantes diocésaines à la condition des femmes qui nous ont secondées tout au long de la démarche.
Et je ne voudrais pas oublier de souligner, de façon bien particulière, le travail des membres du comité Virage qui, depuis trois ans, travaillent pour que ce projet soit promesse d’un avenir meilleur pour les femmes en Église. Merci donc à Lise Baroni, à Yvonne Bergeron, à Pierrette Daviau et à Céline Girard pour leur foi dans cette cause qui nous tient toutes à cœur.
Ce soir, nous voulons rendre hommage à toutes les femmes qui ont travaillé pour améliorer la condition de vie de femmes. Nous avons affiché sur les murs à l’entrée de la salle, de nombreuses photos de femmes. Nous avons voulu signaler de façon symbolique le travail accompli par ces femmes pour contrer les obstacles qui freinent l’action des femmes encore aujourd’hui. Elles représentent les nombreuses femmes toujours à l’œuvre qui travaillent, analysent, et dénoncent de façons peut-être différentes, selon leurs possibilités, leurs sensibilités, du lieu où elles se trouvent. Si le cœur vous en dit, soyez très à l’aise pour ajouter en toute simplicité votre photo ou votre nom sur les tableaux, ou encore, le nom de femmes que vous connaissez et que vous voulez signaler à notre attention. Considérez-vous toutes honorées et remerciées à travers ces quelques visages de femmes.
J’aimerais vous dire un mot des lieux dans lesquels nous sommes réunis, lieux qui par leur histoire pourraient devenir inspirateurs. Nous sommes à la maison mère des Sœurs de la Congrégation de Notre-Dame. Cependant, le site avait un autre attrait pour nous. Nous sommes dans les lieux qui ont abrité le premier collège classique féminin conduisant au baccalauréat ès arts de l’Université Laval à Montréal fondé en 1908 par sœur Sainte-Anne-Marie. Grande éducatrice, femme avant-gardiste, sensible aux revendications des femmes de son temps dont Marie Gérin-Lajoie, Robertine Barry et Joséphine-Marchand-Dandurand qui réclamaient des études supérieures pour les filles. Mère Sainte-Anne-Marie s’est battue à leur côté pour vaincre les objections des autorités civiles et religieuses et les préjugés du temps. C’est à force de courage, de ténacité, d’efforts multipliés, de réflexion, de stratégies planifiées, d’actions concertées, c’est à force de patience mais aussi d’impatiences que ces femmes ont gagné du terrain pouce par pouce pour finalement parvenir à leur fin. Il nous semblait, que ces lieux qui rappellent un volet important de la lutte des femmes pour le droit à l’éducation pouvait donner du souffle à nos débats, nous donner foi et espérance dans nos luttes pour une reconnaissance effective des femmes dans l’Église et dans la société. Leur témoignage est là pour nous dire que malgré les fermetures, malgré les impasses, rien n’est impossible et qu’il nous faut, à notre tour, chercher les stratégies, les actions qui permettront des changements durables. Demandons à ces femmes, à ces « cheffes » de file qui ont cru de tout leur cœur à l’extraordinaire potentiel des femmes de nous accompagner tout au long de cette fin de semaine. Que leur esprit créateur de changement soit avec nous.
Deux grands mouvements bien actuels ont inspiré la mise sur pied du projet Virage 2000 : la Marche mondiale des femmes et le Jubilé de l’an 2000. La Marche mondiale des femmes veut contrer deux grands problèmes présents à travers le monde : la pauvreté des femmes et la violence faite aux femmes. Le projet Virage veut s’unir à cet événement et rappeler publiquement que sur notre propre terrain, sur le terrain de l’Église, ces deux réalités existent et qu’il nous faut les combattre. Le Jubilé se veut un temps de libération, de réconciliation. « Le Jubilé nous invite à une éthique de renversement en faveur de la libération des personnes appauvries, exclues et opprimées. » Le Jubilé est un temps de grâce et doit être porteur d’espoir. Il nous invite à aller de l’avant et à nous dire que les impasses sociales et ecclésiales ne sont pas insurmontables.
Virage 2000, je vous le disais précédemment, est à l’œuvre depuis près de trois ans. Il a traversé différentes étapes avant de nous réunir ce soir. Rappelons-les rapidement.
• D’abord, une recherche de littérature et des entrevues qui ont permis d’établir un bilan des pratiques discriminatoires dont sont encore victimes les femmes à l’intérieur de l’Église. Il a été constaté que, malgré les progrès réalisés, il reste un long chemin à parcourir pour qu’en Église, les femmes soient reconnues en égalité, en mutualité, comme de véritables partenaires. On se retrouve devant un jeu d’échelles et de serpents avec des avancées et des reculs.
• Par la suite, treize tables rondes ont été organisées à travers le Québec et l’Ontario avec des femmes de tout âge et appartenant à différents milieux : des femmes du milieu artistique, agricole, communautaire ou œcuménique. Des femmes oeuvrant dans la fonction publique, dans le monde de la politique, de l’économique, dans le monde syndical, de la santé, du socio-communautaire, du syndicalisme et des communications ont parlé des difficultés rencontrées dans leur milieu respectif et des stratégies mises de l’avant pour y remédier. Les femmes des différents milieux ont insisté sur la solidarité à développer entre les femmes d’abord, puis entre des femmes et des hommes par la suite.
• En troisième étape, une analyse a permis de réaliser que les causes des situations insatisfaisantes ne tiennent pas uniquement à certaines personnes mais qu’elles sont profondément inscrites dans la culture ecclésiale elle-même. Dans notre société les femmes sont inscrites dans une culture patriarcale, renforcée en Église, par une culture cléricale. Nous voyons que dans l’Église, des femmes vivent une sorte de dépendance qui affecte leur autonomie et le développement de toutes leurs potentialités.
• Ont suivi, 21 rencontres régionales vécues sous le thème « La libération des captives ». Il s’agissait d’un retour sur le terrain de l’Église et de discerner quelques pistes de réflexion et de travail susceptibles de nous aider dans l’atteinte de nos objectifs. Nous devrions donc être maintenant en mesure d’établir une plate-forme d’actions pour les années à venir. Dans la foulée de tout ce travail de réflexion en faveur des femmes, la question est posée : Que pourrions-nous faire ici, maintenant, pour provoquer des changements de nature à éliminer les pratiques discriminatoires, la pauvreté des femmes et la violence faite aux femmes dans notre Église?
Ce Colloque que nous allons vivre dans la solidarité, je le déclare officiellement ouvert. Il se veut un bilan, la fin d’une étape. Il se veut aussi un départ, une rampe de lancement vers des alternatives, vers des stratégies en vue d’actions libératrices. Il faut nous mettre au travail avec beaucoup de joie et d’espérance.
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Annine Parent
*Après avoir fait des études en théologie et en andragogie, Madame Parent a travaillé comme agente de pastorale, animatrice et directrice adjointe à l’Office de la pastorale sociale du diocèse de Québec, puis directrice pendant 12 ans au Service de pastorale de ce même diocèse. Elle a acquis de nombreuses expériences dans des champs très diversifiés : l’Action catholique, les mouvements concernant la promotion de la condition des femmes dans l’Église et dans la société, des projets de développement communautaire et social. Pour plusieurs de ces causes, elle fut l’instigatrice de la mise en place de nombreux groupes et organisa des sessions tant pour la défense des femmes que pour l’engagement social au Québec. Membre de divers conseils d’administration à vocation caritative, elle collabore à diverses revues, différentes organisations ou groupes communautaires sociaux et pastoraux. Elle est actuellement membre de la Coalition nationale des femmes contre la pauvreté et la violence.
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